Le tour du pays

epuis 2015, la RDC est passée de 11 à 26 provinces. La réforme administrative suscite encore des questions. Les uns estiment que le processus a été précipité faute d’analyse chiffrée au préalable tandis que les autres pensent que cela va accélérer le développement.

La République démocratique du Congo s’est engagée dans un processus de réforme administrative ou de découpage territorial. Selon la constitution du 18 février 2006, cette réforme devait être effective en 2009. Mais cela n’a pas pu se faire dans ce timing compte tenu de certains aléas. En 2015, le découpage territorial a pris une tournure que d’aucuns ont jugé « précipitée ». D’autant plus que le coût financier de la réforme n’avait pas été chiffré. Encore que cette réforme continue de susciter plusieurs questions en ce qui concerne sa mise en œuvre, notamment au regard de la façon et du rythme dont elle devait être conduite.

Le gouvernement soutient que la réforme administrative engagée est une « opportunité pour le développement de la RDC », compte tenu de l’immensité de son territoire (2 345 000 km²). Le débat se corse. Dans tous les cas, la RDC reste un pays-continent riche de talents et de ressources. L’exploitation de ses nombreuses ressources naturelles dans les vingt-six provinces est l’enjeu majeur étant donné que la plupart des nouvelles provinces manquent de tout : infrastructures de base, structures économiques viables,  voies de communications (routes, chemins de fer, aéroports, ports, etc.)… Ce sont là autant de défis qui sont en fait une opportunité de pouvoir agir efficacement afin de développer notre pays.

Pour donner plus de moyens de leur politique aux provinces, la constitution a prévu un mécanisme de financement, à savoir la retenue à la source en faveur de ces entités de 40 % des recettes à caractère national. Mais l’application stricto sensu de cette disposition constitutionnelle pose problème.

Deux ans après le découpage intégral, toutes les provinces sont confrontées aux mêmes problèmes relatifs aux objectifs de la reconstruction du pays selon la vision du président de la République, Joseph Kabila Kabange.

Le programme gouvernemental se résume à la réduction de la pauvreté par la relance de l’agriculture, l’amélioration des moyens des transports, la réhabilitation des routes de desserte agricole, la construction de grandes infrastructures, la réhabilitation de grandes unités de production agro-pastorales laissées à l’abandon… La plupart des études réalisées sur les données économiques des vingt-six provinces montrent que toutes ont presque les mêmes atouts et font face aux mêmes faiblesses.

Province de l’Équateur

L’Équateur est particulièrement marqué par « l’Affaire du caoutchouc » qui défraya la chronique à la fin du XIXè siècle et mit en cause la politique coloniale du roi Léopold II. Pour financer le développement de l’État indépendant du Congo (EIC), ce dernier se lança dans une exploitation du caoutchouc, sollicité par l’industrie de l’automobile. En 1892, deux sociétés se partageaient les concessions, la Société anversoise du commerce du Congo et l’anglo-belgian India Rubber Company.

Actuellement, la production des cultures commerciales (hévéa, palmier à huile, café et cacao) demeure faible par manque d’unités modernes de transformation, conservation, stockage et évacuation à cause de l’impraticabilité des routes de desserte agricole… L’élevage (bovin, ovin, porcin) et la pêche (plus de 800 espèces de poisson identifiées et deuxième activité économique dans la province) sont encore rudimentaires.

Quant à l’industrie, dans l’agro-alimentaire, les plantations de palmier à  huile appartenant à la Compagnie du Kasaï et de l’Équateur (CKE) sont à l’abandon. Seules, la Compagnie de commerce et de plantations (Groupe Blattner DRC) et la Société de production de l’huile au Congo (PHC) sont encore en activité (huile de palme). De ce fait, même si l’agroforesterie est devenue la principale activité industrielle dans l’Équateur, on observe qu’elle n’est pas pour autant développée. On y trouve plusieurs scieries dont la principale appartient à Scibois, une entreprise chinoise. Il y a aussi Ekanga Mirage Ntoti, Établissement Botalima qui exerce aussi dans les filières cacao, transport (fluvial et routier)… La seule brasserie de la province, la Bralima, a mis la clé sous le paillasson depuis 2015.

