Le discours d’orientation de Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union Africaine

Madame Louise Mushikiwabo, Présidente du Conseil exécutif, Mesdames Messieurs les membres du Conseil exécutif,  Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs du Comité des Représentants permanents, Mesdames et Messieurs, 

 

Je voudrais me joindre à M. Ismail Ould Cheikh Ahmed, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération de la République islamique de Mauritanie, pour vous souhaiter la bienvenue à cette 33ème session ordinaire du Conseil exécutif.  

Je félicite chaleureusement le Gouvernement et le peuple mauritaniens pour l’organisation de ce Sommet, leur généreuse hospitalité et la qualité de nos conditions de travail. D’immenses sacrifices ont été consentis pour assurer le succès de nos assises. Il s’agit là d’un témoignage de la force de l’engagement de la Mauritanie.  

Monsieur le Ministre, nous vous prions de transmettre nos remerciements aux hautes autorités de votre pays, particulièrement Son Excellence le Président Mohamed Ould Abdel Aziz. 

Membre fondateur de l’Organisation de l’unité africaine sous la conduite de feu l’ancien Président Mokhtar Ould Daddah, dont nous saluons la mémoire, la Mauritanie a été de tous les rendez-vous pour la promotion de l’agenda panafricain. En décidant de tenir ce Sommet ici à Nouakchott, la Conférence de l’Union a voulu manifester son appréciation de cette importante contribution. 

Mesdames Messieurs,  

Ce Sommet est le troisième que j’ai eu le privilège de préparer avec mes collègues de la Commission. L’expérience ainsi acquise nous conforte dans la conviction de l’impératif d’une mobilisation toujours plus forte pour la mise en œuvre effective des décisions prises par notre Union. Nous devons assumer pleinement la responsabilité des engagements pris et assurer leur exécution diligente.  

La réforme institutionnelle dans laquelle notre Union est engagée a fait de l’amélioration du niveau d’exécution de nos décisions un axe prioritaire d’action. Cet impératif doit être compris dans le contexte d’une  division de travail bien définie, selon le principe de subsidiarité, entre les niveaux national, régional et continental.  

J’ai choisi d’introduire mon propos par ces remarques, parce que c’est bien là notre défi majeur en tant qu’Union, pour fonder durablement notre crédibilité et bâtir l’Afrique que nous voulons.  

Dès l’année prochaine, le Sommet de juillet aura une participation limitée et sera consacré à la coordination entre l’Union et ses Communautés économiques régionales, ainsi qu’à l’évaluation de la mise en œuvre de nos décisions. Nous devons nous y préparer activement pour examiner sans complaisance nos performances.  

Mesdames Messieurs,  

Au cours de la période sous examen, la Commission a poursuivi et intensifié les efforts engagés pour la mise en œuvre de projets phares de l’Agenda 2063.  

Le Sommet extraordinaire tenu à Kigali, en mars dernier, a assurément été une réussite. Quarante-quatre Etats membres ont signé l’Accord sur la Zone continentale africaine de libre-échange, et 31 le Protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et le droit d’établissement.  

Sept États membres ont déjà ratifié l’Accord sur la Zone de libre échange, dont quatre, à savoir le Kenya, le Ghana, le Rwanda et le Niger, ont déjà déposé les instruments y relatifs. Un Etat membre, le Rwanda, a ratifié le Protocole sur la libre circulation et déposé son instrument de ratification. 

J’exhorte les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à prendre les dispositions nécessaires pour devenir parties à ces instruments. Il est tout aussi important que les Etats qui ne l’ont pas encore fait se joignent au Marché unique sur le transport aérien en Afrique.  

Je voudrais insister ici sur l’importance cruciale de la libre circulation des personnes.  

Comme j’ai eu l’occasion de le dire à maintes reprises, il est grand temps que les Africains cessent d’être des étrangers sur leur propre continent.  Je félicite les Etats membres qui ont déjà pris des mesures pour alléger les procédures de visa ou les supprimer purement et simplement pour les ressortissants africains.  

Je saisis cette occasion pour souligner combien il importe, pour notre crédibilité collective, que les Africains soient, partout sur le continent, traités avec dignité et respect.  

Mesdames Messieurs,  

Au cours des mois écoulés, la Commission a poursuivi l’action engagée dans le cadre de la réforme de notre Union. Un rapport exhaustif sur cette question sera soumis aux chefs d’Etat et de Gouvernement.  

Je me réjouis du consensus auquel les Etats membres sont parvenus sur cette question. Nous devons persévérer sur cette voie, tant il est vrai que sans réforme il n’y a point de salut pour notre Union. 

Un des volets importants de la réforme institutionnelle porte sur le financement de l’Union.  

Même si le chemin à parcourir reste encore long, nous pouvons légitimement tirer fierté des avancées enregistrées. En effet, 23 Etats membres appliquent déjà ou sont sur le point d’appliquer la taxe de 0,2% sur les importations éligibles.  

