Les banques sud-africaines dans la tourmente

Quatre institutions bancaires de ce pays parmi les plus importantes, viennent de voir leur note en baisse, selon l’agence de notation Moody’s, en raison de risques de pression sur leurs revenus. 

Moody’s fournit des solutions de gestion des risques économiques et financières. (DR)
Moody’s fournit des solutions de gestion des risques économiques et financières. (DR)

L’agence de notation Moody’s a annoncé, le 19 août, avoir baissé, d’un point, les notes des quatre plus grandes banques sud-africaines, de «A3» à « Baa1». Raison évoquée : les difficultés d’African Bank, une banque locale spécialisée dans les prêts sans garantie aux familles modestes. Les établissements concernés par cette dégradation sont Standard Bank, Absa, une filiale de Barclays, FirstRand Bank Ltd (First National Bank) et Nedbank. Moody’s a aussi placé les quatre banques sous surveillance négative, de même qu’Investec Bank, en raison des inquiétudes relatives à la santé de l’économie sud-africaine. L’abaissement des notes de ces banques est consécutif, selon l’agence, à une faible probabilité des mesures adéquates, pour protéger totalement les créanciers, en cas de besoin. Des mesures qui devraient être prises par les autorités sud-africaines. Face à ces notes, la Banque centrale sud-africaine a placé African Bank sous tutelle dans le cadre d’un plan de sauvetage qui prévoit, entre autres, une recapitalisation de 10 milliards de rands (700 millions d’euros).

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Kofi Annan

La Reserve Bank a, cependant, décidé qu’une partie de ses créanciers perde 10 % de leur investissement. La plupart des banques sud-africaines ont aussi accordé des prêts sans garantie, mais elles ont des branches rentables qui couvrent d’éventuelles pertes et ont les reins nettement plus solides. Moody’s avait déjà dégradé, récemment, la note d’African Bank et de Capitec Bank. La révision à la baisse reflète les préoccupations de l’agence de notation concernant une croissance économique plus faible, sur fond d’endettement élevé de la population et de hausse des taux d’intérêt, susceptibles d’entraîner des coûts de crédit plus élevés, pour les banques. Malgré ces préoccupations, l’agence reconnaît, toutefois, la solidité des fondamentaux du système financier, tout en s’inquiétant de la qualité du portefeuille de prêts accordés aux Petites et moyennes entreprises (PME) et aux particuliers.

Investisseurs prudents

Cette annonce ne fait pas l’unanimité chez les observateurs, acteurs et analystes de l’environnement économique et financier en Afrique du Sud. Toutefois, sur le Johannesburg Stock Exchange (JSE), où sont cotées toutes ces banques, les investisseurs, eux, se sont montrés prudents et semblent avoir tenu compte des avertissements. Le titre Barclays Africa Group (ABSA) affichait un recul de 2,8 %. Nedbank était en recul de 1,59 %. Firstrand Bank perdait 1,92 %. Standard Bank, quant à elle, perdait jusqu’à 2,94 % dans la journée. Seule Capitec Bank affichait une modeste hausse (+ 0,72 %). La Banque centrale s’est défendue du raisonnement de l’agence de notation qui fait savoir que les mesures prises pour soutenir African Bank, soulevaient des préoccupations quant à la protection des créanciers en cas de risque de faillite au sein d’une banque. Le secteur bancaire sud-africain reste solide et en bonne santé. Pour les responsables sud-africains, les ajustements d’avances accordées à la banque centrale ne concernent que 3,7 % du volume global des prêts à l’économie.

Capitec Bank s’est déjà défendue, de ce que son modèle de prêts non sécurisé est différent des autres banques. Ses dirigeants ont expliqué que leur clientèle est constituée d’une base de 2,5 millions de personnes dont elle gère les salaires et qu’au contraire, de l’Abil, une banque en faillite, qui tirait presque tous ses revenus des activités de crédit, une partie de son revenu est tirée des frais prélevés sur les transactions effectuées par ses 5,6 millions de clients déposants. Enfin, la banque s’est dite surprise de cette notation. D’autres analystes estiment, pour leur part, que la réaction de Moody’s est exagérée face à la situation que traverse Abil. Selon eux, Chez Moodys, on explique que cette décision a été prise, en raison des risques de pression sur le revenu des banques. Cette révision à la baisse reflète l’inquiétude de l’agence au regard de la faiblesse de la croissance économique, particulièrement dans un contexte marqué par la pression sur la soutenabilité de la consommation, du fait d’un endettement élevé des consommateurs. Ce qui pourrait se traduire, pour les banques, par une augmentation des coûts du crédit.

Le ton avait été donné par Capitec Holdings. Fin mars 2014, le groupe indiquait que l’incapacité de certains de ses clients à respecter les échéances de remboursement s’est traduite par un accroissement des provisions pour risque, avec un impact certain sur ses revenus nets. L’exposition globale des banques sud-africaines à des créances non sécurisées, à fort taux d’intérêt et non supportées par une garantie, était estimée à 12 % de leurs actifs globaux, au premier janvier 2014.


En savoir sur Moody’s

L’agence de notation Moody’s, officiellement Moody’s Corporation, est une holding de Moody’s Analytics, un fournisseur de solutions de gestion des risques, et Moody’s Investors Service, une société américaine active dans l’analyse financière d’entreprises commerciales ou d’organismes gouvernementaux. Moody’s est également connu pour ses notations financières standardisées de grandes entreprises, en fonction du risque et de la valeur de l’investissement. Elle détient 40 % des parts de marché dans le domaine de l’estimation de crédit, au niveau mondial. Ses principaux concurrents sont Standard & Poor’s (S&P), Fitch Ratings et Dagong. Moody’s a été fondée en 1909 par John Moody, journaliste financier, qui crée la notation avec, pour mission, de jauger les risques des entreprises en s’appuyant sur une grille de notes. Qui permet de résumer les risques pris par le créancier, de la même manière qu’un banquier. C’est Moody’s qui introduit les symboles de son échelle de notation, les fameux « triple A to C ». La notation est une appréciation de Moody’s sur la volonté et la capacité d’un émetteur à assurer le paiement ponctuel des engagements d’un titre de créance, tel qu’une obligation, tout au long de la durée de vie de celui-ci. L’échelle de notation, qui va d’un maximum de Aaa à un minimum de C, se compose de 21 crans (notch) et de deux catégories : la catégorie d’investissement et la catégorie spéculative. La notation la plus basse de la catégorie d’investissement est Baa3. La plus élevée de la catégorie spéculative est Ba1. La notation concerne aussi bien les dettes à long terme (maturités équivalentes à un an ou plus) et à court terme (maturité inférieure à un an). Dans le système de notation de l’agence, la pire des notes est le C. Ce qui signifie que l’emprunteur est en situation de défaut de paiement.