Le nouveau diagnostic de la Banque mondiale sur la RDC est là

Quelle est l’état actuel de la situation économique et financière du pays ? La BM vient de lancer son Rapport de suivi pour 2015 et une partie de 2016. Au-delà des développements économiques récents, ce document présente les principaux résultats de ses travaux analytiques en RDC et les replace dans la perspective de l’évolution de l’économie nationale à long terme. Décryptage.

Le Rapport de suivi de la situation économique et financière de la RDC par la Banque mondiale est une mine précieuse d’informations pour les décideurs politiques, les milieux d’affaires, les différents partenaires locaux et internationaux du développement, les acteurs de la société civile, ainsi que pour les milieux académiques et les praticiens de l’analyse économique et financière. Il s’agit en fait d’une revue de principaux développements économiques dans le pays. C’est un exercice auquel des experts de la Banque mondiale se livrent chaque année pour faire la photographie de la situation économique et financière actuelle du pays.

Pour cette édition, l’analyse des experts de la Banque mondiale porte sur l’année 2015 et une partie de l’année 2016. Au-delà de l’analyse des développements économiques récents, le rapport de suivi de la situation présente « les principaux résultats des travaux analytiques de la Banque mondiale en RDC et les replace dans la perspective de l’évolution de l’économie congolaise à long terme », selon ses auteurs.

La voie à suivre

À travers une variété de sujets sur l’évolution des principaux indicateurs macroéconomiques, ils recommandent des mesures nécessaires pour faire face au retournement de conjoncture.

Rien à faire, il y a nécessité pour le gouvernement de s’appliquer des règles budgétaires et d’avoir « un fonds de stabilisation et de maintien des dépenses d’investissements », notamment dans les infrastructures routières, pour promouvoir la diversification et le développement à long terme. En effet, les conclusions des experts de la Banque mondiale qui ont travaillé sur ce rapport se résument à ceci : premièrement, la baisse des prix des matières premières et celle de la demande mondiale ont commencé à avoir un impact négatif sur les équilibres macroéconomiques de la RDC. Le taux de croissance du Produit intérieur brut (PIB) réel a atteint 6,9 % en 2015, soit 3,6 points de pourcentage de moins que son niveau initialement projeté au début de l’année, et le ralentissement s’est accentué en 2016. La croissance des industries extractives s’est ralentie à 4,8 % contre 20,4 % par an en moyenne entre 2010 et 2014 alors que le prix des produits comme le cuivre qui représentait 53 % des exportations de biens entre 2010 et 2015 a baissé d’un quart.

Deuxièmement, la détérioration de la balance commerciale a induit une dégradation du compte courant et une baisse sensible des réserves en devises étrangères. La balance du compte courant a enregistré un déficit de 2,5 % du PIB en 2015, en raison du fléchissement du cours des matières premières. En outre, la facture des importations reste importante pour la RDC et dominée par l’importation de biens d’équipement et de consommation. Les investissements directs étrangers (IDE) ainsi que les dons et les prêts des partenaires au développement extérieur n’ont que partiellement compensé le déficit courant. Ce qui a conduit à une consommation importante des réserves en devises de la Banque centrale du Congo (BCC). Ces réserves ont baissé de 240 millions de dollars en 2015 et 480 millions entre fin 2015 et octobre 2016, et le taux de change officiel s’est retrouvé à 1 088 CDF/dollar à la fin d’octobre 2016.

Troisièmement, la baisse importante des prix des produits énergétiques et miniers a ralenti la mobilisation des recettes domestiques. Les recettes intérieures de l’État n’auraient nominalement augmenté que de 6 % en 2015, contre des projections initiales de 14,5 %. Et 2016 pourrait même connaître une baisse des recettes. Cette contreperformance est essentiellement due à la baisse des recettes pétrolières et minières. Les recettes issues de la TVA qui constituent le quart des recettes intérieures, n’ont pas dépassé 3,5 % du PIB en 2015, alors que son potentiel serait de l’ordre de 5 à 5,5 % du PIB. Le solde budgétaire global s’est érodé en 2015 et pourrait être en déficit de 1,4 % du PIB en 2016, financé essentiellement par une consommation des dépôts de l’État accumulés depuis 2012 auprès du secteur bancaire.

Le défi immédiat à relever

Quatrièmement, le défi immédiat pour la RDC est de réduire l’incertitude politique et d’atténuer les déséquilibres macroéconomiques. La baisse continue des revenus des industries extractives aura un impact important sur la stabilité macroéconomique et sur le budget, ainsi que sur les soldes extérieurs. La baisse des réserves de change peut conduire à une pénurie en devises étrangères rendant l’importation de produits de base difficile. Ce qui se traduirait par des hausses des prix préjudiciables pour les pauvres. En outre, la baisse des réserves conduirait à une nouvelle détérioration du taux de change, renforçant ainsi les pressions inflationnistes. Cet environnement de ralentissement de la croissance économique et d’augmentation de l’inflation est souvent propice pour les tensions sociales. En parallèle, en décembre 2016, les tensions politiques étaient vives dans le pays. La RDC devrait ainsi éviter une situation où les tensions pourraient se nourrir les unes des autres, conduisant à l’instabilité et au déclin de l’activité économique.

Cinquièmement, pour faire face au choc exogène, le gouvernement a pris un ensemble des mesures d’urgence, mais ces mesures ne paraissent pas toutes adaptées à une période de vulnérabilité macro-budgétaire. Parmi les vingt-huit mesures du gouvernement, quatre ont un impact direct sur les recettes, trois un impact indirect, six relèvent de la gestion des finances publiques avec rationalisation des dépenses, et les quinze autres mesures ont des visées sectorielles et structurelles dont les implications en termes de finances publiques peuvent aller dans un sens comme dans l’autre.