On ne le répétera jamais assez: sans autonomie financière, notre ambitieux Agenda 2063 ne sera qu’un catalogue de bonnes intentions et notre prétention au leardership continental et à l’appropriation africaine rien d’autre qu’un vœu pieux.  

L’engagement des Etats membres à assumer une charge plus grande dans le financement de l’Union doit aller de pair avec une gestion rigoureuse de nos ressources, fondée sur une reddition des comptes des plus transparentes, exigeantes et crédibles.  

Tel fut le message du Sommet de Kigali en juillet 2016. Tel est la demande qui est ressortie des délibérations de la réunion préparatoire du Comité des Représentants permanents qui vient de se conclure ici même, à Nouakchott.  

Je m’engage à renforcer la gouvernance interne de la Commission, qui doit être en phase avec cette exigence et les  attentes de nos peuples, prenant en cela appui sur les mesures déjà prises. La Commission, y compris les élus politiques, et les organes de l’Union doivent prêcher par l’exemple et être un modèle de vertu, de probité et de dévouement au service du continent.  

Mesdames et Messieurs,  

Cette Année a été déclarée « Année de lutte contre la corruption ». C’est le thème de ce Sommet.  

Nous devons redoubler d’efforts pour éradiquer ce fléau. Une action multiforme est ici requise. 

Permettez que je saisisse cette occasion pour souligner, encore une fois, l’importance que revêt le suivi des recommandations du Panel Thabo Mbeki sur les flux financiers illicites. L’Afrique perd au minimum 50 milliards de dollars par an du fait de ces flux illicites. Il est évident que la rétention de ces ressources sur le continent aiderait grandement à financer son développement.  

Nous devons aller au-delà des incantations pour marquer l’engagement à lutter contre la corruption du sceau de l’action et du concret. Les Etats membres sont fortement interpellés pour prendre les mesures qu’appelle la situation et répondre à l’aspiration de nos peuples à la bonne gouvernance. 

Si la corruption n’est pas énergiquement combattue, la cohésion de nos sociétés et la viabilité de nos Etats seront durablement affectées. 

Mesdames Messieurs, 

L’objectif visant à faire taire les armes à l’horizon 2020  doit mobiliser pleinement nos énergies. J’exhorte tous les Etats membres encore confrontés au fléau des conflits et des crises politiques à s’engager résolument sur la voie du dialogue et du compromis.  

En évoquant les conflits qui endeuillent le continent, l’on ne peut pas ne être interpellé par les souffrances indicibles infligées aux populations civiles : du Soudan du Sud au centre du Mali, en passant par la Centrafrique, ces populations paient un prix élevé à la violence.  

Dans ce contexte, rien n’est plus urgent que la tenue d’élections paisibles, libres, transparentes et inclusives en République démocratique du Congo à la fin de cette année ; l’aboutissement du processus de réconciliation en République centrafricaine ; la conclusion heureuse du dialogue politique au Burundi ; la prise de mesures de nature à désamorcer la crise qui sévit dans l’ouest du Cameroun ; ainsi que la relance du processus de négociation au Sahara occidental. 

Ce sont là autant de mesures dont la matérialisation nous rapprochera davantage de la réalisation de notre ambition d’une Afrique stable et en paix. 

Il est encourageant de relever l’engagement dont l’Éthiopie et l’Érythrée font preuve pour normaliser leurs relations.  

De même, les récentes avancées enregistrées au Soudan du Sud sont une source d’optimisme. Je rends hommage aux dirigeants de la région, en particulier le Premier ministre Abiy Ahmed et le Président Omar Hassan al Bashir, pour leurs efforts qui ont permis la tenue de la rencontre entre le Président Salva Kiir Mayardit et le Dr. Riek Machar et la signature d’un accord, le 27 juin.  

Mesdames et Messieurs, 

Au cours de ce Sommet, vous allez examiner le budget de l’Union pour 2019. Nous l’avons préparé dans le cadre des innovations introduites par la réforme institutionnelle de l’Union. Son examen en sera donc grandement facilité, surtout avec le travail pointilleux accompli par le Comité des Représentants permanents et le sous-Comité sur le budget, ainsi  que par le F15.  

Je remercie ces instances et leurs membres pour le dévouement avec lequel ils se sont acquittés de leurs responsabilités.  

La Commission fera preuve d’une plus grande orthodoxie budgétaire et financière, et travaillera à la rationalisation de ses activités autour des programmes et projets prioritaires.  

En conclusion, je voudrais indiquer que, pour la deuxième fois depuis ma prise de fonction, je soumets à votre auguste organe une Note introductive aux rapports de la Commission. L’objectif est de porter à votre attention un certain nombre de questions urgentes, mais aussi d’autres à l’importance stratégique pour l’avenir à long terme de notre Union.  

Je vous souhaite de fructueuses délibérations et un bon séjour à Nouakchott. 

Je vous remercie de votre aimable attention.   

NOUAKCHOTT, LE 28 JUIN 2018