Par ailleurs, l’Équateur regorge de ressources minières. Des indices de gisements de cuivre, zinc, monolithe de fer ont été approuvés. Mais aucune industrie extractive n’existe, si ce n’est que l’exploitation artisanale de l’or et du diamant. La Cuvette centrale est un important site pétrolier et gazier (9 000 m de sédiment et une superficie de 800 000 km² dont 70 % sont situés dans l’Équateur). De quoi attirer les investissements pour une production pétrolière. Avec son parc national de la Salonga, créé en 1970 et classé « patrimoine mondial » de l’UNESCO depuis 1980, la plus grande réserve naturelle des forêts tropicales de la planète ; avec sa réserve naturelle, le Triangle de la Ngiri (100 000 ha) aux confluents de la rivière Ubangui et le fleuve Congo ; la province a des atouts pour la promotion de l’industrie touristique. NOCAFEX est en train de développer une offre touristique de croisière de luxe sur le fleuve Congo. Mais il n’y a pas d’infrastructures hôtelières répondant aux normes pour héberger les visiteurs et les touristes qui cherchent à venir visiter les différents sites touristiques.

Sur le plan énergétique, il y a plusieurs possibilités de production hydroélectrique et d’énergies renouvelables (biomasse du fait de la forêt équatoriale).

Province d’Ituri

Dans cette province, les principales cultures commerciales sont le coton, le café, le cacao, le tabac, le palmier à huile, le quinquina, le citrodora… L’élevage de bovin (380 366 têtes en 2015), ovin (180 037 têtes en 2015), caprin (503 334 têtes en 2015), porcin (138 396 têtes en 2015) et volaille, ainsi que la pêche sont des activités économiques importantes. Mais la production est encore artisanale. La province est aussi riche en ressources minières (or, coltan, diamant, fer, cassitérite, bismuth, wolframite, grenadine rouge, tourmaline rouge et noire, uranium, amestite, calcaire…) et en pétrole (gisement dans le Graben-Albertine).

Dans l’agro-alimentaire,  l’industrie agro-alimentaire de Rethy et l’usine de traitement de café de Kpandroma, les Savonneries de Bunia et l’Abattoir industriel de Bunia sont actuellement les seules activités industrielles. L’industrie extractive est développée grâce à la Société minière de Kilo-Moto (SOKIMO), Mungwalu Gold Mining (MGM), Mwana Africa, Kilo Gold Mining (KGM). Les potentialités en vue de la production hydroélectrique sont avérées avec la présence de plusieurs chutes (Nzoro, Aru, Mi, Atiwa, Koda, Pimbo…) et rapides (Tsé, Budana, Bogoro, Soleniama, Epulu…). Actuellement, les barrages de Nzoro I et II gérées par Kibali Gold Mines (KGM), et Budana gérée par la SOKIMO, fournissent l’électricité dont l’industrie peut avoir besoin. L’exploitation du pétrole est assurée par DRC Oil, qui est encore au stade d’exploration.

Les opportunités d’affaires dans l’agrobusiness, l’électricité et l’eau, le tourisme, la cimenterie, la chimie, le bois font de l’Ituri une province à vocation industrielle. Jusque-là, les principales activités des PME portent sur l’import et l’export, l’exportation du café et des matières précieuses (or et diamant).

La majorité des PME sont dans le commerce général. Les PMI sont orientées vers la transformation des produits agricoles (huile de palme), de la pêche ou de l’élevage. L’Ituri a plus de 500 000 têtes de bovins sans compter les caprins, les ovins, les porcins et la volaille. Le bois est exploité pour être exportée en Ouganda sous forme de planches, chevrons, poutres, etc.

Province du Kongo-Central

Les cultures commerciales (palmiers à huile, cacao, hévéa, canne à sucre, café robusta), l’élevage (bovin, caprin et porcin) et la pêche (maritime) occupent une place prépondérante dans l’économie de la province. Dans l’agro-industrie,  la Société d’industries et des cultures agronomiques au Mayombe (SCAM) créée dans les années 1910-1920, aujourd’hui propriété du groupe E. Blattner, est la seule grande entreprise encore en activité dans le territoire de Tshela.

Elle exploite les plantations d’hévéa pour la production du latex transformé en granulat (caoutchouc brut) dans son usine, puis conditionné pour l’exportation. La Sucrière de Kwilu-Ngongo produit du sucre. Les boucheries et charcuteries Jules van Lancker (JVL) ne sont plus qu’un souvenir lointain pour beaucoup de Kinois.

