Le transfert d’argent par téléphone mobile gagne du terrain en RDC

Le mobile money compterait déjà plus de 22 millions d’utilisateurs en quatre ans dans un pays d’environ 70 millions d’habitants. Un marché porteur pour les sociétés de téléphonie mobile opérant dans le pays.

Angèle Mulanga, 22 ans, est étudiante. Un après-midi de juin, elle se rend à un cash point de M-Pesa dans le shop Vodacom à Super Lemba dans la commune qui porte le même nom pour un retrait de 100 dollars. L’argent été transféré sur son téléphone portable par ses parents résidant à Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï oriental. Dans le shop Vodacom, où il y a déjà du monde, elle doit attendre son tour. Angèle Mulanga montre à un agent sa carte d’électeur et son téléphone cellulaire qui affiche un numéro d’identification personnel ou son compte M-Pesa. L’agent de Vodacom se sert de ce numéro pour vérifier qu’un client a viré le paiement sur le compte de téléphonie mobile de Mlle Mulanga. Ainsi, elle peut retirer la somme d’argent en liquide. Cette étudiante n’a pas de compte en banque, comme la plupart des Congolais.

Louis Ekofo, 56 ans, est, lui, cadre dans une entreprise de construction. Abonné au réseau Airtel, il déclare payer désormais ses factures, transférer de l’argent à des tiers ou encore acheter dans des boutiques ou magasins à travers son téléphone portable, sans avoir besoin de son compte bancaire. « Les opérations de transfert et de paiement se font en quelques minutes sans contact et sans déplacement », souligne-t-il. Interrogé, Justin Ntela, 35 ans, gérant d’un cash point dans la commune de Masina, explique : « Les opérations de transfert sont en hausse. La moyenne par jour est actuellement à 50 transferts. Mais, en décembre dernier, les fêtes de fin d’année obligent, j’ai effectué jusqu’à 100 transferts »…

Béatrice Lopakato, 52 ans et mère de 7 enfants, est une femme commerçante résidant à Binza Télécoms. Elle est utilisatrice du Tigo Cash et en vante les avantages. Pour passer la commande de ses marchandises à Goma et à Beni, Lopakato n’a plus besoin de se déplacer chaque semaine. Elle se contente désormais de faire le transfert d’argent. « Auparavant, je le faisais à travers une messagerie financière dont les frais de transaction étaient très élevés (10 %). Avec le mobile money, je peux envoyer de l’argent partout où je me trouve et à moindre coût », déclare-t-elle. André Kolumba, 38 ans, est un jeune ingénieur. « Grâce à Airtel Money, j’envoie de l’argent à ma famille au village sans que je paie des frais importants comme dans une agence, soit 5% par transfert », explique-t-il…

Chaque jour qui passe, des Congolais utilisent de plus en plus le téléphone mobile pour accéder à des services financiers à l’instar de Louis Ekofo, André Kolumba, Béatrice Lopakato, Justin Ntela et Angèle Mulanga. Le marché congolais de mobile money est, le moins que l’on puisse dire, très concurrentiel. Et tant mieux pour les utilisateurs car les tarifs ont tendance à baisser. En République démocratique du Congo, quatre des cinq opérateurs: Airtel Money, Vodacom M-Pesa, Tigo Cash et Orange Money offrent des services d’argent mobile. Selon des sources recoupées, il y aurait actuellement environ 22 millions d’utilisateurs. Moins de 20 % des comptes seraient actifs. Cependant, l’argent mobile pourrait être accessible à environ 10 à 15 millions d’utilisateurs ou un tiers de la population urbaine.

Le transfert d’argent par téléphonie mobile gagne la confiance des Congolais. Il suffit de se rendre dans les cash points pour s’en convaincre. La Banque centrale du Congo (BCC) se félicite de l’engouement de la population du fait de la flexibilité du mobile money dans le pays où la bancarisation est encore marginale. Beaucoup reste encore à faire pour que le service soit accessible à toute la population. Par exemple, la réglementation sur les transactions.

Mode d’emploi

Le client abonné dispose d’un e-compte dans sa carte SIM. Ce compte lui permet d’approvisionner son téléphone en argent et en crédit de communication, faire des achats, payer des factures, envoyer et recevoir de l’argent, effectuer des transactions bancaires… Il n’a même pas besoin de savoir lire, simplement utiliser un téléphone portable. Chaque opérateur applique ses tarifs qu’il s’agisse des envois ou des retraits. Par exemple, pour un retrait de 5 000 FC, les frais de transaction s’élèvent à 250 FC chez Airtel, 400 chez Vodacom et 600 chez Tigo. Par contre, pour un envoi, Airtel ne fait payer aucun frais pour tout montant inférieur à 50 000 FC mais retire 300 FC sur toute transaction supérieur à ce montant. Vodacom perçoit 100 FC pour tout transfert de 1 000 à 10 000 FC, 150 pour une somme inférieur à 20 000 FC et 200 pour un montant inférieur à 50 000 FC, comme frais de transaction. Les agents revendeurs M-Pesa touchent une commission sur chaque opération de dépôt ou de retrait, et un jeton cash (pour le transfert vers un autre opérateur) qui varie entre 75 et 930 FC pour un dépôt et entre 140  et 1 850 FC pour un retrait. Cette commission est virée automatiquement après la transaction sur le téléphone de l’agent, tandis qu’elle est payée à la fin du mois chez Airtel.

Le secret de mobile money réside dans le maillage d’agents sur l’ensemble du pays pour être au plus proche de la population. Ces intermédiaires sont propriétaires d’une petite épicerie de proximité, revendeurs de téléphones mobiles, employés dans un cyber café… Les transferts d’argent via le téléphone mobile sont autorisés jusqu’à 100 000 FC ou 100 dollars par téléphone par jour. Le compte Premium de Vodacom donne la possibilité d’avoir au maximum  3 millions de FC ou 3 000 dollars dans son compte. Mais le plafond journalier est fixé à 500 000 FC ou 500 dollars. La connaissance insuffisante du produit constitue le plus grand défi du mobile money. Les clients comprennent encore mal les conditions qui peuvent s’y rattacher.