La Transco tente de sortir la tête de l’eau

Ses recettes ayant pris une courbe descendante, l’entreprise publique envisage  la hausse du prix du ticket, un réajustement qui  lui permettrait de faire face à  ses charges de fonctionnement.

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En janvier, les manifestations populaires contre la révision annoncée de la loi électorale ont fait de nombreuses victimes collatérales. À Kinshasa, 63 bus de la société Transport au Congo (Transco) ont été saccagés, alors qu’elle était déjà en proie à des contraintes multiples, notamment des difficultés de maintenance et la rémunération du personnel. D’autant que ses recettes mensuelles avaient commencé à s’amenuiser à partir d’octobre 2014. Pourtant, au lancement de l’entreprise, en juin 2013,  ces  recettes atteignaient mensuellement  540 000 dollars pour les 60 bus mis en circulation, à raison d’un versement journalier de près de 300 dollars par bus.

Selon une  source, la situation déficitaire va continuer à s’amplifier au fil des mois. Il n’est pas exclu qu’elle  débouche sur un choix cornélien pour  l’entreprise : soit assurer la rémunération régulière du personnel, soit investir dans la maintenance des bus.  En septembre 2014, près de 90 % des recettes mensuelles, environ 1,5 million de dollars, ont été affectés au paiement des salaires. Disposant actuellement d’un charroi automobile de 500 bus, la Transco en a mis  235 à 240 dans la circulation.  La moyenne des recettes journalières est de l’ordre de 45 000 à 50 000 dollars.

Il est clairement établi que les 10%  des recettes restants sont insuffisants pour résoudre les problèmes de maintenance, en particulier le renouvellement des pneus et l’achat de pièces de rechange. C’est ainsi que, réagissant au rapport circonstancié de septembre 2014, le Premier ministre Matata Ponyo avait déploré la modicité (4%) des dépenses de maintenance. Il avait alors demandé au directeur général, Michel Kirumba, de rationnaliser la structure des charges de l’entreprise et de mettre en place des stratégies pour améliorer la productivité de la compagnie, en réduisant le nombre de bus indisponibles.

Selon les statistiques, avant les violences de janvier,  25 à 30 véhicules auraient été immobilisés à l’entrepôt de Masina pour cause d’accidents, de manque de pneus ou  de pièces de rechange. Aussi, a-t-on appris, 129 bus neufs sont-ils parqués à l’entrepôt de City Train,  à Matete, en attendant leur prochaine mise en circulation.

La réduction des recettes de la Transco n’est pas l’unique facteur de la petite santé de l’entreprise.  Il y a aussi l’émergence de la concurrence sur les lignes principales. Celle-ci est occasionnée, d’une part, par la création de la société urbaine de transports en commun, New Transkin, et d’autre part, par l’arrivée des bus de marque Hyundai soutenue par l’opération « Esprit de vie ». Fruit du partenariat public/privé, les bus « Esprit de vie » sont censés remplacer les minibus Mercedes 207, ironiquement baptisés à Kinshasa  « Esprit de mort ». Afin de privilégier la Transco, la société New Transkin et les propriétaires des bus « Esprit de vie » auraient dû, pour leur part, exploiter les lignes secondaires, laissant l’exclusivité des artères principales à la Transco. La réalité est que chaque société lutte pour sa propre survie. Ce qui dope la concurrence.

Les Kinois en pâtissent

Comme on le voit, la Transco ne bénéficie pas du monopole du transport public à Kinshasa. Toutefois, elle a obtenu du trésor public une dotation en carburant. En attendant une intervention financière supplémentaire du gouvernement, l’entreprise mise sur l’augmentation imminente du prix du ticket à bord des bus pour éloigner le spectre de la faillite qui la hante.

Le projet d’augmentation du prix est la résultante des études réalisées sur le terrain par des experts en collaboration avec le ministère des Transports et Voies de communication. Actuellement plafonné au prix social de 500 francs quelle que soit la distance parcourue, le ticket devrait monter à 1 000 francs d’après les conclusions des études menées, annonce la Transco.

Mais cette perspective n’enchante pas les utilisateurs. Sans surprise, la nouvelle est mal accueillie par les Kinois qui redoutent l’effet d’entraînement sur les transports en commun dans la ville. En effet, malgré la baisse du prix des produits pétroliers à la pompe, passant respectivement de  1 525 à 1 440 francs pour l’essence et de 1 515 à 1 430 francs pour le gasoil, les conducteurs des minibus 207 seront, eux aussi, tentés de réajuster leurs tarifs, déplore un usager de la Transco.

Au marché central de Kinshasa, un autre usager qui emprunte régulièrement la ligne Centre Ville- Kingasani, estime que toute augmentation serait «  inopportune au regard de la misère de la population. Cette mesure serait de nature à troubler la paix sociale dans la ville, quand on sait que la Transco bénéficie d’une dotation du gouvernement en carburant. Que fait-on de ses recettes ? », s’interroge-t-il. Un vendeur ambulant estime pour sa part que l’augmentation envisagée va signer l’arrêt de mort de la société du fait que les Kinois seraient tentés de boycotter les arrêts bus de la Transco au profit des casse-cou « Esprit de mort ».