Le fleuve Congo, ce grand boulevard inexploité !

Avec la modernisation des deux principales artères de Kinshasa, la capitale a réduit les difficultés de transport et les embouteillages. Mais elles pourront la rattraper d’ici 2025. Les experts préconisent d’explorer d’autres voies de mobilité rapide.

Pour rendre fluide la mobilité des Kinois, le gouvernement a pris quelques initiatives dans le secteur du transport en commun, dont les projets TRANSCO et Esprit de vie. Dans la foulée, l’exécutif urbain a lancé la New Régie de transport de Kinshasa (RETRANSKIN). Des initiatives louables qui ont permis de juguler les difficultés de transport en commun dans la capitale devenues un casse-tête depuis les années 1980-1990. Mais la croissance démographique est telle que les besoins de locomotion dans la capitale sont loin d’être satisfaits. Et d’ailleurs, la mobilité des Kinois se posera avec acuité quand la ville-capitale aura atteint 15 millions d’habitants d’ici 2025 et comptera parmi les mégalopoles les plus peuplés du monde, selon les projections du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Kinshasa vivra alors des bouchons cauchemardesques comme Lagos, avertissent des experts.

Sans doute pour prévenir un tel scénario, les ministres national et provincial des Transports et des Voies de communication sont main dans la main. José Makila Sumanda et Godard Motemona, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, ont initié une campagne de sensibilisation visant à réduire les embouteillages dans la capitale. L’image est forte pour l’affichage. Mais des experts de la ville en doutent de l’efficacité car, disent-ils, les embouteillages comptent parmi les problèmes avérés des grandes villes. Que faire alors ?

Au moins 6 millions d’usagers de la route  

Selon les estimations du gouvernement remontant à 2012, quand l’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, présentait son programme quinquennal, quelque 4 millions de Kinois se déplacent au quotidien. Au cours d’une récente conférence à l’Institut national du bâtiment et des travaux publics (INBTP), des experts ont estimé qu’au moins 6 à 8 millions de Kinois sortent chaque jour, entre 5 et 9 heures. Et la même tendance est observée entre 16 et 21 heures quand tout le monde regagne son foyer. Outre la relance du transport public routier, le gouvernement a pensé aussi à remettre sur les rails le Chemin de fer interurbain (CFI). Hélas, à ce jour, le CFI n’est opérationnel que dans la partie est de la capitale, c’est-à-dire sur la ligne Gare centrale-Aéroport international de N’djili et sur la ligne Gare centrale-Kimwenza via Matete. En plus du CFI, le gouvernement a pensé à créer le Transport fluvial urbain (TFU). Le projet inhérent au transport fluvial a également été mûri au ministère des Transports et des Voies de communication, sous le mandat de Justin Kalumba.

Le transport fluvial permettrait ainsi le rapprochement au centre-ville des nouveaux quartiers qui champignonnent dans la banlieue kinoise (Mimosas, N’sele, etc.), avait fait comprendre un expert du ministère des Transports. Le gouvernement envisageait, apprend-on, d’associer les investisseurs privés. L’entreprise Nokia avait tenté une expérience du genre avec des vedettes qui reliaient la commune rurbaine de la N’sele au centre-ville.

Selon nos sources, les services de renseignement n’auraient guère apprécié l’entreprise. Le projet aurait donc tourné court. Pourtant, la ville de Kinshasa est parsemée des cours d’eau comme les veines et les artères dans le corps humain : N’sele, N’djili, Yolo, Mombele, Kalamu, Gombe, Makelele, Bitshakutshaku…Mais les rivières navigables, dont l’exploitation peut être rentable, se comptent du bout des doigts. À ce jour, le transport fluvial se déroule, d’ailleurs, de manière cahin-caha, sur la seule N’djili, au niveau de quartiers 8 et 9. Des pirogues assurent, en effet, le trafic entre N’djili et Matete, Kisenso et Riflaert. La rivière N’djili est alors appelée «Mayi ya nkelo». Il reste pratiquement le fleuve où depuis des lustres le réseau de transport a toujours été intense et dispose d’une grande flotte de barges et de pousseurs de tous types et dimensions. Mais ces unités flottantes relient plutôt la capitale à l’intérieur du pays qu’elles approvisionnent en produits manufacturiers, en dehors bien sûr du trafic entre Kinshasa et Brazzaville, fort rentable. La principale difficulté pour rendre opérationnel le transport fluvial urbain de masse consisterait, sans doute, à transformer certaines rivières émissaires du fleuve en estuaire et à dégager un grand nombre de bateaux et barges qui ont sombré depuis belle lurette le long des quais de la capitale.

Cependant, tout au long du Pool Malebo, de Maluku à Kinsuka, s’alignent des débarcadères qui peuvent servir d’infrastructures pour le développement d’un transport fluvial urbain. Il s’agit notamment de l’ex-Baramoto, Mokonzi Ngbaka, CELZA, Liaki, Grand port, SICOTRA, Pointe anglaise, Pointe la Combe (Baie de Ngaliema) et naturellement le Beach, à la Gombe, qui est la principale gare fluviale de Kinshasa. L’on croit rêver, pourtant, il est possible de quitter Maluku et atteindre le centre-ville au bout de quelques minutes via des vedettes. Au lieu de s’enliser dans les embouteillages sur les routes de la capitale, pourquoi ne pas faire le choix, pour joindre Ngaliema à partir de Kingabwa, entre prendre trois taxis ou une embarcation à l’ex-port de Baramoto jusqu’à Mimosas ?