La résurgence de l’insécurité affecte l’économie à Beni et Butembo

En réaction aux massacres à répétition dont elles sont victimes, les populations ont défié l’État, d’abord en décrétant l’opération « ville morte », puis en refusant de s’acquitter des impôts et taxes. La recette a fait trembler l’autorité.

Un aéronef sur la piste de l’aérodrome de la ville de Butembo.
Un aéronef sur la piste de l’aérodrome de la ville de Butembo.

Les journées « ville morte » organisées depuis le 11 mai ont négativement affecté le secteur économique dans les villes de Beni et Butembo dans la province du Nord-Kivu. La Fédération des entreprises du Congo (Fec), section de Butembo, l’a dénoncé le 14 mai devant la presse.

Selon son président, Polycarpe Ndivito, un manque à gagner a été enregistré dans tous les secteurs : l’agriculture, l’import-export, le commerce général, les banques et le pétrole. « 80% de la population de Beni vivant grâce à la production agricole, lorsqu’elle ne peut pas vaquer à ses occupations champêtres au quotidien, cela a des conséquences néfastes pour sa propre existence et pour les opérateurs économiques », a affirmé Polycarpe Ndivito.

Le marché de l’exportation est, lui aussi, à l’arrêt. « Nous exportons le bois, les jus, le cacao…Tous les camions sont bloqués à la frontière et ne peuvent pas entrer sur le territoire congolais. Entretemps, les frais de douane ne font qu’augmenter », a expliqué le président de la Fec/Butembo.

Les opérateurs économiques n’arrivent plus à faire des transferts dans les banques suite à ces journées « ville morte ».

« Ville morte » pour compatir avec la population

La société civile, on le sait, a organisé des journées « ville morte » à Beni pour protester contre l’insécurité. Son mot d’ordre a été suivi. Le marché central Kilokwa et les commerces de la ville n’ont pas ouvert malgré l’appel à la reprise des activités lancé par le gouverneur de province, Julien Paluku.

Dans les différentes agglomérations du Nord de la province, les habitants ont dit observer la ville morte pour compatir avec la population victime de l’insécurité et exprimer sa consternation face à des massacres récurrents.

Blâmé par la population pour « passivité », le gouvernement avait répliqué. Par la voix de son porte-parole, Lambert Mende Omalanga, il a fait savoir, le 11 mai, qu’il organise « régulièrement des réunions sécuritaires consacrées à l’Est de la RDC » mais qu’il « ne doit pas exposer les stratégies sécuritaires sur la place publique ».

La veille, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, invitait le Premier ministre Matata Ponyo à se concentrer sur la sécurité dans l’Est. Il a fait cet appel au lendemain de la mort de sept personnes, massacrées au quartier Matembo, dans la commune de Mulekera. Des sources locales accusent les rebelles ougandais de l’ADF d’en être des auteurs.

En effet, des assaillants cagoulés, munis d’armes de guerre et vêtus en uniforme militaire, ont tué sept personnes dont deux femmes à coups de machettes, bêches et haches. Ces massacres ont eu lieu dans la nuit du 8 au 9 mai à Beni. Le gouverneur avait invité le Premier ministre à s’occuper aussi des questions sécuritaires de Beni, comme il le fait pour le secteur de l’économie.

Les massacres, apparemment, n’ont pas cessé

C’est donc ce climat délétère qui a incité les organisations de la société civile à organiser, à partir du 11 mai, des journées « ville morte » illimitées sur l’ensemble du territoire de Beni. Le mot d’ordre a été bien suivi et les activités ont été paralysées dans la ville. Il n’y avait ni marché, ni écoles, ni transport en commun, ni boutiques ouvertes. Seules les pharmacies l’étaient.

Selon les organisateurs, le but de ces actions était d’interpeller le gouvernement sur les massacres des populations civiles par des rebelles ougandais. « Nous avons transmis des recommandations au chef de l’État quand il était de passage à Beni, ainsi qu’aux ministres, aux députés et à la délégation de la communauté internationale. Nous leur demandons de fournir des efforts pour que les massacres cessent, mais apparemment, ils n’ont pas cessé. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’entreprendre des actions contraignantes pour obliger le gouvernement à s’impliquer », a affirmé le chargé de communication de l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (Asadho)/Beni, Kizito Bin Hangi.

Plus de 400 personnes, d’après le bilan de la société civile de Beni, ont  été massacrées dans la ville et en territoire de Beni. L’Asadho avait sollicité une « mutation au niveau du commandement de l’opération Sokola 1 parce que, les massacres se commettaient dans le voisinage des positions des Forces armées de la RDC ».

Estimant que les populations de Beni se trouvaient dans une situation « des démunis », la société civile avait fini par décréter la suspension du paiement des taxes afin d’adjurer le gouvernement central à sécuriser la ville et sa population.