Le secteur des médicaments reste le plus touché

Selon une récente enquête nationale de l’Association Alternatives africaines, plus de 80% des mar¬chandises piratées et contrefaites passent par la contrebande et sont d’origine chinoise. En RDC, ce fléau touche principalement les produits pharmaceutiques, les cigarettes, les vêtements, les appareils, les supports médiatiques.

Cela a l’air du déjà entendu. Les résultats de l’enquête nationale sur la contrefaçon que vient de réaliser l’Association Alternatives africaines, et dont la publication est prévue en octobre, vont sans doute relancer le débat sur ce phénomène qui étend ses tentacules comme les têtes d’une hydre à chaque fois qu’on les coupe. Une endémie ? L’enquête des chercheurs d’Alternatives africaines vient confirmer ce que la plupart des ONG dénoncent. Selon des chiffres qui sont avancés, ici et là, plus de 80% des mar¬chandises piratées et contrefaites passent par la contrebande et sont d’origine chinoise. Chaque jour qui passe, les fonctionnai¬res des douanes interceptent des milliers d’articles. La plupart sont des médicaments, des cigarettes, des vêtements, des appareils, ainsi que des produits susceptibles de nuire gravement à la santé des consommateurs. Une répression inefficace Dans le textile, par exemple, la Société textile de Kisangani (SOTEXKI) est mal en point, depuis des années, face à la concurrence chinoise dans la guerre du pagnes. Le marché du pagne est quasiment devenu un monopole du made in China. Des commissionnaires et des commerçantes véreux vont imprimer des designs imaginés par des Congolais, attirés par les bas prix d’impression proposés par des usines textiles chinoise à Guangzhou, la Mecque de la contrefaçon et de la piraterie. Les motifs sont copiés par des Chinois qui en font des pagnes et se précipitent à Kinshasa pour inonder le marché. Les femmes d’affaires membres de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) se sont maintes fois plaintes de cette concurrence déloyale. En vain. Manque de soutient de l’État Le secteur du textile n’est pas la seule industrie du pays à souffrir de la contrefaçon, de la contrebande et de la concurrence déloyale. Il y a aussi le tabac, la pneumatique, les produit pharmaceutiques… Des produits contrefaits passent par la contrebande et sont écoulés sur le marché en toute impunité, alors qu’ils sont rejetés dans les pays frontaliers. Comme pour l’industrie textile, les opérateurs du secteur regrettent qu’ils ne soient pas soutenus par l’État dans leur démarche. «La contrebande diminue les revenus de l’État, qui a le devoir de protéger les entreprises formelles en sanctionnant ceux qui introduisent des produits de contrebande et qui ne contribuent nullement au développement du pays», laissent entendre d’anciens cadres de la British American Tobacco (BAT) revendue à un industriel congolais. Depuis plus d’une décennie, le profil du secteur du tabac en RDC s’est considérablement atrophié du fait de la concurrence déloyale de l’informel qui ne s’acquitte pas des droits réglementaires. La montée excessive du secteur informel de la cigarette influence fortement l’ossature du marché. Les prix considérablement bas pratiqués par un grand nombre d’opérateurs irréguliers a entraîné une prolifération de produits bas de gamme. La BAT n’a pas su s’adapter S’adapter aux réalités du marché a été une nécessité pour la BAT, qui a concentré ses efforts sur le développement des marques. Ces dernières, à leur tour, devaient se positionner dans le même segment et se vendre à prix bas. Cependant, cette option a eu un impact considérable sur la profitabilité de la société. Dans cette perspective, se maintenir et maintenir l’équilibre financier, a conduit la BAT, en juin 2003, à procéder à une première restructuration de fond de ses activités en RDC, notamment par la fermeture de son usine du Katanga. Fleuron de l’industrie katangaise, l’usine de BAT à Lubumbashi était une unité ultramoderne qui a nécessité un