La Suisse en manque de main-d’œuvre

Les entreprises helvétiques redoutent une baisse continue du taux de chômage, qui s’établit à 2,7 %, et, de ce fait, elles peinent déjà à recruter du personnel qualifié.

 

Neuchâtel est le canton suisse le plus frappé par le chômage, avec un taux de 4,9 % de demandeurs d’emploi. Genève arrive juste derrière, avec un taux de 4,5 %. Des pourcentages qui feraient rêver les régions les plus dynamiques ailleurs comme en France. Mais qui inquiètent les chefs d’entreprises suisses. En effet, dans certaines branches comme celles de la fabrication des machines, de l’informatique, de la santé, des banques, de l’horlogerie, il est devenu pratiquement impossible de dénicher du personnel. 

Cette pénurie de main-d’œuvre oblige les patrons à sortir leur portefeuille pour débaucher à prix d’or de nouveaux salariés. « Inversement, nous sommes contraints de conserver les bras cassés, car on ne trouve personne pour les remplacer », se plaint un restaurateur à Lausanne. La Tribune de Genève, la première à avoir tiré la sonnette d’alarme, révèle que selon une étude du Crédit Suisse, « plus de la moitié des entreprises qui cherchent à recruter éprouvent des difficultés à trouver des candidats adéquats ». Un quart des sociétés questionnées évoquent même une « pénurie aiguë ». Ce ne sont pas seulement les ingénieurs, les titulaires d’un doctorat ou les génies de l’informatique qui manquent à l’appel, mais tout simplement des personnes efficaces, bien formées, à tous les niveaux. Même dans l’agriculture, le taux de chômage a dégringolé à 0,9 %.

Difficile de recruter des étrangers

À quoi bon planter des pommes de terre, si vous ne trouvez plus personne pour les ramasser ? Et plus question de passer par un manœuvre polonais : depuis la votation de février 2014 « contre l’immigration de masse », lancée par l’Union démocratique du centre (UDC), le parti le plus à droite de la Confédération, il est devenu plus compliqué de recruter du personnel étranger. Certes, le nombre de frontaliers continuent d’augmenter, mais à un rythme plus faible qu’auparavant. La Suisse compte tout de même 175 000 frontaliers français, 73 000 Italiens et 62 000 Allemands.

Et surtout, à partir du 1er juillet, les entreprises helvétiques devront communiquer leurs postes vacants aux services de l’emploi avant de pouvoir recruter un étranger (alors qu’il y avait jusqu’à présent libre circulation des personnes avec les pays de l’Union européenne). Des restrictions qui ne touchent que certains domaines d’activité et seulement dans les régions qui enregistrent un taux de chômage supérieur à la moyenne. C’est justement le cas des cantons francophones. Les cantons du Jura, du Valais, de Vaud affichent un taux de chômage de 3,5 à 3,7 % (contre 2,7 % au niveau du pays). En revanche, il n’est que de 2 % à Berne et descend souvent à moins de 1 % dans les cantons alémaniques de la Suisse centrale. Cette embellie au niveau de l’emploi concerne toutes les tranches d’âges, depuis les jeunes jusqu’aux séniors.

Chute de la monnaie

D’où vient cette bonne santé de l’économie suisse, un petit pays qui, rappelons-le, ne possède pas de matières premières ? Paradoxalement, cela tient au fait que le franc suisse n’est plus vraiment une valeur refuge. Autrefois, en cas de crise (menace de conflits, montée des populismes), les nantis se précipitaient sur les bords du lac Léman, de Lugano ou de Zurich. 

Le franc suisse grimpait, flirtait avec l’euro, et les produits à croix blanche peinaient à l’exportation (machines-outils, chimie, pharmacie). Pour contrer cette hausse, les banques suisses ont imposé à leurs clients des rendements négatifs. En clair, si vous laissiez vos économies dans un coffre à Genève, vous perdiez de l’argent… Aujourd’hui, le franc suisse ne vaut plus que 0,86 euro.

Que l’on se rassure : les banques suisses ne se portent pas plus mal pour autant. Il y a longtemps qu’elles « accompagnent » leurs riches clients dans leurs filiales aux Bahamas, à Singapour ou à Malte. Des pays qui ne se bousculent pas forcément pour répondre aux commissions rogatoires internationales ou aux demandes du fisc.