Les enjeux de la mutuelle ne sont pas encore bien perçus

La couverture des risques sociaux était jusque-là le parent pauvre de la sécurité sociale, délaissée trop longtemps aux mains d’une seule structure. Or ses bénéfices sont fondamentaux pour le développement socio-économique et humain des populations. Ce défi crucial dépend de la volonté politique de chaque pays.

En République démocratique du Congo – mieux vaut tard que jamais -, le président de la République, Joseph Kabila Kabange, a promulgué, le 8 février 2017, la loi 17-002 déterminant les principes fondamentaux de la mutualité. C’est une loi de grande importance sociale en ce qu’elle  vient combler les lacunes dans la couverture des risques sociaux. Jusque-là, l’Institut national de sécurité sociale (INSS) était la seule structure de protection sociale existant. Mais son aire d’application se limite aux seules personnes exerçant une activité dépendante salariée ou politique.

La loi du 8 février sur les mutualités ouvre alors la voie à l’extension progressive de la protection sociale à l’ensemble des populations, et innove en opérant une double couverture, c’est-à-dire la protection de base pour tous et la protection complémentaire pour ceux qui en bénéficient déjà. Il convient de rappeler que la mutualité était organisée par le décret du 15 avril 1958, réglementant les associations mutualistes. En dépit de ce décret qui n’était plus adapté à l’évolution institutionnelle du pays, beaucoup de mutuelles ont sollicité et obtenu l’agrément, soit du ministère de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, soit du ministère de la Santé publique, en se référant à la loi 004/2001 du 20 juillet 2001 applicable aux associations sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique. C’est notamment le cas de la Mutuelle de santé des enseignants de l’enseignement primaire et secondaire ou de Lisungi SA depuis 2012.

Réforme salutaire

Dans les pays où les choses sont en place, la protection sociale est une priorité nationale. C’est d’ailleurs la volonté politique qui incite à développer ce secteur, explique un spécialiste. D’après lui, il était donc impérieux de clarifier le cadre juridique des mutuelles, conformément à l’article 123 de la Constitution. À la différence du décret de 1958 et de la loi de 2001, la loi du 8 février 2017 apporte des innovations importantes, notamment la suppression du champ d’action de toutes les autres associations sans but lucratif non mutualistes, la fixation des principes fondamentaux auxquels les mutuelles, unions et fédérations des mutuelles doivent satisfaire pour garantir l’agrément, l’élargissement du champ d’application des risques couverts par les mutuelles (soins médicaux, indemnités de maladie, vieillesse, maladies professionnelles, décès et allocations familiales). Ce n’est pas tout, la loi catégorise aussi les mutuelles en unions, fédérations et réunions, tout comme elle catégorise les différents types de mutuelles tout en précisant les notions de base, et élargit la couverture des risques à la majorité de la population active.

Dans sa configuration, elle s’applique à toutes les mutuelles dont les interventions garantissent les membres ainsi que leurs familles contre les risques sociaux.

En effet, les mutuelles ont pour objet de couvrir les services de soins de santé en cas de maladie, d’accident et de maternité sous la branche de soins de santé ; les allocations familiales et de maternité sous la branche de prestations familiales ; et les allocations de vieillesse et de décès sous la branche de pensions. Elles peuvent dans leurs statuts instituer d’autres prestations en faveur de membres adhérents et de personnes à leur charge.

Au sens de la nouvelle loi, on entend par mutuelle, tout groupement des personnes physiques ou morales de droit privé, à but non lucratif qui au moyen des cotisations de ses membres, se propose de mener dans l’intérêt de ceux-ci et/ou des personnes à leur charge, des actions de prévoyance, de solidarité et d’entraide.

Et la mutuelle d’entreprise ou d’administration est celle qui exerce ses activités dans l’intérêt des salariés et des anciens salariés d’une entreprise ou d’une administration déterminée ainsi que des personnes à leur charge. Par ailleurs, le risque social est toute situation susceptible d’affecter la vie d’une personne et dont la réparation des conséquences est garantie par une mutuelle à ses membres. Toute personne âgée de 18 ans révolus peut être membre d’une mutuelle. La femme mariée peut valablement s’affilier à une mutuelle sans autorisation ni opposition de son conjoint.

Prise de conscience timide

Depuis que la loi 17-002 a été promulguée, la prise de conscience par la population est plus timide et peut parfois passer pour un désintérêt en matière de protection sociale. C’est pourquoi, l’État doit avoir une politique incitative. La loi prévoit que le pouvoir central et les provinces prennent des mesures incitatives au profit des mutuelles, unions, fédérations et réunions des mutuelles légalement constituées. À ce titre, ils leur accordent les avantages dont elles ont besoin dans l’exercice de leur activité, notamment des allègements fiscaux que cette loi prévoit et des subventions nécessaires à la réalisation de leur mission.

Un Fonds national d’actions mutualistes est chargé d’accorder des subventions ou des prêts, notamment aux mutuelles qui ont été victimes de tout fait quelconque ou de tout autre dommage résultant d’un cas de force majeure ou qui ont fait face à des risques exceptionnels. Le fonds contribue aux dépenses de promotion et d’éducation mutualistes sous forme de prêts.