L’apport des miniers dans la résolution de la crise énergétique

La SNEL, opérateur majeur, se trouve plombée par la réforme structurelle et d’énormes problèmes de gestion qui l’empêchent de jouer effectivement et pleinement son rôle de « bras armé » du gouvernement. Ce dernier est contraint d’importer l’électricité des pays, qui furent importatrices du courant de la RDC.

JEAN-MARIE Ingele Ifoto, le ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, et Jean-Bosco Kayombo, directeur général de la Société nationale d’électricité (SNEL), étaient en mission de travail en juillet dernier à Lusaka, capitale de la Zambie, pour relancer les pourparlers avec les dirigeants de ZESCO, la compagnie publique zambienne d’électricité. 

En 2016, ZESCO avait unilatéralement suspendu la desserte en énergie électrique aux miniers du Haut-Katanga entraînant ainsi un déficit énergétique de 40 MW. Cette rupture a occasionné le ralentissement des activités minières et a même touché le Kasaï, selon un rapport du ministère du Portefeuille. La Minière de Bakwanga (MIBA), la Société Anhuit Congo d’investissements miniers (SACIM), SODIMICO font les frais de la « défaillance » de la SNEL. 

À ce jour, les miniers du Katanga ont besoin de quelque 1 500 MW supplémentaires alors que l’offre locale, selon des sources de la SNEL, se situe à 850 MW, dont 350 provenant des centrales hydroélectriques de Nzilo, Nseke et Mwadingusha et les 500 autres MW proviennent de la ligne très haute tension courant continu (THCC) Inga-Kolwezi.

Les minings anticipent

Les opérateurs miniers du Grand Katanga ont énormément investi sur la ligne THCC Inga-Kolwezi. Anvil Mining a notamment installé une centrale à Lubumbashi pour fournir l’énergie à Kinsevere. Ivanhoé a financé la réhabilitation des turbines de la centrale de Mwadingusha. Les barrages hydroélectriques de Nzilo et Nseke ont également été remis à l’état par les miniers même si la SNEL SA en reste propriétaire. 

Toutefois, l’entreprise d’État doit rembourser tous les frais engagés par les minings. Voilà qui justifierait l’augmentation des tarifs haute tension appliqués aux opérateurs miniers. En Zambie, indique-t-on à la SNEL, le prix du KW coûte est le double de celui appliqué en RDC. Or, la SNEL importe le courant de ce pays via l’entreprise ZESCO pour satisfaire les besoins en énergie des miniers du Katanga. 

En 2017, la SNEL et les minings sont tombés d’accord pour importer le courant sud-africain. Eskom a présenté un surplus de 1 000 MW. Malheureusement, les contraintes de transfert, notamment le transit par le Zimbabwe et la Zambie, ne permettent pas que tout cet excédent arrive au Katanga. Seulement 200 MW peuvent, pour le moment, traverser ces deux pays et arriver au Katanga. Voilà une année, déjà, que le dossier est en mode veille. Jean Bosco Kayombo qui avait négocié, pour le compte de la Chambre de mines de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), aux côtés des experts de la SNEL, avec les Sud-Africains, est aujourd’hui le directeur général de la SNEL. 

Ancien de la SNEL, Jean Bosco Kayombo était, à l’époque des négociations avec Eskom, en charge de la gestion de l’énergie électrique dans l’entreprise minière MMG et membre de la commission énergie de la Chambre de mines de la RDC, qui travaille en partenariat avec la SNEL. Il avait confié à « Business et Finances » que la SNEL n’est plus en mesure de fournir l’électricité en quantité suffisante, et que, par conséquent, les sociétés minières sont astreintes à se tourner vers des sources alternatives. 

Certains miniers se sont donc équipés en groupes diesel, d’autres ont choisi carrément d’importer de l’énergie des pays voisins. Jean Bosco Kayombo pense que la solution d’importer de l’énergie électrique peut être une « bonne chose », à condition que le prix fixé par le vendeur soit « acceptable ». En effet, un réseau dédié pour atteindre le client a pour handicap le tarif qui est du reste un aspect technique.

