L’argumentaire du PCA de Gécamines

Ceux qui ont l’habitude des rencontres minières ou des milieux d’affaires, savent qu’Albert Yuma se distingue par de longs discours. Mais cette fois-là, il fait court et précis. En tout et pour tout, 27 minutes, pour l’entrée en matière. Appréciez plutôt.

« À la faveur d’un nouveau rapport publié par Enough Project, une organisation non gouvernementale (ONG) le 30 octobre dernier, Gécamines a une nouvelle fois été mise en cause pour avoir prétendument détourné des centaines de millions de dollars générés par ses  partenariats à d’autres fins que son objet social.

Cette énième accusation s’inscrit dans une longue série de rapports, rédigés par des ONG faisant toutes partie de la même nébuleuse et repris en boucle par la presse congolaise et internationale, qui depuis plusieurs années n’ont eu de cesse de faire le procès de la gouvernance du secteur minier en RDC pour regretter sa faible contribution au développement économique du pays.

Leur constat est juste. Les retombées économiques de l’extraction minière en RDC ne contribuent pas autant qu’elles le devraient à la richesse de notre pays. Mais leurs explications sont fausses, volontairement biaisées pour servir les mêmes intérêts économiques ou politiques qui partout dans le monde voient d’un mauvais œil ces États qui souhaitent décider souverainement de l’exploitation indépendante des richesses de leur pays.

Pour discréditer un régime ou une organisation, surtout en Afrique, pour laquelle les préjugés sont si fortement répandus, rien de plus banal que de l’accuser de corruption. Et qui de mieux placées pour donner crédit à ces accusations que ces ONG, nouvelles consciences planétaires. Mais qu’en serait-il, si comme le prétendent certains, ces ONG ne seraient finalement que des créatures utilisées « comme des leviers pour manipuler les opinions publiques voire pour renverser des régimes politiques » et « permettent de facto d’installer des régimes politiques favorables » .

C’est cette hypocrisie que Gécamines a souhaité dénoncer dans ce rapport en reprenant cette argumentation toujours identique, et malheureusement toujours à charge, qui permet à tout un chacun de donner son avis sur les causes du sous-développement dans notre pays :

1.  La RDC, vit dans une situation de sous-développement malgré un secteur minier générateur de recettes importantes.

2.  Gécamines percevrait des revenus importants de ce secteur qui ne seraient ni retracés dans ses comptes, ni n’auraient contribué au budget de l’État, ni à la reconstruction de son appareil de production, ni au remboursement de sa dette, ni au paiement de ses salariés.

3.  Cet argent ne pourrait donc qu’avoir été détourné au profit d’intérêts politiques partisans, et notamment au profit du pouvoir en République démocratique du Congo, et constituerait de facto la cause du sous-développement du pays. Et ainsi la boucle est bouclée. 

Sous couvert d’une démonstration qui ne semble souffrir d’aucune contestation, la corruption du pouvoir serait donc nécessairement la cause de tous les maux de la RDC. Il faudrait donc en tarir la principale source en le privant de son contrôle sur le secteur minier et ses Entreprises du Portefeuille.

C’est cette logique, qui permet aujourd’hui à l’agence de presse internationale Bloomberg  d’insérer, comme un slogan planétaire dans certaines de ses dépêches sur la RDC la phrase suivante : « Congo one of the world’s poorest and most corrupt despite abundant natural resources including copper, gold and oil, hasn’t had a peaceful transition of power since gaining independence from Belgium in 1960 ». 

Selon ces ONG, et les intérêts qui les financent, rien ne serait donc plus démocratique et générateur de richesses pour la RDC, qu’un pays dont le secteur minier serait totalement libéralisé, soumis à la loi de l’offre et de la demande à travers une législation extrêmement favorable, sans contrepouvoir public. 

C’est la thèse centrale développée par une autre ONG, le Carter Center, dans son rapport : « Affaire d’État : Privatisation du secteur du cuivre en République Démocratique du Congo » qui justifie par la corruption et l’absence de démocratie, son souhait de libérer totalement le secteur minier de la RDC et de le sortir de l’emprise de Gécamines, qu’elle qualifie de « gardienne du temple ». Comme si c’était une insulte pour les Congolais.

