La REGIDESO en fait les frais à Bukavu

La baisse du niveau des eaux atteint par endroits, en RDC, des degrés très critiques. L’étiage n’est pas forcément un exutoire monté de toutes pièces par la SNEL afin de justifier ses déboires dans la fourniture de l’électricité. Sa rivale chargée de l’eau n’est pas épargnée par les conséquences. 

La pénurie d’eau contraint les ménages à s’approvisionner dans les rivières.
La pénurie d’eau contraint les ménages à s’approvisionner dans les rivières.

Peu importe les dégâts écologiques, puisque l’eau c’est la vie, la REGIDESO a résolu, courant août, de détourner le lit de la rivière Kakanga et de transférer ses eaux dans la rivière Murhundu où la société capte de l’eau pour desservir Bukavu, soit plus de 1 million d’habitants.  Quelque 700 000 m³ d’eau de la rivière Kakanga sont ainsi transférés chaque jour vers la rivière Murhundu afin de suppléer au déficit de production à Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu. Kinshasa, plus de 10 millions d’habitants, est plutôt en proie à des stress hydriques, selon le directeur général de la REGIDESO. Si bien que la société a choisi de soumettre la capitale au « rationnement dans les quartiers et communes», indique Jacques Mukalayi Mwema. Cela rappelle un peu le délestage appliqué par l’entreprise sœur la SNEL. Chaque jour, la REGIDESO procède donc à la baisse de la zone régulière au profit des zones à  desserte par intermittence et à manque d’eau.

Taux de desserte à 29%

La capacité nominale de production d’eau sur toute l’étendue de la RDC est de 36,6 millions de m3/mois, selon les statistiques fournies par la REDIDESO, début août 2015. Mais cette production ne cesse de décroître depuis le début de la saison sèche. À tel point que la production globale se situe à 25,1 million de m3/mois alors que la capacité fonctionnelle requise est de 30,6 millions de m3. Ce qui représente un taux de desserte de 46% en milieu urbain et 23% en milieu rural, soit un taux de desserte global de 29%.

Côté distribution, la REGIDESO a un réseau primaire, secondaire et tertiaire  confondus de 9 998 km, pour quelque 3 567 km de branchements.

Créée en 1939, la REGIDESO est implantée dans toutes les 26 provinces du pays. Transformée en société anonyme, bien que l’État soit l’actionnaire unique, elle compte 97 centres d’exploitation, dont 77 sont encore en service. De ses 37 unités de production qui exploitent l’eau de surface, 9 usines captent directement l’eau du fleuve Congo. Ce sont elles qui subissent sèchement les effets de l’étiage au niveau des captages de l’eau brute suite au retrait des eaux ou à la  forte baisse du débit d’étiage du cours d’eau capté, nécessitant parfois le transfert d’eau provenant d’un bassin voisin, explique le directeur général de la REGIDESO.

Quelque 103 unités de production exploitent l’eau souterraine,  dont 43 forages et 30 sources. Vingt-huit centres utilisent l’énergie hydraulique produite par la SNEL, 61 autres utilisent l’énergie thermique produite par les groupes électrogènes de la REGIDESO et 8 centres ont été dotés d’un système gravitaire.

Des palliatifs de fortune 

Dans la ville portuaire de Matadi, la REGIDESO a ainsi décidé de situer ses grosses tuyauteries d’eau brute de son usine dite du Fleuve à un niveau inférieur afin de réduire la hauteur d’aspiration. À Kinshasa, victime d’un stress hydrique, selon la REGIDESO, un dispositif étanche a été posé à la station de captage de l’usine de Ndjili afin d’augmenter la cote du barrage de rétention et améliorer ainsi le volume d’eau dans son bassin. À la station de captage de Kinsuka, l’entreprise a procédé au prolongement des conduites d’aspiration suite aux crépines (pièces servant à arrêter les corps étrangers à l’ouverture d’un tuyau d’aspiration) restées à découvert.