Vincent Noël Vika di Panzu, le directeur général de Katen, et ancien directeur général de la SNEL, fait remarquer que le tarif reste « l’élément essentiel ». Il faut un tarif rémunérateur pour être rentable et pour attirer les investisseurs. Par ailleurs, laisse-t-il entendre, l’importation devient une « mauvaise chose » dans le long terme.

Comment alors faire face au déficit croissant au Katanga ? Les miniers ne sont pas maîtres de leur destin en matière de prix du cuivre et du cobalt sur les marchés internationaux des matières premières. Les cours des métaux obéissent donc à la loi de l’offre et de la demande. Si l’électricité coûte cher, les miniers ne pourront pas vendre de manière concurrentielle sur ces marchés. 

Construction des centrales

La SNEL prévoit quatre grands projets dans la seconde phase de son plan d’action. Il est prévu d’abord la construction de la centrale hydroélectrique de Luapula (800 MW à répartir à parts égales entre la RDC et la Zambie). Jusque-là, la SNEL est à la recherche du financement après la signature des protocoles d’accord intergouvernementaux et inter-sociétés (SNEL et ZESCO). Les études sont déjà réalisées.

Il est ensuite prévu la construction de la centrale hydroélectrique de Busanga (240 MW) et ligne associée. Outre la SNEL, les autres bailleurs de fonds sont la SICOMINES et la SICOHYDRO. Coût : 655,8 millions de dollars. L’accord a été signé par les trois parties et les études réalisées. 

Puis, la construction de la centrale hydroélectrique de Ruzizi III (147 MW à répartir à parts égales entre le Rwanda, le Burundi et la RDC). Les travaux d’ouvrage sont à financer par les trois pays concernés. Le montage financier est en cours et les développeurs déjà recrutés. 

Enfin, le programme prévoit la construction de la centrale hydroélectrique d’Inga III (basse chute: 4 800 MW et haute chute: 7 800 MW) et du réseau de transport associé. Coût des travaux : 1,2 milliard de dollars. Le montage financier est en cours et les développeurs recrutés. Les études ont été réalisées par AECOM/Canada. 

En matière de partenariat public-privé, la SNEL dit avoir une certaine expérience. Au moins cinq partenariats public-privé à son actif. Par exemple, avec les opérateurs miniers Kamoto Copper Company (KCC), MUMI et KANSUKI, la SNEL réalise un projet de fiabilisation et de réhabilitation des infrastructures de production et de transport (FRIPT). Coût : 430 millions de dollars. Les travaux sont en cours d’exécution. 

Avec AMBL, la SNEL est en train de réhabiliter les centrales de Nzilo, Mwadingusha et Koni et les réseaux de transport associés. Coût : 250 millions de dollars. Les travaux sont en cours d’exécution. 

Avec Tenke Fungurume Mining (TFM), la SNEL réhabilite la centrale de Nseke pour un montant de 256 millions de dollars. Trois groupes sont déjà réhabilités et les travaux se poursuivent sur le dernier groupe.

Enfin, en partenariat avec DBSA/CONNECT AFRICA, il est question d’assainir les réseaux de distribution de Kinshasa et de l’implantation de 50 000 compteurs à prépaiement, pour un total de 27,5 millions de dollars. Le projet pilote est déjà exécuté.

Éric Monga Mumba Sombe est le président de la Fédération des entreprises du Congo/section du Katanga. Avant son élection en mars dernier, il a été le président de la Chambre de mines à la FEC. Dans les milieux d’affaires du pays, c’est « une voix » qui compte, dit-on. D’après lui, produire au Congo, c’est produire pour l’Afrique. 

En attendant Inga III, nombre d’industriels sont favorables au développement de petites centrales hydroélectriques au Katanga ou à des projets alternatifs (solaire, éolienne, biomasse…). Des projets concrets existent déjà, portés par des développeurs indépendants, tels Sombwe, Tembo Power, CTL…