Le rêve de l’Association Internationale du Commerce (AIC) serait donc ressuscité, celui d’une zone extraterritoriale échappant à ses propriétaires légitimes. Après l’internationalisation de l’Amazonie, pourquoi pas l’internationalisation des matières premières de la RDC ?

Malheureusement leur raisonnement est faux et volontairement biaisé

•  Il part du postulat simpliste que l’argent des mines de la RDC suffirait à permettre au pays de sortir du sous-développement. Quand bien même l’ensemble des bénéfices générés par l’exploitation minière profitait au pays, ce qui est structurellement impossible depuis 2002 car l’exploitation des mines du Congo est confiée à des intérêts étrangers, cela serait loin de suffire à résoudre tous les problèmes. Il n’en reste pas moins que cet argent, comme c’était le cas quand la RDC exploitait elle-même ses ressources minières, devrait effectivement contribuer plus largement à notre développement. Mais pour cela, il faudrait déjà que la richesse produite soit mieux partagée qu’elle ne l’est actuellement, ce que nous montrerons dans la deuxième partie du rapport.

•  Il part du principe que Gécamines bénéficierait d’importants revenus qui auraient disparu et n’auraient bénéficié en rien aux différentes parties prenantes. C’est totalement faux, et c’est ce que ce rapport va démontrer dans sa première partie en retraçant les fonds supposés manquants dans les États financiers de l’entreprise, et en expliquant l’utilisation qui en a été faite.

•  Il en tire enfin la conclusion que cet argent ne peut qu’avoir été détourné au profit d’une « kleptocratie » locale, qui serait la cause du sous-développement du pays. 

Qu’en sera-t-il désormais de leur conclusion, si leurs affirmations qui les fondent s’avèrent erronées ? Oseront-ils remettre en cause le postulat que ce ne sont pas les prétendus détournements, qui sont la cause première du sous-développement du pays et incidemment que la corruption ne serait pas la cause de tous ses maux ? Iront-ils, jusqu’à affirmer que le manque de recettes du pays, et donc son incapacité chronique à faire face à ses besoins, est dû à un système déséquilibré de la répartition des richesses entre des multinationales puissantes, soutenues par des États, et la RDC. Oseront-ils reconnaitre que leur activisme obsessionnel contre Gécamines et l’État congolais n’aboutit finalement qu’à pérenniser un système déséquilibré qui contribue à maintenir le pays dans un état de sous-développement ?

Bien sûr que non, car nos détracteurs, savent bien tout cela et ils jouent à merveille leur rôle d’idiots utiles au profit du capitalisme mondial. Leur seul objectif est la déstabilisation de la RDC pour servir sans entrave, au nom de la demande étrangère en mal de cobalt, de coltan, de cuivre, de gallium, germanium et autres minerais stratégiques dont le monde a tant besoin pour assurer sa transition énergétique.

Personne en RDC ne mésestime les lourdeurs dans le pays, ses difficultés, l’omniprésence de la corruption administrative que je dénonce d’ailleurs régulièrement et sans équivoque dans le cadre de mes fonctions de Président de la Fédération des Entreprises du Congo. Mais je ne crois pas, comme ces ONG essaient de nous en convaincre à longueur de rapports, à l’équation simpliste de la corruption et l’absence de démocratie comme cause principale du sous-développement de la RDC. D’ailleurs si tel était le cas, comment les pays d’Asie qui ont assuré leur développement depuis 50 ans, auraient-ils pu y parvenir, alors que la corruption y est omniprésente et la démocratie à la mode occidentale souvent inexistante. 

Je crois bien plus à des causes structurelles, qui affectent d’ailleurs l’Afrique toute entière, comme le retard historique de développement de notre continent qui a entrainé un déficit d’infrastructures, d’accès à l’énergie, au financement, à la santé et à l’éducation, mais aussi à la faiblesse de notre Administration et aux complexités de notre climat des affaires. 

Hélas, tout à leur transe démocratique,…

ces ONG ne concentrent leurs efforts qu’à rechercher la paille dans l’œil de Gécamines, sans se préoccuper de la poutre dans celle du système minier international dans notre pays. Elles n’établissent jamais aucun lien logique entre le déficit budgétaire chronique du pays, la non perception par l’État de la juste rétribution des revenus des ressources minières exploitées par les partenaires étrangers en situation de quasi si-monopole depuis le sortir de la guerre et les difficultés qui en découlent en termes d’action publique. Il est donc particulièrement regrettable que le seul message envoyé par ces ONG aux opinions du monde soit d’essayer de faire croire à l’incapacité structurelle de notre pays à gérer son patrimoine minier comme une ressource stratégique nationale.

