Le marché européen retrouve son niveau d’avant la crise

Le marché automobile européen a progressé de 2,2 % en février par rapport au même mois de 2016, un rythme jugé « modeste », mais qui lui permet de presque retrouver son niveau d’avant la crise de 2008, selon des statistiques publiées la semaine dernière.

Alors que 1,08 million de voitures particulières neuves ont été mises sur les routes de l’Union européenne en février, la progression sur deux mois reste vigoureuse avec 6,2 % pour atteindre 2,25 millions d’unités, a précisé l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA) dans un communiqué. « En février, la demande pour les voitures particulières dans l’UE n’a augmenté que de façon modeste », a relevé l’ACEA, notant aussi que plusieurs grands marchés nationaux comme la France (-2,9 %), l’Allemagne (-2,6 %) et le Royaume-Uni (-0,3 %) « se sont moins bien comportés que lors du mois de février précédent, en partie à cause d’un jour ouvré en moins » qu’en 2016.

Fortunes diverses pour les constructeurs

Côté constructeurs, le groupe Volkswagen est resté de loin le premier groupe européen en février, régnant sur 23 % du marché, mais ses volumes se sont contractés de 1 %. Sa principale marque, du même nom, a plongé de 6,6 % le mois dernier, compensée en partie par Seat (+14,5 %) et dans une moindre mesure Audi (+2,4 %). Derrière lui, le groupe PSA voit ses ventes se replier de 3,1 % mais reste le deuxième constructeur européen en part de marché (10,7 %), ses marques connaissant des destins contrastés. Peugeot recule ainsi de 3,7 % tandis que Citroën est dans le vert (+1,7 %) et DS, encore en manque de nouveautés commercialisées, en perdition (-36,4 %). Dacia et Renault en forme. PSA, qui a créé la sensation début mars en annonçant le rachat à General Motors de ses activités européennes (Opel et Vauxhall), progresse de 1,7 % en volumes écoulés depuis janvier. Le groupe Renault (+6,8 %) a mieux tiré son épingle du jeu en février, profitant de la forme de la marque au losange (+5 %) et encore plus de l’enseigne « low cost » Dacia (+11 %). Lada, sa marque russe confidentielle en volume avec seulement 344 unités contre 79 700 à Renault, voit ses livraisons bondir de 42,7 %.

Renault a trompé les clients

Croissance de 7 % sur l’année. L’entreprise dirigée par Carlos Ghosn, en pleine tourmente en France pour des soupçons de « stratégies frauduleuses » aux émissions polluantes comme Volkswagen, détient 10,4 % du marché automobile du Vieux continent en février et voit ses livraisons progresser de 8,5 % sur deux mois.

Un rapport affirme que Renault « a trompé les consommateurs ». Près de 900 000 voitures seraient concernées, selon le journal Libération, qui a publié, un document de la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Que cache Renault sous le capot de ses voitures diesel ? Le contenu du rapport confidentiel réalisé par les services de Bercy est à l’origine de l’information judiciaire ouverte, en janvier, par le parquet de Paris. La justice suspecte la marque française d’avoir installé « un dispositif frauduleux » afin de fausser des tests sur les émissions de polluants des moteurs. Après l’affaire Volkswagen, en 2015, le gouvernement français avait confié une enquête à la DGCCRF. Le but : faire la lumière sur les émissions polluantes de toutes les marques de voitures commercialisées en France en procédant à des tests.

C’est à ce rapport confidentiel, de 39 pages, rédigé en novembre 2016, que Libération a eu accès. Et les conclusions sont sévères : « Renault SAS a trompé les consommateurs sur les contrôles effectués et notamment le contrôle réglementaire de l’homologation sur les émissions de polluants ». En clair, le document de la DGCCRF montre des écarts importants entre les performances de certains moteurs Renault lors de leur homologation en laboratoire et lors de leur utilisation en conditions réelles. Ces résultats permettent de « soupçonner l’installation d’un dispositif frauduleux qui modifie spécifiquement le fonctionnement du moteur pour en réduire les émissions de NOx (oxydes d’azote) dans des conditions spécifiques du test d’homologation. »

D’après les calculs de Bercy, près de 900 000 véhicules auraient pu être commercialisés grâce à ces homologations. Ce qui représenterait 16,8 milliards de chiffre d’affaires. En revanche, le détail des modèles, et les dates de mise sur le marché ne sont pas connus. Mais selon Libération, les modèles Renault Captur et Clio IV sont particulièrement dans le viseur : ils dépasseraient le seuil réglementaire d’émission de dioxyde de carbone de respectivement 377 % et de 305 %.

Dans un communiqué, le constructeur explique qu’« aucun de ses services n’a enfreint les règles, européennes ou nationales, relatives à l’homologation des véhicules ». Début février, le PDG du groupe, Carlos Ghosn, s’était déjà défendu en affirmant qu’il n’y avait « pas de triche » dans le fonctionnement des moteurs du constructeur. « Il y a des améliorations à amener en matière d’émissions dans des conditions réelles d’utilisation (que) nous nous sommes engagés à faire », avait-t-il alors assuré. D’autres constructeurs sont-ils dans le viseur ? Comme il l’a fait pour Renault, la DGCCRF a récemment transmis à la justice les résultats de ses enquêtes sur les véhicules PSA et Fiat Chrysler. Mais à ce jour, aucune information judiciaire n’a été ouverte pour ces deux constructeurs.

Comment réagissent les clients ? Plusieurs associations ont fait savoir qu’elles se constituaient parties civiles. C’est le cas d’UFC Que-Choisir, de France Nature Environnement. Contacté par Libération, un avocat parisien affirme, de son côté, avoir déjà reçu « plusieurs dizaines de plaintes de propriétaires qui s’estiment trompés ». Mais au-delà de ces plaintes, la maison Renault risque une amende de 10 % de son chiffre d’affaires annuel, affirme Libération, soit 3,5 milliards d’euros. Le marché européen des voitures neuves avait bouclé 2016 sur une croissance de 6,8 %, lui permettant d’atteindre 14,64 millions d’unités, soit presque le niveau de 2008, année du déclenchement d’une grave crise économique. À son plus bas en 2013, il était tombé à 11,8 millions.