La RDC veut revoir sa coopération économique avec l’Angola et l’Afrique du Sud

Un sommet tripartite avec les alliés angolais et sud-africain est annoncé en avril prochain. Les dates et le lieu de la rencontre seront fixés par voie diplomatique, indiquent des sources du ministère des Affaires étrangères. Au menu, il sera question de réfléchir sur le réchauffement des projets communs d’intégration régionale. Que peut-on en attendre ? 

La tripartite Afrique du Sud-Angola-RDC a été voulue au départ par les chefs d’État angolais, congolais et sud-africain comme un « Mécanisme de dialogue et de coopération ». Elle a été pour ainsi dire institutionnalisée afin de servir de « cadre d’appui à la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la stabilité et la coopération en RDC », signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba, au siège de l’Union africaine (UA), en Ethiopie. Le sommet fondateur de ce Mécanisme a eu lieu, le 12 mars 2013, à Luanda, la capitale de l’Angola. Ce jour-là, après avoir passé en revue la situation en RDC, les présidents Edouardo Dos Santos, Jacob Zuma et Joseph Kabila Kabange se sont mis d’accord sur la meilleure façon d’appliquer cet accord. Ils ont signé à cet effet un « Mémorandum d’entente » établissant le « Mécanisme tripartite pour le dialogue et la coopération » entre les gouvernements angolais, sud-africain et congolais.

Une manière pour eux d’exprimer leur volonté politique de « s’associer aux efforts » des Nations Unies, de l’Union africaine, de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Ces efforts visent la stabilisation de la situation dans l’Est de la RDC, notamment à travers l’opérationnalisation de la Brigade d’intervention avec la MONUSCO. Les trois chefs d’État ont d’ailleurs réaffirmé, à l’issue de cette rencontre, l’importance de l’Accord-cadre comme « la perspective la plus adéquate pour la résolution pacifique de la crise et du conflit dans l’Est de la RDC, tout en sauvegardant sa souveraineté et son intégrité territoriale comme condition indispensable au développement économique et social de ce pays, à la paix, à la sécurité et à la stabilité dans la région et au processus d’intégration régionale ».

Renforcer le partenariat stratégique

Ils ont en outre réitéré leur appui aux efforts menés par le président Kabila et son gouvernement dans la recherche de la paix, la stabilité et le développement en RDC. Voilà dans quelles circonstances est né le Mécanisme tripartite de dialogue et de coopération RDC-Angola-RSA. En octobre 2014, des ministres des trois pays se sont réunis à Luanda. Le but de leur réunion était de « renforcer le partenariat stratégique et appuyer les efforts de consolidation de la paix et de la stabilité en RDC ». À cette occasion, les ministres des trois pays ont défini les secteurs de coopération dans le cadre du Mécanisme tripartite : la politique et la diplomatie ; la défense, la sécurité et l’ordre public ; l’administration publique ; la gouvernance ; le développement économique et social, les infrastructures… C’est dans cette perspective que les gouvernements angolais, congolais et sud-africain ont signé un accord de coopération militaire portant sur la formation des forces de sécurité (armée et police) congolaises, conformément à l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.

Celui-ci prévoit notamment le renforcement de la mission des Nations Unies (MONUSCO) déployée dans l’Est de la RDC, la plus importante au monde avec plus de 10 000 hommes. Signé par onze pays de la région, l’Accord-cadre d’Addis-Abeba prévoit d’adjoindre à la MONUSCO une brigade d’intervention pour combattre les différentes rébellions opérant dans l’Est de la RDC, dont le Mouvement du 23 mars (M23). L’Afrique du Sud a ainsi déployé 1 345 hommes en RDC dans le cadre de cette brigade dotée d’un mandat offensif. Pour le président angolais, l’instabilité dans la région remet non seulement en cause la souveraineté et l’intégrité territoriale des pays concernés, mais elle y menace la paix et la sécurité, moteurs du développement économique et social et du processus d’intégration régionale et continentale.