Je rappelle qu’entre 1967 et 1990, avant que deux guerres ne mettent à genoux le pays et son appareil industriel et que les plus beaux gisements de Gécamines ne soient distribués au profit de partenaires étrangers, les richesses du secteur minier congolais profitaient largement au peuple Congolais, certains disent même jusqu’à 70 % des recettes fiscales du pays. Si ce n’est plus le cas aujourd’hui, c’est moins parce que le secteur aurait été « privatisé » au profit de Gécamines comme ces ONG le reprochent à la RDC, que parce que la production des grands partenaires, qui n’a jamais été aussi importante – 1 092 000 tonnes de Cu et 74 000 tonnes de Co en 2017 – ne profite pas suffisamment,  à l’État congolais, ni au peuple congolais.

Cela ne les empêche pourtant pas en 2016 de continuer à regretter que malgré l’adoption du Code Minier de 2002, le secteur ne soit jamais complètement libéralisé et que l’État, à travers la Gécamines, ait continué à « fausser » la concurrence. Tout comme le Carter Center regrette que « malgré la réforme du code minier, et la création du cadastre minier, la Gécamines a bénéficié d’importants privilèges exorbitants du croit commun et a de fait continué à jouer,(…) le rôle d’un cadastre minier parallèle en conservant les permis du pays les plus intéressants et en ayant élargi son portefeuille de permis ». 

En réalité, Gécamines a surtout, à partir des années 2000, été contrainte de céder 32 millions de tonnes de cuivre et 3,5 millions de tonnes de cobalt à ses partenaires, ne lui laissant en ressources certifiées, que moins de 400 000 tonnes de cuivre dans la seule mine de Kamfundwa. Contrairement à ce qui est affirmé, la Gécamines n’est plus depuis longtemps en capacité de fausser quoique ce soit.

Néanmoins, je constate seulement que si la Gécamines était devenue, comme ils le souhaitent une entreprise comme les autres, l’État congolais serait aujourd’hui privé de son seul levier de puissance, d’expertise et de contrôle sur le secteur minier. La RDC ne disposerait plus aujourd’hui d’une structure apte à faire prévaloir les droits de notre pays face à des partenaires internationaux, comme dans le litige qui a opposé Gécamines au plus grand trader du monde Glencore, dans leur JV KCC et a abouti notamment à l’annulation de 5,6 milliards de dollars de dette. La RDC ne pourrait plus espérer reconstruire un appareil de production performant, à même de transformer la richesse du sous-sol congolais en recettes fiscales pour l’État, ce que ses partenaires ne font absolument pas comme cela sera décrit en détail dans la 2ème partie du rapport.

Loin des caricatures et des outrances mensongères publiées par les ONG et reprises à longueur de rapports, même par des Congolais, qui se laissent abuser consciemment ou inconsciemment par ceux qu’on ne peut plus considérer que comme des ennemis de la RDC. Cette situation justifie donc largement aujourd’hui la politique minière de l’État. Initiée par le Président de la République, Joseph KABILA KABANGE, celle-ci a abouti notamment à la révision du Code minier de 2002 et à la renégociation en cours par Gécamines de tous ses contrats avec ses partenaires. 

C’est ce même constat qui pousse l’État à vouloir redonner aux entreprises minières du Portefeuille les moyens de leur reconstruction afin que les richesses produites nationalement profitent enfin équitablement au budget de l’État congolais.

Ce rapport va donc chercher a démontrer d’une part que les accusations de détournement dont la Gécamines est la cible sont tout simplement mensongères, et n’ont pour seul objectif que d’occulter l’attention des vrais problèmes de notre secteur minier pour permettre le maintien d’un système de spoliation des ressources naturelles de la RDC. 

J’invite chacun d’entre vous à observer les enfants du Lualaba, marchant en guenilles à la recherche de rats pour manger, sur un sous-sol qui chaque jour se vide de ses ressources et à se poser en conscience la question de savoir qui sont les vrais responsables de la situation de ces enfants.