Les Africains envoient de plus en plus des fonds aux familles restées au pays

Les transferts d’argent des migrants en direction d’Afrique subsaharienne ont atteint 46 milliards de dollars en 2018, selon un nouveau rapport de la Banque mondiale. Qui souligne que le phénomène est devenu la principale source de financement extérieur pour les pays en développement.

EN AFRIQUE, il est culturellement important de soutenir la famille. D’après plusieurs témoignages, les migrants africains éprouvent vraiment de la fierté à envoyer de l’argent dans leurs pays pour aider leurs proches. Selon la Banque mondiale, le coût élevé des transferts limite encore le profit que l’on peut tirer des migrations. Dilit Ratha, le principal auteur de la note de la Banque intitulée « Africa’s Pulse », souligne que plusieurs alternatives pourront permettre de réduire les taux exorbitants, option levée depuis des années par l’Union africaine (UA). D’après lui, il importe de « renégocier des partenariats exclusifs, par exemple, entre les services postaux et un prestataire de services de transfert, et laisser de nouveaux concurrents entrer en lice à travers les bureaux de poste, les banques et les compagnies de télécommunications va accroître la concurrence et diminuer le prix des transferts ». 

Comme on peut l’imaginer, l’Afrique offre de grandes opportunités pour la Fintech au regard des perspectives. Sinon comment comprendre que malgré un contexte économique toujours morose dans leurs différents pays d’accueil, principalement en Europe et aux États-Unis, les migrants africains continuent à se montrer de plus en plus généreux à l’égard de leurs pays d’origine. Selon les chiffres avancés par la Banque mondiale, les fonds envoyés par cette diaspora en direction du continent au Sud du Sahara ont atteint 46 milliards de dollars en 2018, un record et une hausse de 9,6 % par rapport à 2017 où le montant des transferts a été de 42 milliards de dollars.

On retiendra utilement que c’est la troisième hausse constante des transferts de fonds de la diaspora vers cette région. Les experts de la Banque mondiale expliquent cette dynamique par la solidité des conditions économiques dans les pays à revenu élevés où travaillent de nombreux migrants issus de l’Afrique subsaharienne. C’est pourquoi, dans leurs projections, ils font remarquer que ces transferts de fonds devraient continuer sur la même tendance pour atteindre 48 milliards de dollars cette année et 51 milliards de dollars en 2020.

Le Nigeria arrive en tête des pays bénéficiaires, avec 24,3 milliards de dollars reçus en 2018. Le pays le plus peuplé d’Afrique devance le Ghana avec 3,8 milliards de dollars, le Kenya avec 2,7 milliards de dollars. Ils sont suivis par le Sénégal (2,2 milliards de dollars) et le Zimbabwe (1,9 milliard de dollars). Le calcul pour classer les principaux pays bénéficiaires rapportés à leurs produit intérieur brut (PIB) classe les îles Comores en première place avec un taux de 19,1 %, suivies de la Gambie (15,3 %), du Lesotho (14,7 %), du Cap-Vert (12,3 %) et du Liberia (12 %).

Les défis futurs

Cependant, le marché africain des transferts d’argent a encore des défis à relever, notamment ceux de l’information et du business illicite. En effet, la configuration de ce marché en Afrique en pleine mutation est confrontée à la dynamique de l’innovation technologique. Jusque-là, les émetteurs restent encore trop souvent attachés aux systèmes conventionnels d’envois de fonds. Par ailleurs, la technologie est train d’accélérer le changement du secteur. 

Le marché est vraiment, en quelque sorte, dans une phase de transition. La plupart des gens, de nos jours, ont un smartphone. C’est très intéressant, car cela donne lieu à des transferts d’argent plus rapides, plus faciles et bon marché. Vu sous cet angle, les experts ont identifié deux challenges majeurs. La plupart des gens qui sont toujours passés par les compagnies traditionnelles de transfert d’argent ne réalisent pas qu’il y a une meilleure façon, plus rapide et moins coûteuse de réaliser ces transactions. S’ils se sont rendus dans les locaux d’une agence, s’ils ont toujours fait la queue et patienté pendant des minutes voire des heures pour ensuite remplir une pile de formulaires, ils s’y habituent.

Pourtant, les choses peuvent être nettement améliorées. Pourquoi rester à attendre dans une queue quand on peut être tranquille à la maison ou en route et utiliser une application mobile ? Pourquoi remplir une pile de formulaires quand on peut transférer de l’argent en quelques clics seulement ? La lourde tâche consiste en l’éducation et la prise de conscience de ce que la technologie nous facilite la vie.

Le second gros challenge concerne le marché au noir. Il faudrait trouver le moyen d’y mettre un terme. Tout le monde aime les bonnes affaires, mais dans de nombreux cas, ces dernières sont trop belles pour être vraies. Quand les gens tombent sur un deal vraiment bon marché, ils ne se posent jamais de questions sur la réglementation du transfert d’argent ou s’il existe une garantie en cas de pépin. Or, c’est tellement important d’utiliser un service bien réputé en lequel on puisse avoir confiance.

Promouvoir les alternatives au transfert d’argent conventionnel est vraiment important pour le moment car, en fin de compte, moins les gens doivent payer des frais de transferts élevés, plus ils peuvent envoyer de l’argent à leurs familles restées au pays, soulignent les mêmes experts. Cela signifie plus de flux d’argent dans l’économie nigériane, pour le cas de ce pays, et une vie meilleure pour les bénéficiaires.