La réforme de 2009 est un échec patent

En 2014, l’ancien président de la République avait lâché cette phrase assassine devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès : « Nous ne pouvons pas dans ce domaine (de la réforme des entreprises publiques, ndlr) comme dans bien d’autres, aller d’études en études, des conseils d’experts en conseils d’experts, ce qui souvent n’est qu’une excuse pour ne rien faire ! » Qui peut dire mieux ?

ENTRE la parole et l’acte, il y a un pas que l’exécutif n’arrive pas franchir allégrement en matière de redressement des entreprises publiques. Pourtant déjà, le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP), alors une agence de la Banque mondiale, avait suscité beaucoup d’espoirs. En 2003, le COPIREP qui se muera en établissement public, a géré 180 millions de dollars, dont 120 millions de crédits de la part de la Banque mondiale pour sortir les entreprises du Portefeuille du gouffre et en faire véritablement des unités de production. En effet, depuis des années, notamment sous le régime de Mobutu, les entreprises publiques traînaient des casseroles et les Congolais leur ont collé l’image de « canards boiteux ». 

Poser le diagnostic général

Au 31 décembre 2010, la transformation juridique des entreprises publiques en sociétés commerciales (SARL), conformément aux principes de l’OHADA, a été réalisée, selon la volonté du gouvernement. Dans le cadre de la réforme de 2009, le COPIREP avait reçu mandat de poser le diagnostic organisationnel, technique, opérationnel et financier. Sur la base des résultats, il devait définir et mettre en œuvre la stratégie de restructuration ; élaborer et mettre en œuvre un plan social d’accompagnement de la restructuration. 

Le diagnostic a révélé que l’État ne payait pas ses dettes vis-à-vis des entreprises publiques. Celles-ci fonctionnaient à perte, et, de ce fait, elles ne contribuaient que faiblement au budget de l’État. Par ailleurs, les services à la population et à l’économie étaient largement défaillants, notamment dans les secteurs de l’eau, l’électricité et des transports. Dans le plan social de restructuration, les résultats escomptés étaient nombreux et de divers ordres : réduire les contraintes de trésorerie et de liquidité ; renforcer certaines d’entre elles, liquider d’autres et remplacer d’autres encore par d’autres opérateurs ; accroître progressivement la quantité et la qualité des services pour améliorer le bien-être et l’environnement des affaires… Par ailleurs, les établissements publics commerciaux doivent générer des bénéfices et contribuer à la maximisation des recettes de 8 % du Produit intérieur brut (PIB) sur le long terme. Pour atteindre ces objectifs, l’État doit solder ses dettes et s’engager à ne plus les accumuler ; mettre en place des normes et pratiques de bonne gouvernance et de redevabilité axées sur la maximisation des recettes au profit de l’État actionnaire ; déterminer la raison sociale des entreprises publiques en vue de décider de leur avenir ; mettre en place des plans sectoriels d’amélioration des services. 

D’après les experts du COPIREP, au bout de la réforme, l’État gagnerait 5 milliards de dollars l’an. Les observateurs notent cependant que les dividendes de l’État dans les entreprises transformées demeurent encore faibles : en moyenne, 200 000 dollars (Gécamines) ; 115 000 dollars (Société congolaise des hydrocarbures, SONAHYDROC ex-COHYDRO) ; 300 000 dollars (COBIL) ; 18 000 dollars (Société nationale de chemin de fer, SNCC, et Société congolaise des Poste et télécommunications, SCPT, ex-OCPT) ; 285 000 dollars (Régie des voies aériennes, RVA) ; 150 000 dollars (Société nationale d’assurances, SONAS) ; 500 000 dollars (Société commerciale des transports et des ports, SCTP ex-ONATRA)… Les établissements et services publics, une vingtaine au total, ne versent presque rien dans le Trésor public à titre des dividendes dus à l’État. 

Dix ans après la réforme

Après la réforme du COPIREP égale avant la réforme, constatent des analystes économiques, mais aussi le citoyen lambda. Le changement de statut (de l’entreprise publique à la société commerciale avec un seul actionnaire) et de mandataires, comme solution pour redresser les entreprises du Portefeuille de l’État est une « recette magique » qui a échoué. « Les réformes en soi ne sont pas que mauvaises, mais ce sont les pratiques qui ont élu domicile dans ces entreprises qu’il faut conjurer », explique Jean Tsholola, professeur d’économie. 

D’après lui, l’État a de sérieuses difficultés dans la gouvernance et dans la compréhension des principes économiques : « Il faut dépolitiser les institutions comme la Banque centrale, les régies financières, les entreprises publiques… Il faudrait une loi, sorte d’instrument d’une réforme de l’État qui substituerait à une logique de moyens (toujours insuffisants) une logique d’objectifs clairement identifiés et méticuleusement évalués, ce qui est déjà une révolution de la pensée en soi. »