Le non-paiement de la dette intérieure pèse sur les entreprises créancières

Le bilan de 2018 est caractérisé par une relative stabilité du cadre macroéconomique : une inflation des biens et services comprise autour de 1,5 % et une croissance économique revue à la hausse, grâce à l’embellie des cours des matières premières. Malgré cette stabilité, la FEC déplore qu’elle se soit faite principalement aux dépens des créanciers internes de l’État.

À COMBIEN s’élève à ce jour la dette intérieure ? Quelque 1,4 milliard de dollars, selon Albert Yuma Mulimbi, le président national de la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Lors de la cérémonie d’échange de vœux avec les membres du principal patronat du pays, en présence de plusieurs invités de marque, au siège de la FEC, il a dit regretter que la dette intérieure ait été utilisée comme « variable d’ajustement afin de ne pas trop dégrader les principaux indices macroéconomiques, tout en pesant évidemment sur les entreprises créancières de l’État ».  

En septembre 2018, Gérard Mutombo Mule Mule, le directeur de cabinet du ministre des Finances, avait démenti à travers un communiqué de presse « toute rumeur faisant état d’un paiement de la dette publique intérieure ». Rappelant que « le paiement de la dette publique, tant intérieure qu’extérieure, relève de la compétence exclusive du ministre ayant les finances dans ses attributions, avec le concours technique de la Direction générale de la dette publique (DGDP), en tant qu’organe conseil du gouvernement en matière d’endettement public ». Et le communiqué de conclure que « toute rumeur faisant état d’un paiement de la dette publique intérieure qui s’effectuerait en marge de cette procédure relève de la spéculation et n’engage nullement le ministère des Finances et le gouvernement ».

L’année dernière, les dépenses dues au paiement de la dette publique en capital se chiffraient à 153 610 094 640 FC sur des prévisions de 291 410 520 000 FC, soit un taux d’exécution de 52.7 %. Les chefs d’entreprise se plaignent que le paiement de la dette intérieure demeure non seulement hypothétique mais aussi sélectif, comme les années précédentes. Ils rappellent que de 2012 à 2016, le dossier de la dette intérieure a été rangée dans les tiroirs. Il a fallu attendre la mi-août 2016, quand la DGDP s’est engagée à y consacrer une enveloppe de 53 millions de dollars. 

Sous la supervision d’Henri Yav Muland, le ministère des Finances, une délégation de la DGDP a fait alors la ronde des provinces pour attester les créances réelles des fournisseurs locaux de l’État. Le contrôle a été fait avec le concours des ministères des Finances et du Budget, mais aussi avec celui des corporations patronales : la Fédération des entreprises du Congo (FEC), la Fédération nationale des petites entreprises du Congo (FENAPEC) et la Confédération des petites et moyennes entreprises du Congo (COPEMECO). En provinces, les entreprises créancières de l’État avaient même sollicité l’intervention du ministère de l’Intérieur et de la sécurité pour le paiement de leurs factures, avant le découpage territorial de 2015. « S’il y a quelqu’un ou une institution financière qui avait prêté de l’argent frais au gouvernement, nous allons voir comment est-ce que cela a été utilisé pour répartir la charge entre les nouvelles provinces », avait expliqué Trudon Nkima, expert de la DGDP. L’État n’a jamais refusé de payer la dette intérieure, y rappelle-t-on. En 2016, les fournisseurs locaux de l’État étaient même encouragés à renoncer à une partie en espérant d’être payés. Le gouvernement avait prévu une enveloppe de 50 milliards de nos francs, soit environ 5.3 millions de dollars. En 2015, le budget de l’État avait prévu des crédits de l’ordre de 85 milliards de francs, soit près de 90 millions de dollars. En 2014, quelque 80 milliards de francs, soit plus de 85 millions de dollars, avaient été affectés au paiement de la dette intérieure. 

Traitement de faveur

Cependant, les entreprises bénéficiaires affirment n’avoir rien reçu, alors que, dans l’entre-temps, le gouvernement honorait tous ses engagements sur la dette extérieure. Tenez : plus de 175 milliards de francs, soit près de 195 millions de dollars (2014), plus de 150 milliards de francs, soit plus de 165 millions de dollars (2015) et 147,1 milliards de francs, soit environ 160 millions de dollars (2016). Le gouvernement a aussi payé les intérêts sur la dette extérieure : 95 millions de dollars (2014), 85 millions de dollars (2015) et 90 millions de dollars (2016), contre moins de 55 millions de dollars pour les fournisseurs locaux. En 2009, le gouvernement (sous le cabinet Muzito) avait fait un dépassement de 502 % dans le paiement de la dette intérieure. À l’Assemblée nationale, les avis sont partagés.Comme le rappelle la FEC, l’encours de la dette intérieure est de plus d’un milliard de dollars, parce que les créances ordinaires sur l’État se sont accumulées au fil des ans. On se souvient encore de ce débat à l’Assemblée nationale qui s’est terminé en queue de poisson. Une majorité s’est dégagée finalement en faveur du paiement progressif des créances certifiées, car dans ce dossier, ont reconnu les députés, « il y a à boire et à manger ». Cependant, sur le plan économique, les patrons affirment que payer la dette intérieure, c’est apporter une bouffée d’oxygène à l’activité économique et à la consommation de biens et services dans le pays.