Le Congo traîne les pieds

La Bourse des valeurs mobilières de Kinshasa ne pourrait commencer ses activités qu’à partir de juin 2016. Plusieurs contraintes risquent de ne pas faire aboutir le projet à cette échéance.

Une vue du siège de la Banque centrale.
Une vue du siège de la Banque centrale.

Le projet de création d’une Bourse des valeurs mobilières est encore au stade de la réflexion. C’est dans ce cadre que le ministère des Finances a réuni à Kinshasa, à la mi-novembre, un panel d’experts venus de différents horizons du secteur financier : Banque centrale, Société nationale d’assurances, Institut national de sécurité sociale, Direction générale des impôts, Direction générale des douanes et accises, Direction générale de la dette publique, Société financière de développement (SOFIDE), Fonds de promotion de l’industrie (FPI)…

À l’ordre du jour : le protocole de la finance et de l’investissement dans les pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique australe (SADC). Il se dégage de cette rencontre que les contraintes financières constituent le premier obstacle à surmonter dans cette démarche de création d’une Bourse des valeurs mobilières au Congo.

Frilosité gouvernementale

Selon des experts, il faut une bagatelle de 5 millions de dollars pour financer les travaux en amont. D’après eux, cela fait plusieurs mois que la Banque centrale du Congo (BCC) attend cet argent du gouvernement. Concrètement, ce montant devra servir à l’élaboration de l’état des lieux de l’environnement économique réglementaire, à l’acquisition d’infrastructures de télécommunication et des paiements. D’autres actions visent l’étude de faisabilité du projet. Sur la liste des actions à mener figurent aussi la conception et la mise en œuvre du marché financier qui devront être fixées après concertation avec le gouvernement et les deux chambres du Parlement.

Les textes devant régir la Bourse des valeurs mobilières et le marché financier seraient déjà en cours d’élaboration au niveau de la BCC. Cette Bourse devra s’intégrer dans le réseau de marchés nationaux de valeurs mobilières des pays de la SADC. La coopération entre les Bourses des valeurs mobilières et les marchés financiers figure justement parmi les annexes du protocole sur le financement et les investissements des pays de la SADC. Au cours de l’atelier, les experts ont évalué la mise en œuvre du protocole de la SADC. Ils ne sont pas optimistes sur l’avancement des travaux de son application et font état de l’adoption du plan opérationnel du projet du marché financier au Congo. Ce plan se subdivise en trois phases. La première et la deuxième portent respectivement sur l’état des lieux de l’environnement économique et l’étude de faisabilité. Quant à la troisième phase, elle traite de la coopération et de la mise en œuvre du marché financier.

Plusieurs contraintes relatives à la promotion et la protection des investissements dans les pays de la SADC ont été constatées. Les experts relèvent la non-application au Congo des dispositions de ce protocole sur la promotion de la politique de la concurrence et sur la réduction des obstacles au commerce intra-régional. Le Congo est en retard dans l’harmonisation des politiques et des législations,  ainsi que dans l’instauration des conditions susceptibles de favoriser la participation des pays moins avancés de la SADC au processus d’intégration économique. Il a en outre intérêt à mettre en application la disposition du protocole de la SADC sur les institutions pertinentes chargées de la coopération régionale.

Les difficultés de mise en œuvre de cet instrument se situent également au niveau de la conformité aux normes internationales en matière de coopération des institutions et services financiers non bancaires. Cette conformité est nulle au Congo, soulignent les spécialistes. D’où l’appel à l’adhésion aux organismes internationaux, en la matière, des institutions telle que l’INSS et la SONAS. Il y a, par ailleurs, nécessité de renforcer les ressources humaines de la Société financière de développement et du Fonds de promotion de l’industrie en vue de participer de manière compétitive à la mobilisation des ressources dans la région de la SADC, ainsi qu’au financement des projets de développement d’intérêt commun. Cela dans le cadre du financement des activités du réseau intégré des institutions financières non bancaires. La mise en place d’un fonds de garantie pour faciliter l’accès des PME aux financements des institutions financière figure aussi parmi les activités à entreprendre.

L’échéance de 2018

Le Congo a intérêt à instituer un comité interministériel (Finances, Affaires étrangères, Commerce extérieur) pour être l’interface du secrétariat de la SADC en vue de mener une étude sur l’impact des zones de libre-échange. Ce qui le renforcera les capacités de coopération en fiscalité conformément à l’annexe III du protocole sur la coopération fiscale dans les pays de la SADC. Le gouvernement devra aussi moderniser la loi sur le cadastre foncier, le code de l’urbanisme et le plan national d’aménagement du territoire.  Ces deux actions pourront contribuer à la promotion et à la protection des investissements conformément à l’annexe I du même protocole qui traite de la coopération en matière d’investissement. Dans le même cadre, le gouvernement devra finaliser la loi sur la concurrence. Tout cela montre bien qu’il y a encore du chemin à parcourir avant 2018, année de la mise en place de la zone monétaire unique dans la SADC. Toutes les contraintes à surmonter en vue de l’établissement d’une Bourse des valeurs mobilières entrent en ligne de compte. Le Congo a beau avoir ratifié, depuis août 2014, les textes du protocole d’accord sur la finance et l’investissement de la SADC, mais le bout du tunnel n’est pas encore visible.