La RDC se dote d’une cartographie industrielle

Entre le gouvernement et le patronat, les discussions ont souvent été franches. Le nouveau ministre de l’Industrie s’en est rendu compte après l’entretien qu’il a eu avec une délégation de la FEC sur l’état des lieux des industries dans le pays. Il se résume à un trait : le retour à l’abc de l’industrie. 

La délégation de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) a été conduite auprès du ministre de l’Industrie, Marcel Ilunga Leu, par Gilbert Ilondo Leny ye Nkoy, chargé des relations avec le gouvernement au sein du patronat national. À l’issue de cette séance de travail sur la situation des industries dans le pays, des commissions d’experts de ce ministère ont été mises en place afin d’entreprendre des travaux d’élaboration du répertoire et de la cartographie des entreprises industrielles en République démocratique du Congo. Selon le ministre Ilunga, cette cartographie a le mérite de doter l’État de moyens de fidéliser les investisseurs sur les opportunités d’affaires en RDC. Marcel Ilunga Leu voudrait, en effet, mettre à la disposition de tous les opérateurs industriels un repère fiable au diapason de la politique de l’État en matière industrielle. Ainsi, chaque intervention du gouvernement (subventions, allègements fiscaux…) tiendra compte des difficultés de chaque secteur industriel.

Divergences avec la FEC

Selon les dernières estimations, la RDC a perdu, ces trente dernières années, 80 % de ses industries héritées de la colonisation.

D’après un document distribué lors de la dernière session parlementaire au Sénat, le secteur de l’industrie  multiplie des contreperformances dues notamment aux difficultés d’obtention des frais de mission pour la mobilisation et la maximisation des recettes en provinces, à la faiblesse du tissu industriel, à la controverse créée par la FEC au sujet de la taxe sur la détention des instruments  de mesure, dont les taux de perception sont jugés excessifs par la plupart des sociétés et particulièrement les sociétés pétrolières. Le ministère de l’Industrie compte parmi les services d’assiette dont les recettes sont collectées au service de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation (DGRAD).

Mais faute d’accessibilité au répertoire national des entreprises qui transfèrent les royalties, étant donné que toutes les transactions commerciales et financières transitent par la Banque centrale du Congo (BCC), les recettes du ministère de l’Industrie sont considérablement réduites. Selon des experts, les secteurs des industries extractives, des hydrocarbures, des mines et des forêts échappent à tout contrôle du ministère de l’Industrie. Les opérateurs des ressources naturelles se cambrent derrière des clauses controversées du code minier et du code forestier pour récuser le moindre contrôle des limiers du ministère de l’Industrie. Ces cinq dernières années, le ministère de l’Industrie n’aurait jamais atteint ses assignations.

Les prévisions arrêtées pour l’exercice 2015 étaient à 10 381 761 331 francs tandis que les réalisations ont été de 3 311 039 286 francs, soit un taux de réalisation de 31,89 %, selon la reddition de comptes réalisée par la Cour des comptes et transmise aux chambres parlementaires. Pourtant, des industriels déplorent la détérioration continue du climat des affaires, du fait notamment d’une double imposition au niveau du gouvernement central et en provinces. En 2016, la FEC/Katanga a organisé à Lubumbashi une journée portes ouvertes des industries de la province, placée sous le thème « les obstacles à l’industrialisation du Katanga », en marge de la journée internationale de l’industrialisation. François Xavier Musul Tshilumb, président de la commission des petites et moyennes entreprises (PME) du Katanga, a fait à l’État quelques griefs, dont le laisser-aller dans le commerce déloyal des produits similaires importés, la contrefaçon, le contrôle qualitatif dans les industries du Katanga, le rôle et la responsabilité de l’Office congolais de contrôle (OCC), la sous-traitance. Lors de son dernier séjour à Kalemie, dans la province du Tanganyika, le ministre de l’Industrie et des PME a fait le constat peu reluisant d’une province qui n’a même pas su maintenir les industries héritées de la colonisation.

Mise à niveau 

Une délégation de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), conduite par Rafik Feki, a dernièrement fait part au ministre Marcel Ilunga de la démarche engagée par cette agence du système des Nations unies pour la mise en œuvre du Programme régional de mise à niveau (PRMN). Selon l’expert de l’ONUDI, ce projet est encore au stade de contact direct avec les entreprises. L’ONUDI fait aussi le point sur le Guichet de mise à niveau (GMN), dont l’objectif, selon Rafik Feki, est d’accompagner le gouvernement, les secteurs privé et financier à travers le diagnostic de remise à niveau, en apportant une assistance technique permettant à des entreprises de s’imposer sur le marché national et régional. Cependant, le ministre de l’Industrie s’est montré évasif sur l’offre de l’ONUDI, qui l’on s’imagine est assortie d’un chapelet des conditionnalités.

Selon les médias publics, Ilunga Leu a dit avoir « fait siennes toutes les préoccupations soulevées par les experts de l’ONUDI et s’est engagé à réagir de façon satisfaisante à la problématique évoquée. » Le chef de la délégation de l’ONUDI a toutefois réitéré l’appui de son organisme dans la mise en œuvre du projet de renforcement des capacités des entreprises congolaises pour les rendre plus compétitives.