Les banques incapables de se recapitaliser devraient fusionner

La question du relèvement de la réserve obligatoire en fonds propres au seuil minimum de 30 millions de dollars divise les banques commerciales et la banque mère. La décision devait entrer en vigueur dès janvier 2019. Pour le Gouv’ de la BCC, le moment est venu d’adapter les exigences locales prudentielles aux normes internationales de Bâle.

LES BANQUES se plaignent. Elles l’ont signifié à Deogracias Mutombo Mwana Nyembo, le Gouv’ de la Banque centrale du Congo (BCC), le 8 février, lors du dîner annuel des banquiers à Kinshasa. Mais ce dernier a pris cela comme une « requête » de l’Association congolaise des banques (ACB), surtout à propos de la décision de la recapitalisation des banques en République démocratique du Congo. En rappel, le Gouv’ de la BCC, souligne que la réserve obligatoire est aussi un instrument de régulation de la liquidité, qui influe sur le comportement des banques et sur la capacité des banques de second rang à créer de la monnaie. 

En direction des banques, il a laissé entendre que la décision d’exiger 30 millions de dollars comme minimum pour fonctionner comme banque en RDC ne vise pas directement celles qui n’ont pas la capacité financière de l’atteindre. Bien au contraire, elles ont la possibilité de fusionner. Sinon, elles vont devoir disparaître de l’écran du radar. 

Apparemment, la BCC ne fera pas marche-arrière. Apparemment. Le Gouv’ de la Banque centrale trouve aujourd’hui vraiment dérisoire le minimum de 10 millions de dollars de réserve obligatoire pour un grand pays comme la RDC, alors que certains pays africains, comme le Ghana, sont déjà à 100 millions de dollars, voire au-delà… À son avis, 30 millions de dollars, ce n’est vraiment pas exagéré. Au contraire, il s’agit de consolider la solidité, la solvabilité et surtout l’octroi des crédits au financement de l’ensemble de l’économie. La norme étant de 25 %, les banques ne peuvent qu’affecter 25 % de leurs fonds propres aux crédits. Donc, les 25 % des 10 millions de dollars, c’est 2.5 millions. 

La question de profitabilité

Autre préoccupation des banques : le niveau de la profitabilité. Réponse du Gouv’ Mutombo : « N’eut été la décision de maintenir inchangée la profitabilité actuelle, on n’allait pas être au niveau qui est le nôtre à ce jour. Évitez de demander à la fois le beurre et l’argent du beurre. Avec une forte dépréciation en 2017 et 2016, le provisionnement de la dépréciation des fonds propres a été un élément important. » Aujourd’hui, si la profitabilité est au rendez-vous, estime-t-il, c’est en partie grâce à l’action de la Banque centrale. Dans l’hypothèse de déverser les francs, qu’adviendrait-il si cela ne marche pas ?

D’après lui, la politique monétaire a permis à la BCC de réguler la liquidité bancaire en fonction des facteurs autonomes de l’année et de manipuler les facteurs institutionnels à bon escient. La réserve obligatoire, les Bons de la BCC ont favorisé un fonctionnement normal en 2018. La politique de change, avec comme objectif de quantification de réserves internationales, a conduit la BCC à se positionner généralement en acheteur net de devises. 

Ainsi, les réserves ont atteint 913 millions de dollars, fin 2018, venant de 844 millions, fin 2017, après avoir atteint le pic de 1.2 milliard, fin juin 2018. Aujourd’hui, elles sont encore de l’ordre 913 millions de dollars, soit 3.8 semaines d’importation. Disons, presqu’un mois. Quand on sait que ces réserves ont chuté, à un moment donné, à 660 millions de dollars.

La stabilité a été également au rendez-vous concernant le secteur extérieur, selon Mutombo Mwana Nyembo. Pour preuve : la dépréciation du franc congolais a été de seulement 2.7 %. L’année 2018 s’est clôturée sur la parité de 1 635 francs pour 1 dollar, venant de 1 592 francs, fin 2017, sur le marché officiel. Tandis que sur le marché parallèle, la parité a été de 1 615 francs pour 1 dollar venant de 1 675 francs. Aujourd’hui, on observe pratiquement le même taux sur le marché officiel et en même temps une légère appréciation ainsi qu’une stabilité sur le marché parallèle. 

