La problématique de l’organisation des administrations fiscales

Comment doit être organisée et fonctionner une douane à l’ère de la mondialisation ? Bernard Zbinden qui est le coordonnateur de la région Afrique occidentale et centrale à l’OMC, en a fait une esquisse au forum national sur la réforme fiscale.

 

Créée le 4 novembre 1952, l’Organisation mondiale des douanes (OMD) réunit à ce jour 183 douanes à travers le monde. Le secrétariat de l’OMD est domicilié à Bruxelles, la capitale de la Belgique et siège administratif de l’Union européenne (UE). L’actuel secrétaire général est le Dr Kunio Mikuriya. L’OMD a pour mission de déterminer les normes, les standards et les outils de travail, ainsi que d’appuyer la réforme à la modernisation des douanes membres. L’OMD est organisée en trois directions ayant respectivement pour rôle le renforcement des capacités, les questions tarifaires et commerciales, ainsi que la facilitation et le contrôle.

La politique de l’OMD est fondée sur la régionalisation. La République démocratique du Congo fait partie des 23 pays de la région Afrique occidentale et centrale (AOC). Dans ce cadre, la Direction générale des douanes et accises (DGDA) est membre actif de l’OMD, avec laquelle elle collabore étroitement. La DGDA participe aux nombreuses activités organisées par le secrétariat de l’OMD et la région AOC. L’appui de l’OMD au bénéfice de la DGDA porte essentiellement sur la gestion stratégique (diagnostic et planification de la réforme sur base d’un plan stratégique pluriannuel), le leadership et le management (formation de certains cadres de la DGDA), la réappropriation par la douane des missions externalisées à une société d’inspection. Il porte également sur le Processus de Kimberley (la traçabilité des diamants) et l’offre ou l’appui pour un meilleur contrôle des produits miniers à l’exportation.

Vision et stratégie de l’OMD pour la douane du 21è siècle

Bernard Zbinden explique que le rôle primaire de la douane est de « faire en sorte que les marchandises traversant la frontière soient dédouanées en conformité avec la règlementation en vigueur ». Les recettes ne sont qu’un résultat de ce travail. D’après lui, les recettes douanières dépendent principalement de la nature, du volume, de l’origine et de la valeur des marchandises importées légalement.

Par ailleurs, les importations sont fortement influencées par les besoins actuels du pays, l’économie nationale et internationale, la stabilité et la sécurité au niveau national, régional et mondial, le climat des affaires (investissement), le niveau et la prédictibilité de la fiscalité (droits de douane, TVA, accises, redevances…). Elles sont aussi influencées par la performance, la transparence et l’éthique des organes de l’État, ainsi que par la performance de la douane en matière de recettes.

Sur ce registre, la performance de la douane dépend de sa capacité de surveiller les frontières et de prendre en charge toutes les marchandises à importer (exporter et transiter), dédouaner les marchandises en conformité avec le cadre légal en place, calculer et recouvrir les droits et taxes en accord avec la réglementation en vigueur. Et tout cela de manière aussi simple, rapide, transparente que possible.

Bref, selon Bernard Zbinden, la douane doit disposer des ressources humaines et des moyens financiers et matériels adéquats pour être performante. Toutefois, c’est aussi de la responsabilité de la douane de mettre en œuvre des procédures simples et rapides et d’agir de manière transparente et éthique.

Normes pertinentes et contraignantes 

Selon l’OMD, la douane doit appliquer veiller au respect strict de certaines normes qui influencent positivement les recettes douanières. Premièrement, la valeur transactionnelle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). C’est un accord sur la mise en œuvre de l’Article 7 du GATT de 1994, dénommé « Accord sur l’évaluation en douane » (valeur transactionnelle). Deuxièmement, le système harmonisé de l’OMD qui est le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Généralement dénommé « Système harmonisé » ou « SH », la RDC l’a signé et l’applique. Troisièmement, les règles d’origine. Ce sont le régime préférentiel (accords bilatéraux ou multilatéraux) et le régime non préférentiel (chaque pays applique ses propres règles même si au sein de certaines unions économiques régionales les règles non préférentielles sont harmonisées pour l’ensemble des États parties de ces unions).

