L’embauche selon que vous êtes de tel ou tel autre parti politique

 Il s’observe un timide mouvement de recrutement des jeunes dans les sociétés d’État. Mais tout se passerait par un parrainage politique, de préférence proche de la Majorité au pouvoir. 

En dépit de leur situation financière précaire, des entreprises du portefeuille de l’État, dont la Société nationale d’assurances (SONAS Sa) et la Société commerciale des transports et des ports (SCTP Sa), ont procédé à des embauches ces derniers jours, conformément, apprend-on, à une recommandation du chef de l’État. Il est, en effet, rappelé que, dans son discours sur l’état de la nation, le 5 avril, Joseph Kabila Kabange avait, non seulement, déploré que « notre pays ne saurait plus indéfiniment être ce grand marché offrant l’opportunité d’affaires et d’emplois aux peuples des pays tiers, au détriment de  sa propre population et de son économie », mais aussi révélé que « les entreprises du portefeuille de l’État ont été instruites de privilégier, dans le cadre de leur plan de redressement, la résorption du chômage des jeunes ».

Précieux sésame 

Mais des sources rapportent qu’il s’agit plutôt des recommandations émanant des partis politiques de la Majorité présidentielle (MP). Le démenti est formel, notamment au Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti présidentiel et première force politique de la MP, et à l’Alliance des forces démocratiques du Congo (AFDC), le parti de Modeste Bahati Lukwebo, le ministre d’État en charge du Plan et deuxième force dans le regroupement.  Pourtant, ils sont de plus en plus nombreux ces jeunes diplômés à chercher le précieux sésame dans des QG des partis politiques: la carte de membre.

Sur le boulevard Sendwe, par exemple, à quelques encablures du célèbre pont Cabu, au siège fédéral du PPRD, c’est le plein de jeunes au quotidien. « Cette carte vaut plus que le passeport biométrique! », confie, sous le couvert de l’anonymat, cet ingénieur frais émoulu de l’Institut supérieur des techniques appliquées (ISTA).

« Ça ouvre des portes… », poursuit-il sans plus s’épancher. « Ce n’est pas un secret. Le parrainage d’un parti politique est un atout nec plus ultra  pour  avoir un job… », confirme Carine,  fonctionnaire dans un ministère de la place.

Contribution nulle

« Même dans l’administration publique, l’on observe des promotions en grade qui ne sont fondées que sur l’appartenance ethnique et/ou politique… Être membre du parti du ministre vaut plus qu’un diplôme de doctorat », renchérit-il. Au-delà de toutes les allégations, il est une évidence : le clientélisme, le despotisme, le favoritisme sont, en pratique, devenus la norme et priment (sur) la méritocratie dans la société congolaise. L’opinion se souviendra que ces vices suscités ont déterminé le choix du secrétaire exécutif du Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP), considéré à ce jour comme la racine du mal qui ronge les entreprises publiques dites transformées.

La dernière mise en place dans les société d’État, notamment à la Société nationale d’électricité (SNEL), laisse à penser à une distribution des « postes juteux » à des politiques alors que l’urgence de leur gestion par des managers avérés s’impose de manière récurrente. Et l’incidence de tels choix sur la compétitivité et la rentabilité des entreprises du portefeuille de l’État est manifeste.

Tenez, la contribution au Trésor public de la vingtaine d’entreprises publiques transformées en établissements publics est nulle. Et pourtant, l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM), par exemple, se targue d’une bonne santé financière avec des biens immobiliers qui titillent les 100 millions de dollars, rien que dans la capitale, Kinshasa.

Autres établissements dont les recettes de participations ne sont guère visibles dans le budget 2017, l’Office national du tourisme (ONT), l’Institut national de sécurité sociale (INSS), l’Office des routes (OR), Office des petites et moyennes entreprises (OPEC), le Centre d’évaluation, d’expertise et de certification des matières précieuses et semi-précieuses (CEEC), le Fonds de promotion de l’industrie (FPI), etc.

Il convient également de mettre en exergue le cas de la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN). Lors de la dernière édition foraine (juillet-août), le billet d’entrée à la foire était de 2 000 FC.  Un service de sécurité de la place a été mise à contribution pour veiller à ce que toute personne, même des enfants, achetât son billet. Et la FIKIN, ce n’est pas que les activités foraines ; l’établissement gère aussi un complexe immobilier qui a pris de la valeur ajoutée avec les nouvelles constructions chinoises.  Hélas, le budget de l’État n’en tire guère profit. Des observateurs font remarquer que tous ces établissements sont dirigés par des personnalités politiques qui s’affichent clairement de tel ou tel parti politique de la MP.

Épinglé dans un récent rapport de Human Rights Watch (HRW), comme étant « le distributeur de billets du régime de Kinshasa », la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) ne devrait cependant apporter, en termes de dividendes de participations, qu’un peu plus de 300 millions de FC, donc près de 200 000 dollars.

Rien à voir avec les centaines de milliers de dollars évoqués par HRW distribués à la classe politique au pouvoir.