La Turquie veut construire un partenariat solide avec l’Afrique

 Le gouvernement turc ne contribue pas seulement au financement de la force militaire du G5-Sahel. Mais plus que militaires, les visées d’Ankara sur le continent africain sont surtout d’ordre économique, stratégiques et culturelles.

 

Lors de sa tournée africaine en mars, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a visité notamment l’Algérie, la Mauritanie, le Sénégal et le Mali. À l’étape de Nouakchott (Mauritanie), il a annoncé une contribution de la Turquie de 4 millions d’euros pour financer la force militaire du G5-Sahel. Mais plus que militaires, les observateurs ont noté que les visées de son voyage étaient surtout d’ordre économique. Au Sénégal, par exemple, de grandes entreprises turques telles que Summa ou Limak réalisent des chantiers prestigieux comme celui de l’aéroport Blaise Diagne à Dakar, ou le Palais des sports bientôt terminé. Les investissements de l’Agence turque de développement (TIKA) sont aussi importants dans l’agriculture ou la santé.

Depuis qu’il a été élu en 2003, le président turc s’attache à renforcer les liens avec l’Afrique, considérée comme un « marché important », en ouvrant de nouvelles ambassades et de nouvelles liaisons desservies par la compagnie Turkish Airlines dans une cinquantaine de villes africaines…

Rêve de puissance

La Turquie a notamment besoin de nouveaux alliés économiques et cherche à s’implanter dans le groupe de « puissances » comme la Chine, les États-Unis ou la France en Afrique. D’ailleurs, la Turquie est devenue un « partenaire stratégique » de l’Union africaine et jouit du statut de membre non régional de la Banque africaine de développement (BAD). Le président turc rappelle souvent les « relations historiques » de l’Empire ottoman avec le Maghreb ou la Corne de l’Afrique, et prône le « gagnant-gagnant ». Bref, la Turquie mise sur le « soft power ».

À l’occasion de la journée annuelle, le 25 mai, consacrée aux relations de la Turquie avec l’Afrique, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt ÇAvusoglu, a écrit une tribune intitulée « La construction d’une alliance solide Turquie-Afrique ». Il y a souligné les « réussites de l’Afrique » et s’est réjoui du « partenariat qui se développe chaque jour encore plus ». D’après lui, « l’essor de l’Afrique » motive tous les Turcs à s’engager dans des « liens plus étroits et à la coopération ». 

Par ailleurs, il note « l’émergence d’une classe moyenne forte » dans de nombreux pays africains et « l’ambition de progresser dans tous les objectifs de développement durable ». En raison des aspirations de l’Afrique (élimination de la pauvreté, réduction des inégalités, éducation pour tous, renforcement de la bonne gouvernance, intégration…), la Turquie est fière d’être un partenaire des pays africains. L’Accord sur la zone de libre-échange continentale (ZLECA) est une « étape cruciale qui façonnera l’avenir de l’Afrique », pense-t-il fermement.

Relations durables

Comme il l’écrit, le ministre turc des Affaires étrangères, souligne que l’objectif principal de l’engagement de son pays en Afrique est « d’établir une coopération profondément enracinée d’une manière durable et mutuellement productive ». Encouragé en cela par tout ce qui se dit sur la Turquie par de nombreux partenaires africains. « L’Afrique considère la Turquie comme un partenaire vigoureux pour les progrès du continent vers un développement global et durable et son influence qui en découle dans les affaires mondiales », a-t-il indiqué dans sa tribune.

L’intérêt envers l’Afrique se concrétise par des contacts politiques intensifiés au plus haut niveau. Le président Erdoğan a officiellement visité vingt-six pays africains. Ces visites ont permis de nouveaux liens de coopération. La multitude d’accords signés montre que la Turquie s’est engagée à ouvrir de nouveaux domaines de collaboration avec les pays africains.

La Turquie est, aujourd’hui, représentée sur le continent avec un réseau de 41 ambassades, y compris également celles ouvertes récemment en Sierra Leone et en Guinée équatoriale. Ce nombre passera à cinquante à moyen terme, avec l’objectif ultime d’être représenté dans tous les pays africains. L’année 2018 marque le 10è anniversaire du « partenariat stratégique » avec l’Union africaine. Récemment, une conférence interministérielle a réuni de hauts fonctionnaires de l’UA et des ministres africains des Affaires étrangères à Istanbul, afin d’examiner la coopération institutionnelle. 

Combien pèse le commerce ?

De nouvelles cibles ont été identifiées pour une « relation plus productive ». Première étape : l’organisation du 2è Forum d’affaires Turquie-Afrique en octobre à Istanbul. Puis, le 3è Sommet Turquie-Afrique en 2019. Les deux premiers Sommets turco-africains ont eu lieu respectivement à Istanbul en 2008 – aussitôt après l’UA a décidé en 2007 de faire de la Turquie un « partenaire stratégique » pour le développement du continent – et à Malabo (Guinée Équatoriale) en 2014.  

Le commerce avec le continent africain dépasse, aujourd’hui, les 20 milliards de dollars. Comparé à celui de 2003, ce chiffre représente presque une multiplication par cinq. En outre, il sert également à montrer que l’Afrique et la Turquie bénéficient d’une « relation commerciale équitable ». La Turquie reconnaît le « rôle éminent joué par les Communautés économiques régionales dans l’avenir de l’Afrique ». En février, la Turquie a organisé le 1ER Forum économique et d’affaires Turquie-CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), en vue d’approfondir le partenariat économique entre la Turquie et les membres de la CEDEAO.

Depuis les sommets de 2008 et 2014, il y a eu de nombreuses améliorations avec l’aide de Turkish Airlines (Thy) qui a commencé à opérer des vols vers la plupart des pays africains. Les relations sont de plus en plus fortes et surtout dans le commerce et l’économie. 

La Turkish Airlines continue d’accroître sa présence en Afrique en ajoutant de nouvelles destinations de vols à son réseau mondial. Thy dessert actuellement 52 destinations à travers 34 pays d’Afrique. La destination de Freetown, en Sierra Leone, a été le dernier rajout au réseau de Thy. Les vols vers les Comores débuteront en juin. La compagnie aide les Africains à se rendre non seulement en Turquie mais aussi à rejoindre le reste du globe.

D’autre part, les partenariats humanitaires et de développement ont servi comme des éléments forts de l’élargissement de la Turquie à l’ensemble du continent. En Turquie, un grand nombre de ministères, agences et ONG assument leurs rôles dans cet effort collectif. De 2004 à 2016, la TIKA a dépensé 1,43 milliard de dollars pour soutenir les efforts de développement durable en Afrique. L’approche turque en Afrique repose sur un « partenariat stratégique, transparent et de longue durée », selon le ministre des Affaires étrangères. « Nous sommes convaincus que ce partenariat fournira un avenir prometteur à la Turquie et à nos partenaires en Afrique », souligne-t-il. 

Selon l’ambassadeur de la République démocratique du Congo en Turquie, Marcel Mulumba Tshidimba, l’Afrique subsaharienne est la région où la Turquie était demeurée absente depuis longtemps. Sans l’eau et l’électricité, il n’y a pas d’industrie, estime-t-il. C’est pourquoi cette région a besoin de développer ces secteurs avec l’assistance technique et financière de la Turquie.