Le gouvernement compte rétrocéder 101 milliards de francs au Kongo-Central

L’État a souvent méconnu les droits de la province dans l’exploitation pétrolière au large de Muanda. Pourtant, c’est l’une des revendications sociopolitiques, qui sont réchauffées à l’approche des échéances électorales en RDC.

La gestion de la manne pétrolière est l’un des rares points sur lesquels la classe politique Ne Kongo, toutes tendances confondues, et la mouvance de la société civile rejoignent le mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo, mué en parti politique Bundu dia Mayala. Voilà deux ans jour pour jour, depuis que le président de la République, Joseph Kabila Kabange, a promulgué la loi n°15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarbures. Mais sur le terrain, rien n’a véritablement changé dans le sens que ce code des hydrocarbures avait suscité lors de sa présentation officielle par le ministre des Hydrocarbures, Aimé Ngoie Mukena.

Œuvres sociales

La cité côtière de Muanda devrait une fois encore, comme depuis une quinzaine d’années, se contenter des œuvres caritatives du groupe Perenco, dont une enveloppe inchangée, voilà 20 ans, de quelque 210 000 dollars. Il y a quelques années, la firme SOCO a soutenu apporter son obole dans la modernisation de Muanda à travers des œuvres sociales qui représenteraient 600 000 dollars l’an.

Muanda connaît plutôt une  modernisation à compte-goutte. La cité ne compte qu’une seule artère asphaltée qui est, en fait, le prolongement de la nationale n°1, appelée ici boulevard. Tout simplement. C’est dans la province du Kongo- Central que le président Kabila a réalisé l’un des pires scores lors des deux dernières élections présidentielles. Sous prétexte de l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative pays pauvre très endetté (IPPTE), l’ancienne province du Bas-Congo a longtemps été privée de la rétrocession sur son or noir. L’opinion se souviendra des philippiques, du haut de la tribune de la chambre basse, du feu député Kembukuswa contre le gouvernement qui avait décidé d’affecter les rétrocessions pétrolières de sa province au paiement de la dette publique.

Pour l’exercice 2017, l’État compte gagner, au bas mot, plus de 252,8 milliards de francs, soit environ 170 millions de dollars, des pétroliers producteurs (PERENCO REP, LIREX… MIOC). Ces prévisions des recettes sont réparties de la manière suivante : 96.5milliards de francs pour la Direction générale des impôts (DGI) et 156.3milliards pour la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD). L’État prévoit une rétrocession de 101 milliards de francs au Kongo-Central. Pourtant, la constitution de la République a consacré le principe de la retenue à la source des 40 % des recettes réalisées par chaque province.

Rétrocession

Et ce n’est un secret pour personne que Kinshasa n’a jamais tenu à ses engagements dans sa politique de rétrocession. Et il va sans dire que le gouvernement central ne saurait verser la bagatelle somme de 101 milliards de francs, si et seulement si les cours du baril se maintenaient à son niveau actuel, à plus de 65 dollars. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le prix du baril de Brent a connu une augmentation de 70,4 %, passant de 32,25 dollars à 54,97 dollars, de janvier à décembre 2016. En dépit d’un faible recul de 52,67 dollars le baril observé au mois de mars 2017, il est attendu une forte augmentation des cours du pétrole, en raison de l’accord des membres de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) visant à limiter la production. Et à fin décembre 2017, le prix du baril de Brent pourrait se situer à 72,8 dollars.

Le gouvernement de la RDC a dit, toutefois, observer une certaine prudence vis-à-vis des cours mondiaux de l’or noir, bien souvent, en proie à des yo-yo. Car, sur le plan externe, des inquiétudes demeurent si la reprise actuelle de l’activité économique mondiale, des cours des matières premières et des produits pétroliers ne s’inscrivait pas dans la durée. En effet, une éventuelle rechute des cours influencerait négativement les hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent autant le budget 2017 que le cadre budgétaire à moyen terme 2017-2019, avec comme conséquence, la baisse du niveau des recettes attendues. Les recettes des pétroliers producteurs ont, toutefois, été fort rassurantes, à fin mars 2017. Elles se sont chiffrées à 33,2 milliards de francs contre des prévisions de 33,4 milliards, soit 99,5 % de taux de réalisation.

En 2016, PERENCO, LIREX, MIOC et consorts ont versé quelque 133.6 milliards de francs à l’État. Des assignations de 2017 de  l’ordre de 252,8 milliards de francs marquent un accroissement de 89,2 % par rapport aux réalisations de 2016.

Réévaluation

Il sied également de rappeler que le ministère des Hydrocarbures compte  effectuer une réévaluation des recettes pétrolières, notamment les royalties établis à 28,1 milliards de francs ou encore des dividendes on shore qui ne sont que de 10.7 milliards de francs en prévisions et des dividendes offshore qui sont en prévisions de moins de 29 milliards. Les experts de l’État tiennent à ce que,  dans les calculs des revenus pétroliers de l’État, soient notamment pris en  compte  la production journalière projetée (22 500 barils), le cours moyen de 56,7 dollars, la décote de 3 dollars le baril, le niveau des charges déductibles de 40 % ainsi que le régime fiscal par convention pétrolière.

Autre décision, l’intensification du recouvrement de la taxe rémunératoire annuelle, d’implantation et de pollution auprès des pétroliers producteurs. Pour autant, des experts se montrent davantage critiques contre l’État pour la non-activation du bonus de production dans le budget 2017 alors qu’au premier trimestre (crédits provisoires), le Trésor public a encaissé plus de 1.9 milliard de francs au titre de bonus de signature initial. Déjà en 2015, le Trésor public n’a  rien perçu alors que plus de 2.3 milliards de francs ont été prévus dans le cadre du bonus de production. En 2016, aucun franc n’a été versé par les pétroliers producteurs alors que les prévisions budgétaires ont été de l’ordre de 2.4 milliards de francs.

Outre les pétroliers producteurs, l’État a dans son viseur les sociétés importatrices et commerciales des produits pétroliers opérant en RDC. La Direction générale des douanes et accises (DGDA) a notamment reçu mission de procéder, sans délai, au marquage moléculaire des produits pétroliers. Cette procédure pourrait rapporter 2.4 milliards de francs. Le gouvernement annonce également l’organisation des missions d’encadrement et de suivi de la mobilisation des recettes du secteur entre la DGRAD et le ministère des Hydrocarbures auprès des entreprises pétrolières. En tant que service d’assiette, le ministère des Hydrocarbures devrait aussi verser au terme de l’exercice 2017 quelque 13.9 milliards de francs au Trésor public.

Ces prévisions devraient être revues à la hausse avec la prise en compte des amendes et l’intégration des données des provinces sur des actes portant sur l’autorisation d’importation et de commercialisation des produits pétroliers ainsi que l’autorisation de transport et de stockage des produits pétroliers. Mais pour ce faire, il va falloir compter sur la collaboration des administrations fiscales et parafiscales provinciales. Ce qui est loin d’être un acquis. En commençant par la capitale, où la Direction générale des recettes de Kinshasa (DGRK) s’arrache confusément les actes générateurs de recettes avec la DGDA et la DGRAD. Cette guéguerre entraîne souvent la double imposition au grand dam des opérateurs économiques.