Les ateliers de fabrication de guitares acoustiques en voie de disparition

Les lutheries sont rarissimes en RDC. Celles qui existaient jusqu’ici sont en proie à des difficultés économiques et techniques. Leur sort semble scellé.

Que peuvent signifier des noms comme Almaz ou Socklo?  La plupart des Kinois répondront sans nul doute qu’ils n’en savent rien du tout. Pourtant, ces acronymes sont bel et bien ceux de deux marques de guitares acoustiques fabriquées à Kinshasa.  La première, Almaz, a été créée en 1964 par Alphonse Mazanza, décédé l’an dernier et l’autre par Misolo Nzalagala, dit Socklo. Ce sont aussi les deux lutheries connues de la capitale, voire du pays. Almaz est basé dans la commune de Bandalungwa, alors que Socklo est implanté dans celle de Lemba.

Ces deux marques ont un point commun: leurs créateurs ont appris  seuls la technique de la fabrication d’une guitare. Ils ont simplement observé avant d’utiliser des matériaux rudimentaires et de mettre au point une guitare, demontrant ainsi leur savoir-faire.

Entre les années 1970 à 1990 la lutherie Almaz  était la première à fournir des guitares acoustiques aux orchestres et groupes musicaux de Kinshasa, de l’intérieur et ceux des pays voisins.

« Des guitaristes de grande renommée, à l’exemple de Pépé Manuaku Waku et tant d’autres, ont commencé à fourbir leurs armes dans la musique en grattant les cordes d’une guitare Almaz», explique un des dirigeants de la lutherie. Socklo est venu rejoindre la barque bien après. Le groupe Benda Bilili, composé de personnes handicapées, a honoré cette marque en l’utilisant durant toute sa tournée européenne en 2011.

Les choses ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Ces ateliers souffrent d’oubli et d’abandon à cause de la conjoncture économique. Le manque de promotion des activités, l’absence d’information et, parfois, d’intérêt des musiciens ont entraîné le ralentissement des activités.

Pour l’instant, les deux lutheries sont équipées de matériel sommaire. Quant aux conditions de travail, elles laissent à désirer. Certaines machines destinées à la production sont hors d’usage à cause d’incessantes coupures d’électricité.

Depuis le départ des partenaires belges, ces fabriques tournent encore grâce aux efforts de leurs promoteurs ou de leurs familles.

Pour Pitshuna Bazabidila Mazanza, chargée de l’administration et des finances chez Almaz, après le décès du fondateur, en 2014, l’heure est à la relance des activités.  « Almaz est un héritage familial, légué par notre père.  Nous allons faire tout ce qui est possible pour pérenniser cette œuvre », a-t-elle confié.Chez Socklo, les choses marchent également au ralenti. Les habitants du quartier où il a son siège ont des difficultés pour indiquer aux visiteurs l’emplacement exact.

À cause de multiples pannes d’électricité, le travail suit le rythme des délestages et ne s’effectue désormais que sur la base de commandes.

Selon la nature de la commande, ces ateliers sont en mesure de produire 10  à 15 guitares par semaine.  À côté des encadreurs, se retrouvent plus d’une quinzaine de jeunes apprentis qui participent aussi à la production dès qu’une commande est enregistrée.

La conjoncture économique a réduit les chiffres d’affaires. Les commandes, d’où qu’elles proviennent, sont devenues rares. « Le gouvernement ne subventionne pas nos activités. Nous continuons à travailler pour survivre d’abord », confie  Pitshuna Bazabidila.

Les prix des produits sont fixés en fonction des caractéristiques techniques de chacun.  Les guitares solo et basse à quatre cordes coûtent 50 dollars la pièce.  La basse à 5cinqcordes ainsi que la guitare pour les enfants de 6 à 10 ans valent 60 dollars chacune. Almaz fabrique un autre instrument spécifique, appelé « Ndara »(en kinianga, dialecte parlé au Kongo-Central).  Son prix est estimé à 40 dollars.

« Nous vendons à compte-gouttes. L’absence de clients est un énorme manque à gagner»,  explique le directeur des ventes, qui ajoute: «Nous ne parvenons pas à récupérer notre investissement ».

En dépit de toutes ces difficultés, les responsables de ces deux structures gardent l’optimisme. « Nous  envisageons de diversifier nos produits par la fabrication, dans un proche avenir, de guitares électriques de bonne qualité. Et nous allons mener des campagnes de promotion dans les médias pour attirer le plus de clients».