Les industries extractives face au défi de la protection de l’environnement

Les entreprises qui exploitent le sol et le sous-sol congolais sont souvent accusées de polluer l’atmosphère et les rivières, au préjudice des populations locales, malgré l’existence de textes légaux qui régulent leurs activités. 

Novembre 2013. Relayant les plaintes de la population de Muanda, au Bas-Congo, le Sénat publie un rapport accusant la compagnie pétrolière française Perenco de polluer, à un niveau élevé, l’air, le sol et l’eau, par ses activités dans cette partie du pays. Cet unique exploitant d’or noir sur l’ensemble du territoire serait responsable, selon le rapport, du rejet de produits chargés dans l’océan Atlantique et d’émission de gaz aux effets cancérigènes.

Après une forte pression internationale, le groupe britannique Soco International PLC a fini par renoncer à un projet d’exploitation pétrolière dans le parc des Virunga, en signant un accord avec le Fonds mondial pour la protection de la nature (WWF) en juin dernier. Déjà engagé dans l’étude sismique, Soco, qui a reçu le feu vert du gouvernement en 2010, était bien tentée à l’idée d’exploiter du pétrole éventuel dans un site protégé, classé au patrimoine mondial de l’Unesco pour son exceptionnelle biodiversité.

Le 18 juin, deux entreprises chinoises, la Compagnie minière de Luisha (Comilu) et Congo International Mining Corporation (Cimco), accusées d’être à l’origine d’une pollution ayant détruit les cultures des habitants de Kapolowe, au Katanga, ont indemnisé 248 cultivateurs en versant à chacun la modique somme de 500 dollars américains. Les entreprises incriminées déverseraient des déchets toxiques dans trois rivières de la région (Kalukina, Kasenshi et Kalumbubashi) qui servent à arroser les champs et à abreuver le bétail.

Ces exemples, comme bien d’autres, montrent bien qu’il se pose un sérieux problème de respect des normes environnementales dans la plupart d’industries extractives du pays.

« Toute activité humaine pollue. L’essentiel est de maintenir cette pollution à une proportion raisonnable », déclarait Crispin Atama, ministre des Hydrocarbures, fin mai. Les limites de cette proportion raisonnable ont déjà été dépassées par certaines entreprises. Selon la Plateforme des organisations de la société civile qui suit le secteur minier au Katanga, certaines activités ont provoqué la recrudescence de la pollution de l’air et de l’eau, car très peu de précautions sont prises à l’exploitation, au transport et au traitement des produits nocifs ou radioactifs. Le développement des projets miniers dans cette province, dit-elle, a occasionné des départs forcés des populations de leurs terres, souvent sans aucune indemnisation juste et équitable.

Des normes ignorées 

Pourtant, ce ne sont pas les lois qui manquent pour réguler le comportement des uns et des autres dans ce secteur. La loi relative à la conservation de la nature, promulguée le 11 avril 2014, définit des mesures générales de conservation de la diversité biologique et de l’utilisation de ses éléments constitutifs. Elle oblige les pouvoirs publics à définir des mécanismes de sensibilisation, d’information et de participation du public au processus d’élaboration et de la mise en œuvre de la politique nationale de la conservation de la biodiversité. Des études d’impact environnemental et social, préalables à tout projet de création d’aires protégées, la nécessité de l’implication des communautés locales dans ce processus, ainsi que le renforcement du régime répressif en vue d’assurer la protection des espèces, écosystèmes et habitats naturels, sont également prévus par le législateur. Mais, dans les faits, toutes ces normes sont souvent ignorées.

« Toutes les formes de pollution des eaux et de l’air atmosphérique et toutes les nuisances sonores et olfactives doivent être contrôlées, pour offrir à l’homme les meilleures conditions d’une vie saine », rappelle Josué Mubedi Ilunga, doyen de la faculté des sciences à l’Université pédagogique nationale (UPN). Etant l’un des initiateurs du Programme de renforcement des capacités de l’enseignement en sciences de l’environnement (PRCESE) associant l’Université de Genève, l’Université de Kinshasa et l’UPN, il soutient que le fonctionnement parfait des systèmes sensoriel, locomoteur, respiratoire et reproducteur de l’homme dépend de bonnes conditions sanitaires et hygiéniques.