Le FPI à l’ère des grandes réformes

Du 17 au 19 août, les cadres du Fonds de promotion de l’industrie se sont réunis au Cercle de Kinshasa pour évaluer à mi-parcours le programme 2017, arrêter les mesures d’ajustement pour atteindre ses objectifs et préparer enfin le draft du plan d’actions 2018 ainsi que du budget y relatif.

À l’ouverture du séminaire d’évaluation, et en l’absence du ministre de l’Industrie et du président du conseil d’administration en déplacement à l’extérieur du pays, le directeur général du Fonds de promotion de l’industrie (FPI), Patrice Kitebi, a circonscrit le cadre général des assises. Il a souhaité une « évaluation sans tabou » de la feuille de route 2017, dans toutes ses composantes, afin de déterminer en termes de pourcentage les actions qui ont été réalisées et celles qui restent à mener. De manière à arrêter les « mesures d’ajustement » pour atteindre les objectifs que les instances du FPI se sont assignés pour l’exercice 2017. Autre résultat attendu de ce séminaire : dresser l’esquisse du programme d’actions et du budget 2018.

Rappel des faits

Pendant trois jours, les cadres de direction et de commandement du FPI, réunis autour de leur directeur général, se sont penchés sur la feuille de route pour procéder à sa revue à mi-parcours. Pour rappel, le programme d’actions pour l’exercice 2017 est issu de la feuille de route, qui a été adoptée en décembre 2016, lors des assises (27-29) ayant pour objet l’état des lieux de cet établissement public. À cette occasion, le ministre de l’Industrie, Ilunga Leu, qui a dans ses attributions la tutelle technique du FPI, avait communiqué les orientations de base du gouvernement. En effet, la fin de l’année 2016 a été marquée par un nouveau contexte au sein de l’institution. En date du 11 novembre, il a plu au président de la République de mettre en place un nouveau conseil d’administration et une nouvelle direction générale à la tête du FPI. Le 24 novembre, les dirigeants sortants et entrants ont procédé à la cérémonie de remise et reprise. Et la nouvelle équipe est entrée immédiatement en action.

La mission principale dévolue à la nouvelle équipe dirigeante, c’est-à-dire le conseil d’administration et la direction générale se résumait au redressement du FPI. Considéré comme « le bras séculier du gouvernement en matière de financement de l’industrie et censé être l’instrument puissant de l’application des orientations stratégiques du gouvernement en matière de développement industriel mais aussi de diversification de l’économie nationale », a fait remarquer Patrice Kitebi. Aussi, dans la foulée de cette mission, la direction générale a-t-elle pris, en accord avec le conseil d’administration, la décision de faire un état des lieux, c’est-à-dire « un travail profond de diagnostic ». Ce travail a été fait à travers un atelier du 27 au 29 décembre 2016 et au terme duquel une feuille de route a été tirée.

Et l’évaluation qui en a été faite du 17 au 19 août au Cercle de Kinshasa, a consisté justement en l’appréciation du niveau d’exécution de l’ensemble des réformes et des mesures qui ont été arrêtées de commun accord pour pouvoir redresser l’entreprise. En décembre 2016, le constat général sur lequel tous ont été d’accord est le suivant : premièrement, le FPI était une institution malade. Il a été constaté qu’entre 2015 et 2016, les recettes avaient baissé, en moyenne mensuelle, presque de 22 %. Deuxièmement, la prédominance des charges d’exploitation bien au-delà de la fraction de 20 % autorisée par le gouvernement au titre de frais de fonctionnement. Conséquence : la consommation de la taxe de promotion industrielle (TPI) au-delà se traduit par une auto-déduction du financement qui est le principal mandat du FPI.

Troisièmement, le portefeuille était à plus de 90 % composé d’actifs toxiques, chiffrés à plus de 150 millions de dollars d’impayés. Quatrièmement, les engagements à court terme étaient extrêmement élevés, constitués de dettes de diverses catégories sur des prêts, des décomptes finaux des agents partis à la retraite ; ainsi que d’engagements auprès de divers prestataires. Soit près de 50 millions de dollars. Cinquièmement, le FPI était dans une situation de trésorerie extrêmement tendue qui ne permettait plus d’assurer correctement le financement de l’exploitation, ni d’assurer naturellement le financement des projets. Et sixièmement, il y avait beaucoup de problèmes liés à la gestion du personnel. La feuille de route qui a été adoptée au terme de trois jours de réflexion, définissait les principales réformes.