Sixièmement, le renforcement de la mobilisation des recettes sera le moyen le plus durable pour créer l’espace budgétaire et amortir l’impact des chocs exogènes. La viabilité budgétaire à long terme en RDC est difficile étant donné le faible niveau des recettes publiques, l’inefficacité dans les dépenses publiques et les besoins sociaux pressants. Pour maintenir la soutenabilité des finances publiques, l’ajustement du solde budgétaire ne sera pas suffisant. Le gouvernement devra surtout résister aux pressions pour augmenter les exonérations qui réduiraient une assiette fiscale déjà modeste et, au contraire, commencer par diminuer les exonérations et les cadeaux fiscaux. Le gouvernement pourrait aussi introduire une procédure de liquidation différée de la TVA perçue à l’importation pour les grands exploitants miniers et mettre en place un cadre de collaboration entre la Direction générale des impôts (DGI) et la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation (DGRAD) pour diligenter des contrôles fiscaux communs auprès des entreprises minières et pétrolières, etc. La finalisation des révisions du code minier est essentielle pour améliorer la gouvernance du secteur minier et augmenter sa taxation effective.

Septièmement, la RDC a fait face au retournement de tendance actuel avec peu de moyens, notamment

en raison d’absence de règle budgétaire et de fonds de stabilisation. Une règle budgétaire appropriée pour la RDC devrait aussi comprendre un objectif de revenus minimums pour accroître les recettes fiscales et un objectif de préservation de l’équilibre budgétaire avec une règle budgétaire basée sur un solde primaire structurel. La mise en place d’un fonds de stabilisation en parallèle avec une règle budgétaire permettrait une meilleure gestion budgétaire et macroéconomique. Lors des conjonctures défavorables, comme c’est le cas actuellement, ce fonds aiderait le gouvernement à maintenir le niveau des dépenses d’investissement et à respecter une « règle d’or » qui se réfère au solde budgétaire net des dépenses d’investissement.

Huitièmement, préserver l’investissement et l’entretien en temps de crises permet d’éviter la détérioration des infrastructures, notamment routières, dont l’état actuel est déjà un frein à la diversification. Le déficit d’infrastructures routières en quantité et en qualité entrave le développement des activités économiques et constitue un frein au développement du secteur privé. Les infrastructures routières permettent l’accès physique aux ressources et aux marchés et facilitent les échanges commerciaux entre les provinces du pays. Le niveau de couverture du réseau routier situe la RDC largement en dessous de la moyenne africaine, avec son Réseau routier d’intérêt général (RRIG) représentant une densité spatiale de routes de 25 km/1000 km² contre une moyenne africaine de 204 km/1000 km². La couverture par rapport à la population est de 0,9 km/1000 habitants contre une moyenne africaine de 3,4 km/1000 habitants.

Neuvièmement, le déficit d’entretien accélère la détérioration des routes et empêche de tirer profit des gains de l’expansion du réseau en état de circulation. Ce déficit d’entretien, fait que les routes passent d’un état moyen à mauvais. Ainsi, 13 000 km de routes auraient dû être entretenues en 2012, mais l’Office des routes (OR) n’en avait entretenu que 7 600 km, soit 58 % du total. Le financement de l’entretien devrait être assuré par le Fonds d’entretien routier (FONER) qui, pour le moment, concentre ses activités sur les travaux d’investissement, laissant ainsi persister un déficit d’entretien.

Tel un serpent de mer

Dixièmement, le financement des transports routiers a continué à augmenter mais il devient de plus en plus difficile de capter et de réconcilier les données. Les dépenses sur le secteur vont continuer à augmenter grâce à la croissance des financements de l’État tirés par le FONER et le budget d’investissement. Toutefois, ce niveau de financement reste en dessous du minimum, notamment pour le réseau interurbain. Les investissements de l’État entre 2008 et 2012 étaient en moyenne de 1,8 % du PIB et sont restés inférieurs de 1,2 point au minimum nécessaire pour assurer l’entretien et le développement du réseau routier, estimés à 3,0 % du PIB. En regardant de près, le déficit moyen annuel pour assurer l’entretien et le développement progressif du réseau interurbain est de 1,4 % du PIB alors que les dépenses de voiries urbaines dégagent un excédent annuel de 0,2 % du PIB. En parallèle, la traçabilité des dépenses se complique et reflète un problème général de gestion des finances publiques et de pertinence des rapports budgétaires. Onzièmement, les dysfonctionnements du processus budgétaire et de passation des marchés contribuent à l’inefficacité et l’inefficience de la dépense publique dans le secteur routier. Le dysfonctionnement au niveau du processus budgétaire conduit à la faible allocation de ressources et l’irrégularité des décaissements, et amoindrit la performance de la dépense. Même lorsque les fonds sont disponibles et alloués et l’orientation politique favorable, le taux d’exécution des programmes de développement reste faible. Cela est dû aux dysfonctionnements du système de passation des marchés publics qui se traduisent, entre autres, par une préparation insuffisante des dossiers d’appel d’offres et une passation des marchés contestable. En effet, lorsque les informations et les références des soumissionnaires ne sont pas vérifiées, cela aboutit dans certains cas à la résiliation tardive des contrats non-performants. Les déficiences du système de marché, les retards de paiement et les risques de résiliation des contrats induisent des problèmes d’efficience et contribuent à des coûts supérieurs aux moyennes de l’Afrique sub-saharienne. Ainsi, à titre d’exemple, les coûts de l’asphaltage en RDC seraient supérieurs de 44 % à ceux d’un échantillon de 11 pays de la région.