Le scandale des frais sur les pauvres

Au total, 466 milliards de dollars ont été envoyés dans les pays à revenus faibles ou moyens en 2017, révèle la Banque mondiale. Qui prévoit un accroissement de 4, 1 % en 2018. Par région, l’Afrique sub-saharienne a connu un bond de 11,4 %, mais les frais y sont les plus coûteux.

 

Selon la Banque mondiale, les transferts d’argent, source cruciale de revenus pour les pays pauvres, ont atteint un niveau record en 2017 après deux années de baisse consécutive. Le montant des fonds envoyés dans les pays à revenus faibles ou moyens a atteint 466 milliards de dollars en 2017 contre 429 milliards en 2016, soit une augmentation de 8,5 %, a-t-elle précisé dans un communiqué. 

Les spécialistes notent que le rebond des transferts d’argent a été plus fort que prévu. Tiré par la croissance en Europe, en Russie et aux États-Unis, ce qui a permis aux migrants et à leurs familles d’envoyer davantage d’argent à destination de leur pays d’origine. 

Six pays ont bénéficié plus que les autres du transfert d’argent : l’Inde (69 milliards de dollars), la Chine (64 milliards de dollars), les Philippines (33 milliards de dollars), le Mexique (31 milliards de dollars), le Nigeria (22 milliards de dollars) et l’Egypte (20 milliards de dollars). Par région, l’Europe et l’Asie centrale ont vu les transferts augmenter le plus avec un bond de 21 % et l’Afrique sub-saharienne de 11,4 %.

Commissions trop élevées

Les transferts d’argent vers les pays pauvres devraient encore s’accroître en 2018 de 4,1% pour atteindre 485 milliards de dollars. Au total, les transferts vers l’étranger incluant ceux à destination des pays riches devraient s’élever à 642 milliards en 2018 (+4,6 %) contre 613 milliards en 2017 (+7 %), ajoute la Banque mondiale. Mais le point crucial soulevé par l’étude de la Banque mondiale, c’est celui des frais de commissions qu’elle juge encore beaucoup trop élevés. 

Qu’on en juge : envoyer 200 dollars vers son pays d’origine coûtait 7,1 % en moyenne au premier trimestre 2018, un tarif bien supérieur à ce qui est jugé optimal, a-t-elle déploré. Et l’Afrique sub-saharienne demeure la région où envoyer son argent demeure le plus coûteux avec un coût moyen de 9,4 %. « Alors que les transferts d’argent augmentent, les pays, les institutions et les agences de développement doivent continuer à réduire ces coûts élevés pour permettre aux familles de recevoir plus d’argent », a réagi Dilip Ratha, qui a dirigé l’étude.

Selon la Banque mondiale, les principaux obstacles à la baisse des coûts des transferts sont notamment « les mesures de réduction des risques prises par les banques et les partenariats exclusifs conclus entre les systèmes postaux nationaux et les opérateurs de transfert d’argent ». L’étude milite pour « la suppression des contrats d’exclusivité en vue d’assainir davantage la concurrence sur le marché ». Elle relève que ces facteurs « limitent l’introduction de technologies plus efficaces » – comme les applications en ligne et sur smartphone ainsi que « l’utilisation de la cryptomonnaie et de chaînes de blocs » (la Blockchain) – dans les services de transfert.

Faibles pour l’investissement

Au Sénégal, des migrants envoient d’importants flux d’argent. Mais, seule une petite partie est orientée vers l’investissement. Ce que révèle une étude du projet FMM/GLO/115/MUL intitulée « Favoriser les investissements productifs afin de créer des emplois agricoles et non agricoles décents pour les jeunes ruraux dans les zones du Sénégal enclines à la migration ». Les envois de fonds des migrants sont plus importants que l’aide publique au développement (APD). Pour autant, ils concourent faiblement à la création de projets structurants à forte valeur ajoutée pour, dans le long terme, rendre autonome les bénéficiaires et in fine participer au développement du pays. 

Cet état de fait est le fruit d’une étude de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui a livré, le 26 avril, à Dakar les résultats de l’enquête quantitative montrant que les transferts monétaires de fonds à des fins d’investissements productifs restent faibles. L’étude vise l’amélioration de la base de données probantes afin d’exploiter le potentiel de la migration pour le développement rural; la promotion du dialogue politique pour encourager les investissements productifs dans les zones rurales et le renforcement des capacités des dispositifs techniques.