Le pétrole chute avec les tensions commerciales

Les cours de l’or noir ont lourdement chuté la semaine dernière sur le marché new-yorkais Nymex. Le Brent a lâché mercredi 11 juillet quasiment 7 %, sa plus forte baisse en une journée depuis près de deux ans et demi, avec l’aggravation des tensions entre les États-Unis et la Chine. 

Les États-Unis ont publié mardi 10 juillet dans la soirée une liste des produits chinois représentant 200 milliards de dollars d’importations américaines que Washington pourrait taxer à 10 % dans deux mois en l’absence d’accord avec Pékin. 

La Chine a prévenu qu’elle riposterait. Autre facteur ayant pesé sur la tendance, la Libye a annoncé la réouverture de quatre terminaux pétroliers dont la fermeture avait divisé de plus de moitié la production quotidienne du pays.

Ces deux éléments, conjugués au raffermissement du dollar, ont éclipsé l’annonce d’une baisse de 13 millions de barils des stocks de brut aux États-Unis la semaine d’avant, la plus forte depuis près de deux ans. Le contrat août sur le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) a perdu 3,73 dollars, soit 5,03 %, à 70,38 dollars le baril. Il s’agit de sa plus forte baisse en pourcentage depuis le 7 juin 2017. Au moment de la clôture du Nymex, le Brent chutait de 5,46 dollars (-6,92 %) à 73,40 dollars, un recul d’une ampleur sans précédent depuis le 9 février 2016. 

Le Brent a pris 96 dollars, soit 1,24 %, à 78,07 dollars. Le brut léger américain a été freiné par les dernières prévisions en date selon lesquelles l’usine Syncrude de sables pétrolifères au Canada, qui approvisionne les États-Unis, reprendrait sa production partiellement ce mois-ci, plus tôt que prévu. La mise à jour du calendrier a entraîné un sursaut de volatilité sur le marché américain, a commenté John Kilduff de chez Again Capital LLC.

Les craintes d’approvisionnement en provenance d’Iran soutiennent les cours du Brent. Les États-Unis encouragent les pays qui achètent du pétrole à l’Iran à se préparer à arrêter toutes importations de ce pays à partir de novembre avec le rétablissement des sanctions américaines contre Téhéran, ce qui obligerait les autres grands producteurs, comme l’Arabie saoudite à augmenter leurs extractions. Mais Ryad et d’autres membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) disposent de peu de capacités inutilisées et la demande de pétrole a augmenté plus vite que l’offre au cours de l’année écoulée. Parallèlement, les exportations de plusieurs pays membres du cartel, comme la Libye, baissent. « Si les Saoudiens et les autres compensent les pertes de l’Iran, il ne restera pratiquement plus aucune capacité disponible », relève Michael Wittner, analyste à la Société générale. Par ailleurs, si la production de pétrole aux États-Unis est en hausse, il est toutefois peu probable qu’elle puisse combler l’écart si les sanctions américaines parviennent à bloquer les exportations iraniennes.

Ralentissement de la demande

 En raison de la conjoncture, la demande ralentira en 2019, soit 760 000 barils/jour de moins. L’OPEP qui a augmenté sa production de 173 000 barils/jour en juin, prévoit une baisse de la demande pour son pétrole brut l’année prochaine en raison d’un ralentissement de la croissance de la consommation et d’une hausse des extractions de ses concurrents, laissant présager le retour d’une offre excédentaire malgré l’accord d’encadrement de la production.

Donnant ses premières prévisions de 2019 dans son rapport mensuel publié la semaine dernière, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole estime que la demande mondiale de brut couverte par ses 15 pays membres sera en moyenne de 32,18 millions de barils/jour l’an prochain. Cela signifie que le taux de conformité au pacte de réduction de la production a été ramené à 130 %, selon les calculs de Reuters. La production de juin est supérieure de 150 000 barils/jour à la demande moyenne attendue par l’OPEP pour son pétrole en 2019, suggérant un léger excédent sur le marché si le cartel continue d’extraire au même rythme toutes choses égales par ailleurs.

L’Arabie saoudite a extrait davantage à la demande de certains pays consommateurs, pour compenser les déficits ailleurs et pour tempérer la hausse des prix. Le baril de Brent a dépassé le seuil des 80 dollars cette année, une première depuis 2014, grâce à l’accord d’encadrement de la production inspiré par l’OPEP, aux perturbations dans les extractions du Venezuela et de la Libye et aux craintes d’une réduction des exportations iraniennes à la suite de nouvelles sanctions américaines. La demande mondiale de pétrole devrait augmenter de 1,45 million de barils/jour, soit moins que cette année, en raison du ralentissement de la croissance économique. La perspective d’une baisse de la demande de bruts extraits par l’OPEP permettrait au cartel de faire face à toute poussée inattendue de cette même demande, selon le rapport. « Si l’économie mondiale enregistre une performance meilleure que prévu, entraînant une croissance plus forte de la demande de brut, l’OPEP continuera d’avoir suffisamment de stocks pour assurer la stabilité du marché pétrolier », a-t-on indiqué dans le même rapport. L’OPEP et ses partenaires, dont la Russie, ont convenu à l’issue de leur réunion ministérielle des 22-23 juin à Vienne de respecter à 100 % l’accord entré en vigueur en janvier 2017 alors qu’ils avaient jusqu’ici réduit leur production plus fortement que ne le prévoyait ce pacte, avec un taux de conformité au-delà de 160 %.