L’avenir de la profession est en péril

Le tourisme et les industries polluantes menacent la survie des pêcheurs. Comme si cela ne suffisait pas, ces derniers se tirent une balle dans le pied en recourant à des techniques destructrices. Le secteur est en danger et le Forum mondial s’en inquiète.

Les ressources halieutiques menacées.
Les ressources halieutiques menacées.

Cela fait dix-huit ans que des professionnels de la pêche des trente-trois pays ont institué la journée mondiale (le 21 novembre) ainsi que le Forum mondial des pêcheurs et des travailleurs de la pêche. En Afrique, plus de 21 % des espèces d’eau douce seraient menacées d’extinction. Selon une étude récente de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 5 167 espèces africaines d’eau douce (dont tous les poissons, mollusques, crabes, et libellules connus, ainsi que quelques familles de plantes aquatiques) ont été évaluées par deux cents scientifiques sur une période de cinq ans. La pêche intensive, l’agriculture, l’extraction d’eau, les barrages et les espèces exotiques envahissantes sont les principales menaces qui pèsent sur elles.

Les leçons à tirer

L’étude met en lumière la menace sur l’environnement naturel et donne des informations essentielles pour les décideurs en vue de l’exploitation et de la gestion des ressources en eau douce sur le continent africain. Les résultats sont particulièrement importants pour les gestionnaires, puisque les espèces ont été cartographiées et rattachées à leurs bassins hydrographiques respectifs. Dans la région des Grands Lacs, par exemple, le poisson est la principale source de protéines et de revenus pour de nombreuses populations classées parmi les plus pauvres du continent. On estime à 7,5 millions de personnes qui dépendent de la pêche en eau douce en Afrique subsaharienne. « L’Afrique abrite une diversité étonnante d’espèces d’eau douce, dont un grand nombre ne se trouve nulle part ailleurs », a expliqué William Darwall, directeur du projet et chef de l’Unité de la biodiversité d’eau douce de l’UICN. « Si nous n’enrayons pas l’extinction de ces espèces, le continent va perdre irréversiblement de sa biodiversité, mais également des millions de personnes vont perdre une source essentielle de revenus, d’aliments et de matériaux », a-t-il poursuivi. Les poissons sont bien évidemment importants pour les populations humaines, en tant que source d’aliments et de revenus. Cependant, d’autres espèces d’eau douce, comme les mollusques, les libellules, les crabes et les plantes aquatiques jouent aussi un rôle essentiel dans l’écosystème des zones humides. Dans les chutes du cours inférieur du Congo, onze espèces de mollusques, vivant sur une étendue de 100 km, sont très menacées en raison de la pollution en amont. Or, ces mollusques filtrent l’eau et assurent d’autres fonctions importantes, essentielles à l’équilibre environnemental.

« Cette nouvelle étude nous permet de sensibiliser les promoteurs et les autorités gouvernementales envisageant des projets d’infrastructures en eaux douces, qui sont encore peu développées dans la plupart des pays africains », selon Anada Tiéga, secrétaire général de la Convention de Ramsar. « Jusqu’à présent, nous n’avions pas les informations nécessaires sur les espèces et les menaces auxquelles elles sont confrontées, mais, grâce à ces évaluations de l’UICN, nous espérons que les décideurs africains feront maintenant les bons choix en vue de l’exploitation durable de leurs ressources en eau, tout en protégeant et valorisant la biodiversité mondiale ».

La solidarité mondiale

En 1997, à New Delhi (Inde), les participants venus des trente-trois pays avaient insisté sur l’importance du regroupement des pêcheurs, une catégorie socioprofessionnelle réputée pour son individualisme. Face aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, le Forum mondial parle de la nécessité de mutualiser les efforts en vue de surmonter les difficultés. Composé de groupes tels que le Collectif national des pêcheurs artisans du Sénégal (CNPS), l’Union des pêcheurs des maritimes (Canada), la CONAPACH (Chili), le Réseau national des pêcheurs du Mexique, et le Forum national des travailleurs de la pêche de l’Inde, l’objectif du Forum mondial des pêcheurs et des travailleurs de la pêche est de défendre et promouvoir les intérêts des personnes qui vivent de la pêche artisanale.

La Chine est le pays qui compte le plus grand nombre de pêcheurs, avec 6 millions de professionnels recensés. Environ 94 millions de tonnes de poisson sont pêchées annuellement à travers le monde. La pêche est un secteur économique de premier ordre en Afrique. Cependant, les ressources halieutiques diminuent à cause des excès de la pêche industrielle, du non-respect des cycles naturels, de la pollution et du manque d’organisation sur les plans nationaux et internationaux pour gérer cette richesse. De plus en plus d’initiatives sont prises pour faire face à la crise, mais la situation demeure préoccupante. Le secteur s’essouffle, mais la détermination des pêcheurs ne faiblit pas. Rassemblés en associations et comités, ils prennent les choses en main pour sauver leur profession, dont l’avenir est pour l’instant menacé par de nombreuses difficultés écologiques, économiques et sociales. Pour les pêcheurs, les politiques ne s’impliquent pas dans leurs préoccupations. « La profession existera toujours en tant que tradition et activité commerciale, mais nous sommes en train de demander à l’eau ce qu’elle ne peut nous fournir », explique Léon Longange, président d’une organisation de pêcheurs à Maluku. Depuis toujours, on est pêcheur de père en fils. Mais le processus tend à s’essouffler. « Nous voulons donner à nos enfants la chance d’être éduqués, d’avoir d’autres alternatives que la pêche. D’ici quelques années, il n’y aura plus de poisson si l’État ne fait rien. Je ne souhaite pas que mes enfants y soient confrontés », conclut Longange.