Il incombait cependant à la nouvelle équipe à la tête du FPI de s’assurer de l’adéquation de ce qui a été dit à l’atelier avec l’état réel sur le terrain. C’est ainsi que des missions d’inspection ont été organisées en janvier et février 2017 dans 7 provinces. Le directeur général adjoint a visité les quatre provinces issues du démembrement de l’ex-province du Katanga (Haut-Katanga, Haut-Lomami, Tanganyika, Lualaba), tandis que le directeur général s’est rendu dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et la Tshopo. Au terme de ces missions qui avaient pour but l’inspection des services, mais aussi la visite des projets, il a été surtout question de renouer le dialogue avec les opérateurs économiques.

Les principales conclusions suivantes ont été dégagées: premièrement, dans les provinces visitées, malheureusement, très peu de projets étaient des exemples de réussite. Deuxièmement, dans les échanges avec les opérateurs économiques, il s’est dégagé un climat de méfiance chez ces derniers, pourtant, la cible principale du FPI. Ce climat de méfiance est caractérisé par de graves accusations de corruption et par une dénonciation des pratiques des décaissements fractionnés qui ne facilitent pas la mise en œuvre des projets dans des conditions optimales. Troisièmement, il s’est dégagé également que la plupart des hypothèques prises sur les grands projets étaient insuffisantes. En tout cas, en grande partie, elles n’étaient pas inscrites et l’entreprise prenait peu ou prou le risque de remboursement. Globalement, malgré l’important financement injecté dans l’économie, l’impact des projets financés en termes de réduction de la pauvreté et de contribution à la croissance économique était relativement limité.

Un nouveau management

C’est sur ces principales conclusions des missions d’inspection en provinces que le conseil d’administration et la direction générale ont fondé le nouveau management au FPI. C’est la volonté affichée de financer désormais autrement les projets au sein du Fonds de promotion de l’industrie, a expliqué Patrice Kitebi. Financer autrement les projets est donc un concept global de ce nouveau management, a-t-il rassuré. Un concept indique clairement comment financer les projets. La nouvelle vision managériale suppose aussi atteindre l’objectif majeur de recouvrement des prêts de 150 millions mais aussi celui de collecter efficacement la taxe de promotion de l’industrie. Cela signifie également que pour dégager un espace budgétaire suffisant à dédier au financement des projets, il faut avoir une parfaite maîtrise des charges d’exploitation. Un exercice qui s’inscrit dans la durée, a souligné le directeur général du FPI. C’est aussi instaurer un nouveau type de gestion basée sur les principes de la participation de tous et la redevabilité de chacun par rapport à sa parcelle de responsabilité. C’est enfin mener des grandes campagnes de mobilisation des recettes pour que les moyens disponibles au sein de l’institution soient à la hauteur des nouvelles ambitions.

Au cours du séminaire d’évaluation, il était important donc d’arrimer cette vision managériale aux orientations stratégiques du président de la République contenues dans son message du 5 avril devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès. Les grandes orientations stratégiques du FPI découlent justement de ses missions, à savoir le financement de l’essor industriel en République démocratique du Congo, le développement d’un tissu industriel tourné vers la satisfaction des besoins locaux et la réduction de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur ; mais aussi des orientations des autorités du pays ; des recommandations et des conclusions des missions de contrôle, notamment en matière de supervision des projets et des subventions (une subvention octroyée qui n’a pas été utilisée de manière appropriée, a vocation d’être transformée en prêt et donc génératrice d’intérêts pour le compte du FPI) ; des grandes recommandations issues de l’atelier sur l’état des lieux du FPI. Au terme de l’atelier de décembre 2016, un certain nombre de thématiques ont été abordées. Et il a été décidé, comme grandes réformes à engager, l’amélioration de la gouvernance, la dynamisation de la mobilisation des ressources et le recouvrement des créances, la maîtrise et la réduction des charges, l’amélioration de l’évaluation des projets et le renforcement de la couverture des risques dans le financement des projets (plus de 60 % des prêts n’étaient pas couverts), le lancement des projets à moyen et à long termes, ainsi que l’amélioration de l’éthique professionnelle. Sur l’éthique, le FPI a enregistré beaucoup d’accusations. Par exemple, le Parlement, l’Inspection générale des finances… ont mis en exergue les défaillances et les problèmes majeurs