Bernard Zbinden fait remarquer que la simplification et l’harmonisation des procédures peuvent encourager les importations et ainsi générer des recettes douanières supplémentaires. C’est notamment le cas de la Convention de Kyoto révisée. C’est une convention de l’OMD signée par la RDC en 2000 mais qui tarde à la ratifier. Ou de l’Accord sur la facilitation des échanges de l’OMC.

C’est un accord contraignant pour tous les membres de cette organisation. Entrée en vigueur en février 2017, la RDC l’a signée mais ne l’a pas encore ratifiée. Ou encore la Zone de libre échange continentale (ZLEC). C’est une initiative de l‘Union africaine que Bernard Zbinden pense qu’elle impactera certainement les recettes douanières, aussi en RDC.

En ce qui concerne la collaboration entre la douane et les administrations fiscales, l’OMD a entrepris plusieurs travaux entre 2013 et 2016. Par exemple, en 2013 ont débuté les échanges de vues concernant l’échange d’informations. En 2015 a commencé la collecte des informations auprès des membres par le biais d’un questionnaire et des discussions au niveau de la commission politique de l’OMD. En 2016 ont été définies les caractéristiques essentielles des fonctions de la douane, les directives visant à renforcer la coopération entre la douane et les administrations fiscales au niveau national (élaborées avec le concours des membres, de  l’OCDE, de l’ICC et d’autres parties prenantes).

L’OMD a également fait des examens des formes concrètes de la coopération entre la douane et les administrations fiscales, notamment les échanges d’informations, les systèmes TI commun, les systèmes TI interopérables, la  gestion commune des risques, les contrôles/opérations/audits communs. Elle a aussi réalisé des études de cas sur les administrations des recettes fiscales, mené un plaidoyer pour une douane dotée de ressources adéquates et confectionné un document conceptuel sur le rôle de la douane dans le recouvrement des taxes indirectes sur les marchandises.

Collaboration avec le FMI

L’OMD et le Fonds monétaire international (FMI) entretiennent une relation de travail de longue date. L’OMD et le département des finances publiques (FAD) du FMI ont mutualisé leurs expériences afin d’améliorer l’outil d’information fiscale des administrations fiscales (RA-FIT) du FMI.

Cet instrument renseigne aussi sur la performance, les cadres institutionnels et les opérations de la douane mais ne tient pas suffisamment compte des missions non-fiscales de la douane. Une nouvelle étude du FMI dénommée « ISORA » est en cours. L’OMD collabore avec le FMI pour mieux tenir compte des missions et mieux évaluer la performance de la douane.

Les résultats des études de cas sur les agences de recettes ont montré les avantages de la fusion: une efficacité́ opérationnelle accrue, une augmentation des recettes, l’échange et le partage d’informations (par exemple, une base de données partagées), une formulation de politique commune (en particulier pour les questions fiscales et commerciales), un meilleur service pour les parties prenantes, une palette plus large d’expertise qui peut être utilisée en commun.

Par ailleurs, les défis en matière de fusion sont l’insuffisance de ressources allouées au service des douanes dans son ensemble (en raison du fait que l’augmentation des recettes est l’objectif primordial de l’organisation) avec un impact négatif sur la capacité́ de la douane à s’acquitter totalement de ses tâches (y compris les tâches non fiscales); des difficultés rencontrées par le personnel de l’organisation pour s’acclimater aux changements résultant de la fusion; la réticence des unités respectives à partager des informations, nonobstant leur appartenance à une même organisation; et le regroupement des informations pertinentes détenues par les unités aux fins du partage au sein de l’organisation, en fonction du destinataire/utilisateur compétent et autorisé.