Les contrebandiers règnent sur le pétrole lampant 

Les stations-service de Kinshasa  s’étant retirées de la vente de ce produit,  la contrebande en a pris le contrôle à travers des réseaux bien organisés qui opèrent de l’enclave de Cabinda jusqu’à Kinshasa.  

Une station-service à Kinshasa.
Une station-service à Kinshasa.

Au  marché Mariano, dans la commune de  Kalamu, il y a très peu de temps pour le sommeil et le repos. C’est du moins l’avis du gérant d’un dépôt de pétrole.  Si les journées sont consacrées aux activités commerciales qui font d’ailleurs la réputation du marché (papeterie, vins, liqueurs et produits alimentaires en provenance d’Angola), les soirées et les nuits sont  rythmées par le commerce d’un autre type. Mariano  sert aussi de parking pour les  véhicules  en provenance ou à destination des villes angolaises (Luanda, Cabinda, Lufu, Mbanza Kongo, Makela do Zombo…).  Jusqu’à 23 heures, selon un habitant du quartier, il n’est pas rare de voir des  véhicules en phase  de chargement ou de déchargement. L’accalmie ne survient qu’autour de minuit, puis vient le temps du roi pétrole aux petites heures de la matinée. En effet, entre 4 heures et 5 heures,  le quartier est littéralement envahi par une armée de petits commerçants. A pied, à moto, ou en taxi, tous avec un gourdin en main ou sur la tête, ils viennent de toutes les communes de la capitale à la recherche de pétrole lampant.

La manipulation des produits pétroliers, classés dangereux, est réglementée par la  loi qui détermine clairement les conditions de leur importation, transport, stockage et commercialisation. C’est l’entreprise Sep Congo qui en assure le transport, le stockage et la distribution, car disposant d’infrastructures nécessaires. «Mais, à Mariano, la loi est foulée aux pieds. Des personnes qui ne devraient pas traverser la frontière vont au-delà chercher du pétrole qu’elles transportent dans des véhicules ordinaires, sans respecter les normes de sécurité, en les stockant dans des fûts en aluminium ou en plastique.  Arrivés à Kinshasa, sans la moindre précaution d’usage, les lieux d’habitation sont transformées en  dépôts à ciel ouvert de ces  produits très inflammables et, donc, dangereux pour la vie humaine, sans aucune précaution contre des dangers éventuels. Des centaines de fûts de pétrole sont ainsi entassés les  uns à côté des autres sous la chaleur torride du  climat tropical, dans des parcelles ordinaires d’habitation autour du marché Mariano. Un gérant d’un dépôt de pétrole  est bien conscient du danger qui guette  quête son activité. Il a en souvenir  un gigantesque incendie qui avait ravagé un dépôt voisin il y a 10 ans,  causant plusieurs morts et des dégâts matériels importants pour toutes les parcelles environnantes. Dans la vingtaine de dépôts autour du marché Mariano, il y a ni extincteur ni véhicule anti-incendie, reconnaît-il. «  Nous veillons simplement à ce que les foyers et les sources potentielles de feux soient tenues loin des dépôts. Pour le reste Dieu fera selon grâce », affirme-t-il.

Faiblesse ou complicité des autorités ?   

Pour un vendeur de pétrole au détail depuis plus de 20 ans, à Ndjili, Mariano est le seul point d’approvisionnement en pétrole lampant à Kinshasa depuis que les stations-service  se sont désengagées à cause de la concurrence et de  la politique low cost imposée par les grossistes qui vont s’approvisionner en Angola. À Mariano, le pétrole est généralement disponible au prix  de  900 francs le litre contre 1400 FC, prix affiché sur les enseignes  des  stations-service même si le produit y est introuvable. Il en veut pour preuve  le fait que le  pétrole lampant ne figure même  plus sur la liste des produits pétroliers lorsque le gouvernement en fixe les prix officiels.

Depuis des dizaines d’années dans de nombreuses villes du pays, on peut observer le long de certaines artères des revendeurs de carburant mieux connus sous le nom de Kadhafi. Leur circuit de vente étend ses tentacules jusqu’aux petits vendeurs à la criée qui font du porte à porte, au point de contraindre les stations-service à ne plus vendre de  pétrole lampant. « Nous avons cessé de vendre le pétrole lampant parce que nous n’arrivions plus à vendre du fait de la présence d’un circuit parallèle d’approvisionnement qui casse tous les prix pratiqués dans les stations », avoue le gérant d’une station Total.

Les autorités qui peinent à faire respecter la loi. Elles évitent d’attaquer frontalement le problème. Le circuit d’approvisionnement est pourtant bien connu de toutes les autorités, d’après  un agent de police. Il commence dans  l’enclave angolaise de Cabinda jusqu’à  Kinshasa. Des commerçants congolais vont s’y approvisionner au su et au vu des tous les services publics commis à la protection des frontières et à la qualité des marchandises à l’importation. Des colonnes de véhicules traversent plus de 600 km  de route sur la nationale numéro 1 jusqu’à Kinshasa, pour stocker et vendre leur marchandise, au nez et à la barbe des services publics. Pour lui, si cette situation persiste, c’est qu’il doit  y avoir un accord tacite des autorités sinon son implication dans un commerce  de contrebande qui menace la vie de beaucoup de Congolais et  fait perdre à l’État des bénéfices substantiels.