investissement de 40 millions de dollars. Plus de 5 000 planteurs travaillaient avec cette entreprise. La piraterie n’est pas en reste Par ailleurs, la piraterie bat son plein partout dans le pays, surtout à Kinshasa. Les CD, DVD et K7 piratés se négocient entre 1 et 3 dollars. Les œuvres piratées des artistes congolais se vendent mieux par rapport aux circuits classiques. D’où l’inquiétude des disquaires qui se plaignent du fait que les mélomanes préfèrent plus acheter les œuvres piratées. Ils redoutent que la vente des albums des artistes ne leur soit pas profitable à cause de l’importante quantité d’œuvres piratées qui sont déversées sur le marché en provenance de la Chine et de l’Afrique de l’Est. D’après un disquaire à la Place de la Victoire, à Kasa-Vubu, le public préfère les œuvres piratées à cause de son faible pouvoir d’achat. « Le prix d’achat d’un CD n’est pas à la portée de tout Congolais. Le circuit de la piraterie occasionne un manque à gagner, non seulement pour les artistes, mais aussi pour les disquaires». Les capacités d’innovation de la Chine en question On se souvient, par exemple, que le géant américain du jouet, Fisher-Price, avait fait le rappel de 967 000 articles made in China soupçonnés de conte-nir des produits toxiques. Le phénomène de la contrefaçon a pris une telle ampleur que certains s’interrogent sur les capacités d’innovation de la Chine. Sur le papier, relate un chercheur en sciences fondamentales, la Chine investit des sommes importantes dans la recherche et le dé¬veloppement. «Sur le terrain, toutefois, les universités produisent davantage de têtes bien pleines que de têtes bien faites. La fraude et le plagiat, sans ou¬blier la corruption, sont des gangrè¬nes solidement installées. Les meil¬leurs étudiants partent au-delà des frontières, dans les facultés américaines, en particulier. Ils font l’apprentissage d’une certaine éthique. À leur retour, cependant, les vieilles habitudes reprennent souvent le dessus», commente-t-il. Dans son livre destiné aux investis¬seurs étrangers, Kham Vorapheth, di-recteur d’un cabinet de conseil, indi¬que les précautions à prendre afin d’éviter le pillage des données: «Disperser les pièces à fabriquer (…). Attention à ne pas trop stocker ou donner trop d’informations sensibles sur les réseaux internes de l’entreprise. Les bureaux sont régulièrement visités la nuit par la Sécurité publique (police) grâce aux équipes de surveil¬lance des immeubles qui leur en fa¬cilitent l’accès». Dénégations chinoises Les Chinois se défendent d’exporter en Afrique, en général, des produits contrefaits. Il y a peu, le ministère chinois des Affaires étrangères a réfuté les accusations selon lesquelles des médicaments contrefaits fabriqués en Chine sont exportés vers l’Afrique et constituent une menace à la santé publique. Ces accusations sont infondées, a déclaré la porte-parole du ministère, Hua Chunying, en notant que la coopération entre le gouvernement chinois et les pays d’Afrique joue un rôle important pour améliorer l’environnement sanitaire des peuples africains. « La Chine a aidé l’Afrique à construire des hôpitaux et des centres de prévention et de soins contre le paludisme. Le pays a également envoyé des équipes médicales en Afrique, offert des médicaments et des équipements médicaux au continent et organisé des échanges et des formations de personnels de santé », a indiqué Hua Chumjing. La porte-parole a souligné que la Chine a toujours accordé une grande importance à la sécurité des médicaments et lutte avec détermination contre la production et la vente de médicaments contrefaits. La gestion des médicaments chinois destinés à l’exportation est conforme aux normes et principes internationaux ». Elle a appelé les commerçants étrangers à se procurer les médicaments auprès d’entreprises certifiées et par voie légale. Selon elle, la Chine est prête à renforcer la coopération avec l’Afrique en matière de médecine et de santé afin de bénéficier aux peuples africains.