L’armée et la police apporteraient beaucoup au Trésor, pourvu que…

En RDC, les ministères de la Défense nationale et de l’Intérieur dont relèvent respectivement les Forces armées de la RDC et la Police nationale congolaise, constituent des services d’assiette au même titre que les ministères des Mines ou des Affaires foncières. Et elles le font plutôt bien.

POURQUOI les autorités du pays n’attribuent-elles pas des marchés alléchants au génie civil de l’armée? Sans doute, foi de cet acteur de la société civile, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), pour leur prestige, rendraient, comme toujours, à l’État des ouvrages répondant aux normes et à des coûts plutôt réduits que ceux exigés par les privés. Qui, en outre, regimbent à l’idée d’un impôt sur les marchés publics. 

Et pourtant, les recettes parafiscales ont, en effet, été « significativement », pour reprendre l’expression de ce cadre de la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD), gavées par l’apport de la Défense nationale et la Police nationale congolaise (PNC), en 2018. L’apport de ces deux institutions de sécurité, plus de 26.5 milliards de FC, a contribué au dépassement des assignations budgétaires de la DGRAD pour l’exercice clos 2018 avec 110,14 %, soit en numéraires quelque 1 368 961 728 340, 57 FC. Des délégués des FARDC, des galonnés, ont pris une part active au Séminaire d’orientation budgétaire, étape préparatif à l’élaboration du budget 2020, quand, un inexplicable « secret d’État » et des absences « diplomatiques » ont couvert les secteurs véritablement porteurs de recettes, comme les pétroliers producteurs. 

Sécurité et Finances

Et, selon la DGRAD, la Défense nationale a de justesse manqué d’atteindre ses assignations 2018, avec 96 % de taux de réalisation ! Plutôt louable, pour un secteur dont la mission essentielle de sécuriser les limites nationales terrestres, fluviales, lacustres, maritimes, aériennes avec 9 voisins. Dans l’Est du pays, les FARDC sont par ailleurs, en pleine opération, de nettoyage des régions longtemps en proie aux menées subversives des groupuscules de hors-la-loi se réclamant Maï-Maï ou encore des criminels venus des États voisins, ADF, NALU ougandais, etc.

Pour autant, la Défense nationale a versé quelque 778 220 025,15 FC au Trésor via la DGRAD quand le ministère du Portefeuille n’a même pas atteint 50 % de ses assignations 2018, ou encore les Hydrocarbures 43.25 %, le Tourisme près de 10 %, les Transports et Voies de communication 24.7%, l’Économie nationale 13,18 %, l’Enseignement supérieur et universitaire juste 15 %, en dépit de la foultitude d’instituts supérieurs et universités que l’on compte en RDC. Il sied de rappeler que l’État a d’autorité transféré les actes générateurs de recettes inhérents aux explosifs du ministère des Mines à la Défense nationale, à travers la société Afridex. Les voilà qui rapportent mieux au Trésor. L’ordonnance n° 16/051 du 3 mai 2016 fixant l’organisation et le fonctionnement d’un service public dénommé Africaine d’Explosifs, Afridex, il est stipulé que le service public jouit de l’autonomie administrative et financière, mais le ministre ayant la Défense nationale dans ses attributions exerce un contrôle hiérarchique sur les actes et le personnel de ce service. 

« Le contrôle hiérarchique sur le personnel s’exerce sous la forme du pouvoir d’instruction. Il se traduit par l’émission d’ordres de service et de circulaires pour le bon fonctionnement des services d’Afridex », lit-on dans l’ordonnance du chef de l’État. Laquelle poursuit que « le contrôle hiérarchique sur les actes s’exerce, selon les cas, par voie d’avis préalable, d’annulation, de réformation et de substitution, des décisions prises par les autorités d’Afridex ». Pour l’exercice 2019, la Défense nationale a sollicité de la hiérarchie l’actualisation de l’arrêté interministériel fixant le taux de taxation en intégrant l’autorisation et renouvellement de vente et importation des produits explosifs.

Doubler les recettes de 2018 

Quant à la PNC,  elle a, selon la DGRAD, versé plus de 25,7 milliards de FC au Trésor en 2018. Des réalisations de loin supérieures à celles du Commerce extérieur (23,5 milliards de FC) ou encore à celles des Transports et Voies de communication (8.3 milliards de FC) et les Affaires étrangères (20.4 milliards de FC). La PNC envisage de contribuer davantage à la maximisation des recettes de l’État en 2019, soit 46,7 milliards de FC. Mais, hélas, certains de ses actes générateurs de recettes font toujours l’objet de conflit avec d’autres services d’assiette et même la DGRAD. 

Il nous revient que la DGRAD s’octroie unilatéralement 75 % des recettes des droits des aviseurs contre 25 % que la régie financière reverse, pas toujours régulièrement, à la PNC. Cette pratique démotiverait des agents de la paix dans leur mission d’enquête sur terrain. Il y a presque une année, la Police nationale déplorait, par ailleurs, la  non-exécution des missions PNC-DGRAD en vue d’une mobilisation accrue des recettes du secteur ou encore l’absence d’agents encadreurs de recettes dans certains points de perception ainsi que la non création de nouveaux points de taxation dans les nouvelles provinces. 

Pourtant, dans l’ex-Katanga, la PNC a recouvré plus de 4.9 milliards de FC supplémentaires sur la taxe de gardiennage dans les mines. Selon nos sources, des éléments de la PNC assurent des missions de sécurité au sein des entreprises minières de la région. Mais ces dernières, profitant du système déclaratif du fisc en RDC, ont longtemps leurré l’État même sur le nombre des policiers par elles sollicités. À ce sujet, certains observateurs redoutent que la décision de l’État de mettre fin au gardiennage de la police auprès des personnes privées physiques ou morales n’entraîne une baisse considérable des recettes de la PNC. 

Par ailleurs, quoique la loi de finances publiques 2019 accorde à la PNC le droit de percevoir les recettes relevant de l’extrait du casier judiciaire, conformément à la loi organique portant organisation et fonctionnement de la PNC ainsi qu’à l’ordonnance-loi du 13 mars 2018 portant nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central, cependant à fin juin 2019, la police est au regret de constater que cet acte générateur de recettes fait toujours partie de l’assiette du  pouvoir judiciaire. 

En 2016, l’extrait de casier judiciaire comptait parmi les actes générateurs de recettes de la police, et avait rapporté plus de 217,4 millions de FC contre des prévisions de 113 000 FC. Mais en 2017 et 2018, l’acte sera cédé aux cours, tribunaux et parquets, avant d’être derechef attribué à la PNC avec des assignations de l’ordre de 816 885 000 FC, soit plus de 467 mille dollars au taux budgétaire.