Les plantations de palmier à huile et de café qui étaient, jadis, la principale activité industrielle dans la province, sont à l’abandon depuis plusieurs années, entraînant ainsi la perte d’emplois. La Bralima a fermé son usine de Boma depuis 2015 pour cause de fiscalité écrasante. La forêt de Mayumbe fait l’objet d’une exploitation (industrielle et artisanale) incontrôlée depuis plusieurs décennies. Cependant, il y a un regain d’activité dans le secteur du ciment. Les Cimenteries de Lukala (CILU, privée) et nationale (CINAT, partenariat public-privé) traversent une zone des turbulences, pendant que deux autres cimenteries viennent d’être installées. Il s’agit de la Cimenterie Kongo (CIMKO) et PPC Barnett.

Le Kongo-Central  recèle également des ressources minières (fer, mercure, calcaire, manganèse, or, diamant, phosphate, bauxite, pétrole…). Seule la production pétrolière est faite à Muanda par PERENCO, SOCIR…

Les barrages hydroélectriques d’Inga et Zongo, les ports de Boma et Matadi, le chemin de fer Kinshasa-Matadi, la route nationale n°1 sont des atouts indispensables pour le développement industriel de la province.

Avec une économie fondée essentiellement sur la production agricole, la province offre plusieurs possibilités d’investissement dans l’agrobusiness. Les cultures maraîchères et vivrières (légumes, manioc, haricots, banane, arachide…), la production des fruits (mangues, avocats, oranges, mangoustans, ananas…) la prédisposent à l’installation des unités de production des jus. On peut également développer des industries autour de grandes plantations de palmiers à huile, cacao, hévéa, canne à sucre, café ainsi que des plantes médicinales. L’élevage et la pêche maritime sont deux secteurs qui peuvent à eux seuls booster l’économie provinciale.

D’autres potentialités, notamment minières font du Kongo-Central une des provinces les plus attrayantes du pays pour le développement industriel. Il s’agit notamment de calcaire, du fer et du manganèse. D’importants gisements pétroliers sont localisés dans la région du littoral et dans le Mayombe. Comme pour l’ensemble du pays, les possibilités de tourisme sont nombreuses. Dans cette province, elles sont plutôt mieux organisées et balisées qu’ailleurs. En matière d’industrie extractive, le Kongo-Central possède des minerais non encore exploités, par exemple, l’or, le diamant, le phosphate, la bauxite, le pétrole…

Province de la Mongala

Dans cette province, les principales cultures commerciales sont l’huile de palme, le cacao et le caoutchouc. L’élevage est celui du gros et du petit bétail (bovin, ovin, caprin, lapin), ainsi que la volaille. La pêche est encore artisanale.

L’industrie est dominée par l’agro-alimentaire. Quelques entreprises sont encore actives dans la province : la Société culturelle de Bosondjo (huile de palme, cacao, caoutchouc), la Société PHC Yalingimba Milona (plantations de palmier et transformation agro-industrielle), Nocafex (caoutchouc, huile de palme et cacao), CELCO appartenant au groupe Blattner (cacao), la Société de culture au Congo ou SCC-Binga (huile raffinée). Mais aussi des micros-usines de traitement de riz à Bumba.

L’exploitation forestière est active via les sociétés SAFO, SICOBOIS et SOFORMA. Tandis que le Centre d’adaptation de l’agriculture industrielle (CDAI) s’occupe de la production et du traitement du caoutchouc. La centrale hydroélectrique de Mobayi-Mbongo à Gbadolite est un atout de taille pour développer l’activité industrielle dans cette province. De même les ports fluviaux à Bumba et Lisala pour faciliter l’évacuation des produits vers les autres provinces et Kinshasa. Il y a aussi les aérodromes de Lisala et Bumba, le chemin de fer reliant la province de la Mongala avec celle du Bas-Uele (200 km) dans un état de délabrement total.

Province du Nord-Ubangi

Dès son accession au pouvoir, Mobutu obtient le consentement des collectivités locales pour l’exploitation des terres afin de développer un centre économique pilote à Gbadolite. Il y construisit son palais gigantesque, le « Petit Versailles » et un aéroport international, avec des dépendances, dont la résidence de retraite de Kawele. Les deux palais sont en ruines à la suite de la guerre de l’AFDL qui a chassé Mobutu du pouvoir le 17 mai 1997.

