L’Afrique : c’est là qu’auront lieu les prochaines guerres du pétrole

Le 7 février dernier (2007, année de création mais entrée en fonction en 2008, ndlr), George Bush a annoncé la création d’AFRICOM, un nouveau commandement du Pentagone qui, sous prétexte de « Guerre mondiale contre le terrorisme » va organiser et mettre à exécution ses guerres du pétrole et des ressources naturelles sur le continent africain. Qu’est-ce que cela implique-t-il pour la population noire en Amérique? Et pour les Africains?

 

Le Pentagone refuse de reconnaître qu’une série de bases militaires américaines ont été installées ou sont en passe de l’être dans toute l’Afrique. Mais, nul doute, le processus de formation d’une force militaire américaine sur le continent africain est bien enclenché. Depuis le Nord de l’Angola, riche en pétrole, jusqu’au Nigeria, depuis le Golfe de Guinée jusqu’au Maroc et en Algérie, depuis la Corne de l’Afrique jusqu’au Kenya et en Ouganda, et le long des circuits des oléoducs depuis le Tchad jusqu’au Cameroun à l’ouest, et du Soudan à la Mer Rouge à l’est, les amiraux et les généraux américains ont atterri partout, à la rencontre des responsables locaux. Ils ont effectué des études de faisabilité, conclu des accords secrets et dépensé des millions de dollars sur leurs budgets occultes.

Leurs nouvelles bases ne sont pas du tout des bases, d’après les dires des autorités militaires. Ce sont plutôt des « avant-zones de transit »et des « étapes maritimes pour les camions » pour le transport du matériel dont ont besoin les forces terrestres américaines sur le continent africain. Ce sont des lieux d’ancrage protégés, des « feuilles de nénuphar » (dans le texte: « lily pads », sortes de bases virtuelles, ndlr), depuis lesquels ils comptent mener leur prochaine série de guerres du pétrole et des autres ressources naturelles pour les cent prochaines années. Prexy Nesbitt, de Chicago, l’un des architectes du mouvement anti-apartheid aux États-Unis dans les années 70 et 80, explique l’importance pour les Noirs américains de cette annonce, faite par Bush le 7 février, de la création d’AFRICOM, le nouveau commandement du Pentagone pour le continent africain. « Cela a une importance énorme pour les Africains parce que tous les Africains, depuis les modestes travailleurs jusqu’aux élites universitaires, suivent avec beaucoup d’intérêt ce que font les États-Unis, partout où ils sont dans le monde. De plus en plus de Noirs américains s’intéressent de près aux agissements des États-Unis en Afrique, mais pas assez encore … Ce que nous constatons (c’est) … l’implantation militaire des Américains sur le continent africain et que cette implantation est motivée par la quête de nouvelles sources de pétrole et d’autres minéraux ».

Affaire de minerais

 En d’autres termes, c’est une affaire de pétrole. Et de diamants, d’uranium et de coltan (minerai utilisé en électronique et en aéronautique ; ndlr). Mais essentiellement de pétrole. L’Afrique occidentale possède à elle seule 15 % des réserves mondiales, et est censée fournir, d’ici 2015, plus d’un quart de la consommation domestique en Amérique. La plus grande partie du pétrole d’Arabie Saoudite et du Moyen Orient échoue en Europe, au Japon, en Chine et en Inde. C’est le pétrole africain qui, de plus en plus, permet aux États-Unis de fonctionner.

Pour avoir une idée des projets des Américains pour les cent prochaines années à l’égard des populations et des ressources en Afrique, il suffit de voir ce qui se passe au Nigeria oriental. Les compagnies pétrolières américaines et les multinationales comme Shell, BP et Chevron (qui avait appelé un de ses pétroliers du nom d’un des membres de son conseil d’administration, Condoleezza Rice) ont pillé impitoyablement le delta du Niger pendant toute une génération. Là où il y avait des populations pauvres mais autonomes économiquement avec des terres agricoles et des pêcheries prospères, se développe aujourd’hui un désastre écologique aux proportions épouvantables. La terre, l’air et l’eau sont de plus en plus pollués, mais la population de la région n’a pas d’autre endroit où aller. 

D’après les chiffres de la Banque mondiale, 20% des enfants meurent avant l’âge de 5 ans. Et selon un rapport en 2005 d’Amnesty International, l’extraction du pétrole a permis d’encaisser des centaines de milliards de dollars. « (Mais ses habitants) sont les plus déshérités des régions pétrolières du monde (70 % d’entre eux vivent de moins d’un dollar US par jour). Et malgré cette manne, le prix du pétrole ayant plus que doublé ces deux dernières années, le gouvernement a été incapable de créer les services, les infrastructures et les emplois nécessaires à la région ».

Preuve de leur mépris à l’égard de la vie des populations locales africaines et de leurs moyens de subsistance, le gaz naturel qui se trouve dans les réservoirs de pétrole, dont les coûts d’exploitation sont plus élevés que pour le pétrole, est tout bonnement brûlé sur des sites en Afrique. On estime à près de 900 000 m3 par jour la quantité de gaz naturel ainsi brûlé pendant les années 90. De nombreux sites de brûlage de gaz, d’après la population locale du Delta du Niger, brûlent sans discontinuer depuis plus de 20 ans, engendrant des brouillards et des pluies acides, des dépôts de suie et de produits chimiques qui anémient ou tuent les poissons de l’océan et des cours d’eau et le bétail, et polluant le peu qui reste de production agricole. 

Pour cette raison, aux États-Unis, il est interdit depuis longtemps de brûler le gaz sur les sites pétroliers. Mais de nombreux villages sur le delta d’un des plus grands fleuves du monde dépendent totalement aujourd’hui de l’eau qui est acheminée par camion. Selon le professeur Nesbitt: « Il y a des années de cela, des membres de l’« American Committee on Africa » ont ramené une série de diapositives qui montraient la vie de populations sur des terrains recouverts de boues visqueuses de pétrole et qui buvaient de l’eau contenant de la boue de pétrole. C’était épouvantable de voir ça … Pour autant qu’on sache, il n’y a pas eu de changement notable (en 15 ans environ) sauf que maintenant, un mouvement pour la justice est en train de se créer.

Mais le commandement militaire américain a indiqué … s’est associé, en réalité, avec le gouvernement d’Obasanjo … pour contrôler ce mouvement pour la justice. Certains propos très explicites ont été tenus par les responsables militaires américains; ils seront préparés militairement à entrer dans l’arène … afin d’assurer la protection de cette source de pétrole pour les Américains »