L’entreprise a également achevé la construction en eau profonde de la nouvelle prise d’eau brute de l’usine de Ngaliema d’une capacité de 120 000 m3/par jour. Cette usine est censée approvisionner en eau notamment les communes de Ngaliema (224 km2) et de Mont Ngafula (359 km2) qui sont parmi les plus peuplées de la capitale. La REGIDESO sollicite particulièrement l’implication du gouvernement pour la protection du bassin du fleuve Congo ainsi que les sous-bassins, afin de sauvegarder l’équilibre des écosystèmes. En clair, les constructions le long et dans le fleuve Congo ont une incidence négative sur sa production.


Hydraulique rural : le PEMU à l’heure du bilan

P.L.M.

En 2014, la REGIDESO n’a pas été en mesure de produire 300 millions de m3 d’eau pour une population estimée à plus de 70 millions d’âmes. Elle n’a fourni que 3,5 m3 d’eau à chaque consommateur en 365 jours. Pourtant, selon ses chiffres, le taux de desserte, en milieu urbain, est de 46% contre 23% en milieu rural où se concentrent 70% des Congolais. Le projet eau en milieu urbain (PEMU) court à son terme. Il ne porte que sur trois villes, Kinshasa, Matadi et Lubumbashi, où l’approvisionnement en eau est demeuré chaotique. Selon plusieurs sources le taux d’accès à l’eau dans la capitale est d’environ 35%, 18% à Matadi et 22% à Lubumbashi alors que l’enveloppe de 190 millions de dollars (sur un financement de la Banque mondiale) a déjà été utilisée à plus de 85%. Pour le représentant de la Banque mondiale en RDC, Almadou Moustapha Ndiaye, beaucoup reste à faire. «Les financements apportés par les bailleurs de fonds ne suffiront pas. Il est nécessaire que l’État témoigne plus fortement de sa volonté et de son leadership à conduire les changements institutionnels et structurels nécessaires pour participer au développement du secteur ».

Malgré cela, les mêmes bailleurs sont déjà à pied d’œuvre. Ils financent le Service national d’hydraulique rural (SNHR) en vue de traiter les eaux de surface par l’utilisation de pompes immergées fonctionnant à l’aide de l’énergie solaire. Le SNHR a déjà réalisé plus de 1 140 forages, 60 adductions d’eau et plus de 3 000 aménagements de sources d’eau avec l’appui, notamment, du Fonds international pour le développement agricole (FIDA), de la Banque africaine de développement (BAD), de l’UNICEF, de l’Agence coréenne (KOICA) et l’Afrique du Sud. Ce service public dispose d’atouts techniques et de trente-trois ateliers de forage performants, capables d’aller jusqu’à 300 m de profondeur. Ce matériel a été acquis grâce à une ligne de crédit du gouvernement indien.

Par ailleurs, le SNHR entend relancer, avec le concours de l’UNICEF, des projets dans les provinces du Kongo Central, du Sud-Kivu et dans l’ex-Kasaï Occidental. Cent vingt pompes manuelles seront réhabilitées pour desservir environs 60 000 personnes à Luozi, au Kongo Central ; soixante forages sont à réaliser pour desservir environ 30 000 personnes au Sud-Kivu et soixante forages équipés de pompes manuelles seront réalisées pour desservir également 30 000 personnes dans la zone de santé de Kamiji, au Kasaï Oriental. Selon des experts du Service national d’hydraulique rural, entre la période allant de 2012 à 2016, il est prévu la construction de 9 900 forages pour approvisionner 9,4 millions de personnes dans le cadre du projet Water for All Democratic of Congo, RSA. Un autre projet, en pourparlers, évalué à 42 000 dollars, va installer mille mini-stations de pompage et un mini-réseau pour desservir 10 à 15 000 habitants. D’après les récentes statistiques, plus de 28 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Avec plus de 4 000 enfants qui meurent chaque année faute d’eau potable, la RDC occupe la neuvième place à l’échelle mondiale pour ce qui est de la mortalité hydrique. Elle vient avant l’Ethiopie pour sa faible desserte en eau.