Les dessous des cartes de la réforme

À l’indépendance en 1960, il y avait un contentieux entre la Belgique et le Congo autour de la détermination du patrimoine économique hérité de la colonisation. C’est ainsi que le portefeuille de l’État a été créé, et le Conseil supérieur du portefeuille (CSP), organe-conseil du gouvernement. Le CSP est chargé de l’encadrement des entreprises publiques. Avant la réforme de 2009, le portefeuille de l’État comportait 51 entreprises ayant pour objectif la création de richesses et d’emplois, l’offre de services sociaux de meilleure qualité et l’apport au budget de l’État. Malgré ce poids numérique important, soit 80 % du tissu économique du pays, les entreprises publiques présentent actuellement un tableau sombre : faible productivité, personnel pléthorique et vieillissant, insuffisance de matériels et équipements nécessaires à l’exploitation ; surendettement et mauvaise gestion des ressources…

Quel bilan, sept ans après la réforme ? À ce jour, le portefeuille de l’État n’est constitué que de 20 sociétés commerciales dont l’État est l’unique actionnaire ainsi que des participations dans les sociétés d’économie mixte, ainsi que de 21 établissements et 4 services publics. Six entreprises ont été liquidées, parmi lesquelles le Complexe de Lotokila, l’Office des biens mal acquis (OBMA) et la Cotonnière du Congo (COTONCO), les Lignes aériennes congolaises (LAC).  Au siège du CSP, un fonctionnaire explique : « Nous aurions dû être sceptiques en 2009. Certes, la réforme a été commandée par l’extérieur, mais nous aurions dû nous en approprier pour atteindre les résultats escomptés ». Les sociétés d’État ne sont pas aussi performantes et compétitives qu’on l’espérait. Les conditions dans lesquelles elles évoluent ne sont pas toujours de nature à stimuler leur productivité et à favoriser leur rentabilité. Elles ne sont pas gérées dans les règles de l’art.

Concrètement, à ce jour, seule la GECAMINES a complètement bouclé sa transformation en franchissant toutes les étapes. Pour y arriver, elle a réalisé son inventaire, valorisé ses actifs en fixant son capital social et en établissant son bilan de clôture en tant qu’entreprise publique, et d’ouverture comme société anonyme à responsabilité limitée (SARL). Quant à la SNCC, la SCTP, la RVA, la REGIDESO et la SNEL, le processus se poursuit : inventaire et valorisation du patrimoine, assainissement des comptes, détermination du capital social, présentation du bilan d’ouverture. La problématique de leurs passifs non assurables avait été résolue par un décret du Premier ministre de 2012 fixant les règles de reprise par l’État. À ce jour, le niveau global et détaillé du passif non assurable de plus ou moins 16 entreprises publiques a été établi.

À ce jour, aucune des 20 sociétés commerciales issues de la transformation n’a fait l’objet d’un désengagement de l’État de son capital. Selon le COPIREP, la transformation est une exigence légale, mais le désengagement n’en est pas une. Il est plutôt une stratégie de restructuration décidée par le gouvernement selon le cas. Les entreprises concernées par cette restructuration sont notamment la Gécamines, la REGIDESO, la SNEL, la SNCC, la SCTP, la RVA, la CVM, la SCPT et la SONAS. La cause principale qui a ruiné le portefeuille de l’État, c’est l’empiétement de la politique sur l’économie. L’objectif poursuivi par la réforme est d’attirer les privés, en harmonisant le cadre juridique des entreprises publiques qui, depuis 1978, constituait un épouvantail vis-à-vis des potentiels investisseurs. Aussi, fallait-il séparer les entreprises de l’État des établissements publics ou des services publics. C’est la remise de l’ordre dans la boutique qui a fait que, dès lors, les entreprises ayant un caractère marchand soient répertoriées dans la catégorie des entreprises commerciales.