Les industries forestières ont versé moins de 400 mille dollars au dernier trimestre 2016

Les chiffres publiés par le ministère des Finances sur les recettes de la production forestière font jaser. Des experts avancent qu’ils sont en nette inadéquation avec la production réelle des industries forestières. 

 

Le Trésor public a perçu juste 399 082,84 dollars du secteur forestier pour le quatrième trimestre de 2016, selon le ministère des Finances. En dépit du moratoire pour la conversion des titres forestiers et de l’aide logistique de l’Union européenne (UE) afin d’y mettre un terme, l’évasion des recettes se porterait bien. Et les pertes pour le pays seraient colossales, selon des observateurs. Les dernières enquêtes diligentées par le ministère de l’Environnement sur l’exploitation du bois révèlent un manque à gagner, en moyenne, de 5 millions de dollars en termes d’évasion des recettes.

Pour la Banque mondiale, par contre, les pertes dues à la fraude pour les pays forestiers s’élèveraient chaque année à quelque 15 milliards de dollars. Pour remédier à cette situation, l’UE apporte une aide logistique à la République démocratique du Congo pour qu’elle puisse mieux contrôler son industrie forestière. En termes logistiques, par exemple, l’UE avait doté, il y a un peu plus de deux ans, la Direction du contrôle et de la vérification interne du ministère de l’Environnement de panneaux solaires, dix-huit motos, deux canots rapides, des caméras, des appareils photographiques…

Alors que la production moyenne officielle du bois oscille autour de 210 000 m3 l’an, au ministère de l’Environnement, de la Conservation de la nature et du Tourisme, un rapport atteste cependant que « chaque année, en République démocratique du Congo, l’exploitation artisanale du bois à l’informel représente un manque à gagner de plus de 5 millions de m3, contre 300 000 m3 seulement dans le secteur industriel ».

Les droits de sortie du bois en grume n’ont, à titre d’exemple, rapporté que 382 millions de FC au dernier trimestre 2016, pourtant l’exportation du bois rouge au Katanga a explosé depuis l’an dernier. Des centaines de camions remplis de bois rouges ont été saisis à la frontière pour exportation frauduleuse. Cette année encore, fin mars, quelque 499 camions chargés de bois rouge, appartenant aux opérateurs forestiers congolais, ont été saisis en Zambie.

Ces derniers ont dénoncé cette situation, début avril, lors de leur rencontre avec le gouverneur du Haut-Katanga. Mais aucun rond n’a jamais été versé à titre d’amendes et pénalités à l’export dans le secteur forestier.

Pour trouver une réponse adéquate à cette épineuse question de traçabilité, les ministères de l’Environnement et de l’Économie ont pris la résolution d’adopter des stratégies pouvant aider à combattre, de manière drastique, l’exploitation illégale et le commerce illicite des bois dans les forêts congolaises. Une commission interministérielle, comprenant des experts des deux ministères, élargie à l’Office congolais de contrôle (OCC), a alors été mise sur pied, dans le but d’approfondir l’étude de cette problématique. Les réflexions et recommandations de cette commission auraient dû permettre à l’État de juguler le coulage des recettes dans le secteur forestier. Dommage que les décideurs se soient retrouvés cités dans des affaires de plus ténébreuses dans l’exportation du bois. L’affaire Homimex contre Tala-Tina,  deux entreprises qui se disputaient la propriété d’un gros lot de grumes, a étalé au grand jour la concussion qui gangrène l’administration au plus haut sommet.

La FIB plaide non-coupable

Le président de la Fédération des industriels du bois (FIB), Gabriel Mola Motya, avait, en son temps, vaticiné l’échec de la mise en application des propositions émanant de la commission interministérielle mise sur pied. Il a estimé en effet qu’il était possible, voire très simple, de retracer le parcours du bois depuis son abattage dans la forêt jusqu’à sa commercialisation. Mais la grande difficulté, selon lui, réside dans le non-respect de la réglementation en matière d’exploitation forestière. Cela occasionne, ipso facto, la fraude et un manque à gagner pour l’État congolais.

Le grand remède que propose Gabriel Mola à ces grands maux est l’application, sans complaisance, des textes existants.

C’est le cas de la loi régissant le secteur forestier qui ne reconnaît que deux catégories d’exploitants : les industriels ou les concessionnaires et les artisanaux. Cependant, elle pose problème, quant à sa mise en application, surtout dans son volet « exploitation artisanale ».

Un désordre savamment entretenu

Elle est systématiquement violée par les personnes censées la protéger. Elle stipule que l’exploitation artisanale est uniquement réservée aux nationaux, personnes physiques. Ces nationaux devront être agréés par un arrêté du gouvernement central ou provincial, et détenir un permis de coupe artisanale. La loi limite à 50 hectares, l’autorisation annuelle.

Pire, déplore le numéro un de la FIB, l’arrêté ministériel de 2007 sème un désordre savamment entretenu, en ouvrant l’exploitation forestière artisanale à tout le monde, sans distinction. « Pour quel intérêt avait-on signé cet arrêté ? », s’interroge le président Mola. Cet imbroglio entraîne l’illégalité et la fraude, estime-t-il. À Matadi, rapporte-t-on, quelque 1000 m3 de bois Wenge appartenant à un député national, avaient été saisis par la douane en intelligence avec le fisc, car l’« Honorable » ne s’était pas acquitté de ses taxes. Mais un coup de fil de ce député a suffi pour que la marchandise soit libérée.

Un récent rapport de l’ONU met à l’index plusieurs autorités, tant civiles que militaires, bien frappées de l’interdiction de faire le commerce, œuvrant dans ce secteur du bois.