À la faveur de la reprise des cours des produits de base, au premier semestre 2018, le solde de la balance commerciale, positif depuis 2017, s’est consolidé en 2018. Pareil pour la balance de paiement grâce aux apports des devises tout comme des investissements directs étrangers (IDE).

Mobilisation des recettes fiscales

La politique budgétaire a été plus ou moins restrictive en 2018. Ajustement budgétaire oblige. Elle a été accompagnée par une politique monétaire prudente dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de stabilisation et d’amélioration de la mobilisation de ressources intérieures. Cet effort du gouvernement a permis d’éviter la monétisation du déficit public non autorisé dans les proportions ne dépassant les 5 %, voire 3 % du Produit intérieur brut (PIB), a expliqué.

Deogracias Mutombo reconnaît que l’une des causes essentielles de la fragilité de la stabilité du cadre macroéconomique est sans doute la faiblesse de la mobilisation de recettes fiscales. C’est pourquoi, la BCC, a-t-il dit, réitère toujours sa demande de réformes structurelles adéquates, notamment pour lutter contre la fraude fiscale et la fuite des flux financiers illicites. Deux fléaux qui plombent l’économie nationale. Il est donc temps que le gouvernement se dote d’une politique fiscale efficace, capable d’aider à alimenter le budget en ressources financières nécessaires au financement des infrastructures, de la santé et de l’éducation.

La politique monétaire, quant à elle, a visé la consolidation de la stabilité acquise en 2017 et indirectement la stabilité financière. Selon le Gouv’ de la BCC, une monnaie stable permet aux banques de bien gérer les risques. Et un système financier stable offre des canaux de transmission efficaces d’Instructions de politique monétaire à l’économie réelle.

Bref, il y a encore beaucoup d’insuffisances dans ce domaine : « La politique monétaire, à elle seule, n’est pas une stratégie de développement. C’est tout simplement un levier. Le travail à faire est celui de mettre en œuvre ces réformes structurelles pour libérer le potentiel économique nécessaire à l’amélioration du bien-être de la population ». D’après Mutombo Mwana Nyembo, ce potentiel va permettre à la monnaie nationale d’acquérir le statut de monnaie des pays producteurs de ce qu’ils consomment et ensuite exportateurs. « C’est de cette façon qu’il faut procéder pour que la stabilité monétaire soit ancrée solidement sur la production nationale », recommande-t-il. Rien à faire, le pays a besoin désormais de politiques économiques générales visant d’abord à atténuer les risques, à consolider la stabilité macroéconomique et à rehausser les objectifs de croissance à moyen terme, dès 2019. La BCC recommande au gouvernement qui sera mis en place une politique fiscale volontariste. Pour mettre en œuvre un programme économique et les réformes structurelles nécessaires, il faut de l’argent. « Si vous pensez obtenir de l’argent de l’extérieur, vous perdrez votre temps », a dit le Gouv’ de la BCC. 

Interpellation du gouvernement

Depuis l’époque coloniale, la RDC n’a dépensé 500 millions de dollars en une année comme en 2018 pour l’organisation des élections, avec des recettes inférieures à 5 milliards, soit un peu plus de 11 % du budget de l’État. « On n’a jamais vu le pays dépenser autant d’argent en une année pour les infrastructures, la santé et l’éducation. Pourquoi ne pas le faire en 2019 pour les infrastructures, la santé et l’éducation ou pour stimuler les énergies productrices dans le secteur privé ? », interpelle-t-il.

Foi de Mutombo Mwana Nyembo : le pays est en mesure de le faire. Il est capable de collecter jusqu’à 20 % du Produit intérieur brut (PIB) qui est de plus de 50 milliards de dollars, soit 10 milliards de dollars. Il suffit seulement de mobiliser au moins 1 milliard de dollars par mois car le potentiel et les faiblesses des structures qui gèrent la fiscalité sont connus. « Les réformes structurelles qui ont été conçues pour accroître les recettes, ont montré que le problème est peut-être dans les hommes et non dans les compétences. En plus, il y a la multiplicité des taxes qui pose problème et favorise la fuite des capitaux », rappelle Mutombo Mwana Nyembo. 

Aujourd’hui, les marchandises sont dédouanées en Angola, en Tanzanie, en Zambie… Les réformes ne demandent qu’à être appliquées en vertical et en transversal. « Tout le monde doit s’impliquer car on a été tous complices obligés et nous sommes aujourd’hui des victimes de notre complicité obligée ».