En 1967, le missionnaire Arthur du Verney débarqua à Gbadolite pour y implanter une église, une école, un centre de santé et un centre pilote pour le développement rural, avec le concours de Yamafula, un ingénieur agronome congolais. Avec le soutien de Mobutu, ce centre pilote deviendra le Centre de développement agricole et industriel (CDAI). Autour de cette activité économique, la contrée se développe rapidement avec la construction d’un barrage hydroélectrique à Mobayi Mbongo.

Les cultures commerciales qui y sont exploitées sont le palmier à huile, le café, l’hévéa, le cacao, la mangue, l’avocat, la papaye, l’arachide… Il existe plusieurs plantations d’hévéa mais seulement deux grandes plantations sont en exploitation : celles de l’INERA à Bongabo (Karawa) et les plantations Kondo à Businga. L’élevage et la pêche sont encore à l’exploitation artisanale.

Mobutu voulait faire de Gbadolite un ilot de modernité en pleine forêt grâce à l’installation des infrastructures nécessaires pour son développement. Dans les années 1980, la région comptait déjà de nombreuses exploitations agricoles dont le CDAI, qui employait près de 4 000 personnes ; des fermes industrielles, des coopératives de producteurs et plusieurs sociétés privées. Parallèlement, plusieurs industries s’y installèrent, telles Coca-Cola, des entreprises forestières, immobilières, des sociétés de transformation des produits agricoles, etc.

Actuellement, la société Kondo exerce dans la production de l’hévéa à Businga. Plusieurs PME/PMI se lancent dans la savonnerie grâce à la production de l’huile de palme. Dans le cacao, il y a Cacaoco-Bulu, Kangayani, Plantation Djiba, Burex-Bolingo, Burex-Ngwenze, petit séminaire de Yakamba, Plantation Mina, les paroisses Gwaka, Mbaya et Ndage… Il y aussi d’autres sociétés aux activités économiques diverses : société Miluna, SIAC (Société industrielle et agricole au Congo), SCC (Société de culture au Congo), Bokongo, Balabala, Wozo, Bakenza… L’hévéa est produit et transformé en caoutchouc dans les usines de Binga, Cacao du Congo (CACAOCO), Kante Bulu. Le caféier est produit à Miluna et transformé à NOCAFEX. Créée en 1984, la société Gosuma (société d’État en liquidation depuis 1992) était une grande entreprise agricole, exploitant le palmier à huile, avec une palmeraie de 10 000 ha. Elle avait une capacité de 3 000 tonnes d’huile de palme de première qualité par heure.

La Compagnie de l’Ubangi et de l’Uele (COMUELE) est une société privée spécialisée dans l’exploitation du palmier à huile et le cacao, avec une plantation de 4 760 ha. Mais actuellement elle n’exploite que le palmier à huile, avec une production de 3 000 à 5 000 régimes de noix de palme par mois contre 54 000 régimes par le passé. La SIAC Boto (Société industrielle agricole au Congo), société privée, exploite l’hévéa sur 1 100 ha, dont seulement 800 sont cultivés. L’effectif de son personnel est de 168 personnes, avec une production mensuelle évaluée à 65 tonnes…

La Société industrielle de commerce et de transport (SICOTRA), ayant appartenu à l’ancien conseiller en matière de sécurité de Mobutu, Seti Yale,  opère également dans l’exploitation du bois. Le Nord-Ubangi manque d’industries, alors qu’il y avait Coton Congo, Tabacongo, Capsa Bolo, Caelombo, Senasem. Elles ont fermé les unes après les autres à partir de 1990. Les grandes plantations de palmerais, riz, café, hévéa et cacao à l’abandon cherchent repreneurs. La pêche est aussi une activité qui demande à être industrialisée. Tout comme l’élevage du gros bétail.

Les activités qui se développeraient en cas de disponibilité de l’énergie, ce sont les minoteries, les poissonneries, avec l’installation des chambres froides, l’artisanat. La mécanisation agricole développerait l’agrobusiness… Quelques industries fonctionnent au ralenti, parmi elles CUM-BOTO, EFORAGRI, PALMECO, COMUELE, Équatoriale Makengo, Soloka, Motuba, Nyassoko…

Dossier à suivre.