En septembre 2015, la 3è session du Mécanisme tripartite de dialogue et de coopération s’est tenue à Pretoria en Afrique du Sud. Au centre des discussions : le renforcement de la coopération dans les domaines stratégiques d’intérêt commun. La session s’est déroulée en deux temps : il y a eu d’abord la concertation des hauts fonctionnaires… Puis, la réunion des ministres, après celles d’octobre 2013 à Kinshasa et octobre 2014 à Luanda. Au niveau des experts tout comme celui des ministres, l’accent a été mis sur « l’importance de la paix, la sécurité et la stabilité dans la région en vue de la mise en œuvre effective des projets de développement entre les trois pays ». Les Angolais et les Sud-Africains ont loué « les efforts du gouvernement congolais dans le processus de rétablissement d’une paix durable en RDC, permettant ainsi un environnement favorable aux actions de développement intégré pour le bénéfice des populations des États membres de la tripartite ».

Et le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la RDC de l’époque, Raymond Tshibanda, a insisté sur « la responsabilité de mettre en œuvre et de traduire en actes concrets la volonté politique des trois chefs d’État. » D’après lui, ils ont voulu ainsi « jeter les bases d’un partenariat stratégique et durable en vue de consolider la paix, la sécurité, et la stabilité de la RDC, et, par-delà, de toute la région, dans la perspective d’une croissance économique forte et constante aux effets socialement partagé. » En guise d’actes concrets, la ratification du Mémorandum d’entente par les trois pays et la mise en place de l’équipe dirigeante du secrétariat permanent, organe exécutif du Mécanisme, avec siège à Luanda, à l’issue de la 3è réunion ministérielle de la tripartite.

Les perspectives d’avenir

L’Angola occupe le poste de directeur exécutif tandis que l’Afrique du Sud et la RDC occupent les postes des directeurs exécutifs adjoints, respectivement chargé de l’identification et du suivi des projets, et des finances et de l’administration.Dans la perspective du sommet tripartite à venir, le vice-1ER Ministre, ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration régionale, Léonard She Okitundu, s’est rendu le 15 mars dans la capitale angolaise, porteur d’un message du président Joseph Kabila à son homologue angolais, José Eduardo Dos Santos. C’est lui qui est actuellement le président en exercice de la CIGRL, et de la Commission politique et diplomatie de la Communauté de développement des États de l’Afrique australe (SADC). Au cours de l’entretien avec le président angolais, She Okitundu a brossé le tableau de la situation politique en RDC. Il a  rassuré le président Dos Santos de la sécurité qui règne dans la sous-région, malgré la violation des engagements de certains pays-signataires de l’Accord-cadre et la résurgence des ex-M23 qui ont tenté des incursions dans l’Est du pays. Mails ils ont été repoussés par les forces de défense et de sécurité de la RDC.

Sur le plan économique, l’accord de coopération tripartite porte sur plusieurs projets d’intérêt commun. Mais essentiellement sur les ports de Lobito en Angola et Durban en Afrique du Sud, ainsi que sur le Grand barrage hydroélectrique d’Inga en RDC (lire les articles en encadré). L’amélioration des réseaux routiers et ferroviaires dans la région, surtout dans ces trois pays stimulerait le transport des marchandises et des matières premières, faciliterait les transactions et les négociations – en particulier lorsque les parties prenantes doivent se rencontrer en personne -, permettrait de développer le tourisme et aurait une incidence positive sur la vie quotidienne des habitants. Aujourd’hui, la Chine est reliée à l’Europe par le chemin de fer.

Le train transporte des marchandises plus rapidement que le bateau et coûte moins cher. En RDC, le Projet de transport multimodal (PTM) vise l’amélioration de la connexion des modes de transport dans le pays. Le PTM a déjà réhabilité plus de 1 400 km de voie ferrée sur 3 000 km et acquis pour le compte de la Société nationale des chemins de fer qui opère au Katanga, des engins (locomotives, voitures et wagons) rendant ainsi le trafic viable. L’objectif est d’attirer le trafic minier vers les rails étant donné que l’acquisition des locomotives a réduit le temps de rotation et de séjour des wagons dans les quais.