Les incertitudes sur les marchés poussent à l’endettement

La baisse conjuguée de l’aide publique au développement et des cours des principaux minerais contraint les pays producteurs à des nouveaux emprunts. C’est le seul moyen de faire face aux énormes défis en matière d’investissement.

Des lingots d’or.
Des lingots d’or.

En recourant aux marchés financiers internationaux à hauteur de 800 millions de dollars pour financer une partie du budget 2016, le gouvernement a repris la voie de l’endettement. D’après des spécialistes, ce n’est pas une mauvaise option, pourvu que l’endettement soit soutenable. En Afrique subsaharienne, l’endettement est au plus bas par rapport à la situation qui prévalait au milieu des années 1990. À l’époque, plusieurs pays, notamment le Zaïre, avaient frôlé la faillite. Des ONG parlaient de « dette odieuse ». Les bailleurs de fonds avaient alors lancé, en 1996, une grande campagne dont l’objectif était de réduire à un niveau soutenable le poids de la dette extérieure. Des réductions importantes ont été accordées à un grand nombre de pays d’Afrique dans le cadre de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) entre 1996 et 1999 et de l’Allègement de la dette multilatérale (IADM) en 2005. Au total, près de 120 milliards de dollars ont été annulés. La dette extérieure de ces pays a été réduite de 90 %.

Les hypothèques

Les principales causes du surendettement sont toujours présentes : la corruption et la mauvaise gouvernance. Avec la conjoncture actuelle, on peut craindre que les pays africains emprunteurs ne replongent dans la spirale du surendettement vis-à-vis des nouveaux partenaires émergents, notamment la Chine. Pour prévenir un nouvel endettement excessif, la communauté des bailleurs a mis en place un « cadre de viabilité de la dette » destiné à responsabiliser les pays emprunteurs et leurs créanciers. L’autre hypothèque qui n’a pas été pleinement levée, c’est la dette publique intérieure, aussi importante (plus d’un milliard de dollars au Congo) mais moins visible. Beaucoup d’entreprises locales sont étranglées et disparaissent les unes après les autres jetant ainsi sur la voie publique des milliers de chômeurs. Une telle dérive est non seulement dangereuse pour la stabilité politique et économique, mais elle ruine aussi tout effort de réduction de la pauvreté et génère de l’instabilité sociale.

L’endettement n’est pas une voie neutre pour assurer l’émergence. Il faut une grande transparence dans les transactions financières avec les partenaires, soulignent des économistes. C’est le prix à payer pour séduire les potentiels nouveaux créanciers et renforcer la crédibilité d’une nouvelle gouvernance financière sur l’endettement. La plupart des pays africains sont peu enclins au concept de « surveillance multilatérale » et citoyenne de la dette. Ils lui préfèrent la coopération avec des partenaires émergents qui donne à la construction d’infrastructures et d’édifices publics des résultats plus visibles et plus rapides. La coopération est perçue comme plus avantageuse et moins entravée par les lourdeurs administratives des partenaires traditionnels et procédurières des institutions financières internationales. La coopération avec la Chine est particulièrement citée comme modèle, car elle ne s’intéresse pas à la bonne gouvernance ni au respect des droits de l’homme. La prudence est de mise parce que la situation budgétaire des pays créanciers ne permettra pas un nouvel épisode d’annulation massive des dettes publiques.

Allègement de la dette 

La réduction de la dette du Congo était la résultante des efforts considérables dans le cadre du programme économique appuyé non seulement par les institutions de Bretton Woods, mais aussi par les partenaires bilatéraux (Belgique, France, Grande-Bretagne, Japon, États-Unis…). Le Congo avait accédé au point d’achèvement de l’Initiative pays pauvres très endettés (PPTE) en décembre 2003. Il avait été atteint en juin 2010 grâce à la discipline budgétaire et à des réformes structurelles. La dette extérieure, qui s’élevait à quelque 13,7 milliards de dollars, avait été alors ramenée à 2,97 milliards après le satisfecit des institutions de Bretton Woods sur le respect de l’ensemble des conditionnalités.

L’allègement de la dette due aux Club de Paris et de Londres devait être suivi par des négociations bilatérales pour chiffrer la hauteur des réductions. La Belgique avait été la première à annuler la dette (près de 773 millions de dollars) du Congo. Son élan avait été suivi par la France (près d’un milliard), la Suède (158 millions), le Brésil (900 millions pour 12 pays africains), le Japon (plus d’un milliard). Mais aussi par les États-Unis, l’Autriche, l’Italie, les Pays-Bas qui avaient effacé tout ou partie de la dette dans le cadre de la coopération bilatérale. Le processus des réformes recommandées était destiné à faire éviter au pays le retour à la dette extérieure. Il était fondé sur les neuf exigences de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) en vue de l’amélioration de la gouvernance économique et de la transparence.

Ultime recours 

La remise de dette était une panacée parce qu’elle a permis de réaffecter les ressources, jadis destinées au service de la dette, à l’amélioration des services dans les secteurs prioritaires : santé, éducation, eau, assainissement, agriculture, développement rural et infrastructures. Elle a également contribué à assainir les comptes publics, rétablir la capacité d’endettement et rouvrir les portes des marchés financiers. Mais attention. « La capacité d’endettement retrouvée ne devrait en aucune manière être comprise comme une licence à s’endetter à nouveau de manière inconsidérée », prévenait le président Joseph Kabila dans un discours sur l’état de la nation. Quant à la négociation de nouveaux prêts, « elle devrait, dans tous les cas, constituer une solution de dernier recours », ajoutait-il. À bien considérer, les ressources importantes dont dispose le pays, si elles sont bien utilisées, devraient le dispenser de devoir absolument s’endetter pour son développement. C’est l’objectif à atteindre. Dans ce cadre, le gouvernement s’est engagé à consolider la stabilité du cadre macroéconomique, à construire et moderniser les infrastructures de base, à diversifier et intégrer l’économie. Pour y parvenir, les bailleurs de fonds recommandent à l’État de mettre en avant la bonne gouvernance, le respect des droits de l’homme et la promotion du statut des femmes. Ils veillent à l’application de toutes les réformes.