Les ingérences politiques inhibent la maximisation des recettes

Avant même la tenue du Forum national sur la réforme du système fiscal, le ministère de tutelle avait sollicité du gouvernement la révision à la baisse du taux d’arrêtés interministériels en vue d’améliorer le climat des affaires et gagner plus.

 

Service d’assiette, le ministère du Commerce extérieur compte réaliser au moins 35 milliards de francs à fin 2017. En 2016, ses recettes qui sont recouvrées par la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et des participations (DGRAD) avaient frôlé les 20 milliards de francs. Lors de l’évaluation des réalisations à fin décembre 2016 du Commerce extérieur en collaboration avec les experts de la DGRAD, il a été noté que « les interférences politiques et multiplicité des exonérations », ont notamment empêché ce service d’assiette d’atteindre ses assignations.

« Entreprises difficiles »

Parmi les stratégies levées pour l’exercice 2017, les experts du commerce extérieur tablent non seulement sur l’organisation des missions d’encadrement et de suivi de la mobilisation des recettes du secteur en intelligence avec la DGRAD, mais surtout sur la sensibilisation des opérateurs économiques catégorisés « difficiles » suite aux ingérences politiques. De tous les services d’assiette, le commerce extérieur a la particularité de concentrer l’essentiel de ses recettes dans les amendes transactionnelles pour infraction à la législation sur le commerce.

Pour l’exercice 2017, le commerce extérieur escompte capter plus de 26 milliards de francs.

En 2015, les amendes transactionnelles ont rapporté plus de 17 milliards de francs contre des prévisions de plus de 9 milliards, soit un taux de réalisation de plus de 180 %. Au cours de l’exercice 2016, le taux de perception des amendes pour violation de la réglementation dans le commerce extérieur a été de plus de 82 %, soit des prévisions de 17,4 milliards de francs pour des recettes de 14,4 milliards de francs.

L’on se souviendra, le ministre du Commerce extérieur, Jean Lucien Bussa, a signé le 25 août des arrêtés interdisant l’importation du ciment gris et du clinker, des barres de fer des pays limitrophes ainsi qu’un autre arrêté interdisant l’exportation des mitrailles ferreux. A priori, ces décisions devraient entraîner un manque à gagner d’au moins deux milliards de francs. Ainsi de l’avis des analystes, le ministère du Commerce extérieur devrait gagner plus dans l’interdiction d’importation ou d’exportation des articles précités car la contrebande à grande échelle s’organiserait à court terme, et les amendes pour fraude s’alourdiraient davantage, singulièrement pour ce qui est des importations des bières alcooliques.

Exonérations

Mais hélas, il pleut dans le commerce extérieur congolais des exonérations obtenues par des méandres politiques. Même le directeur général de la Direction générale des douanes et accises (DGDA), Deo Rugwiza, l’a déploré, particulièrement dans les postes frontaliers de l’Est (Mahagi, Kasindi…) où, bien souvent, selon ses dires, sortent et entrent des camions remplis de diverses marchandises sous escorte des éléments lourdement armés des forces de l’ordre.   Le gouvernement s’est cependant engagé à organiser des missions de contrôle mixtes DGI-DGDA afin de faire la lumière sur l’origine des produits vendus sur le territoire national ainsi que le renforcement de contrôle de destination de mise en œuvre des marchandises exonérées.

Il sera notamment question de faire le suivi électronique des cargaisons grâce à une application du COMESA. La mise en place de la phase expérimentale s’effectue sur le tronçon Kongo-Central /Kinshasa, le suivi de régularisation des déclarations incomplètes ainsi que la mise en œuvre des programmes de sécurisation des frontières dont Kasumbalesa sur le corridor zambien, Kasindi dans l’Est sur la frontière ougandaise et, naturellement, Lufu à la frontière angolaise. Des sources généralement bien informées rapportent également la mise en œuvre de la mesure relative au port d’arme au profit de la brigade douanière dans le cadre du renforcement de l’application du décret n°036/2002 du 28 mars 2002 désignant les services habiletés à œuvrer aux frontières.

Taxes non douanières 

L’autre grande source de revenus du service de commerce extérieur relève du droit administratif. Il s’agit de la taxe (non douanière) sur les opérations d’importation. Curieusement, aucune assignation, comme il est usage, n’est collée à cette taxe depuis au moins 2015. Année au cours de laquelle la taxe  non douanière sur les opérations d’importation a rapporté plus de 5 milliards de francs. Et en 2016, plus de 4.3 milliards de francs. Cependant pour l’exercice 2017, le gouvernement a levé l’option d’attribuer des assignations à la dite taxe, soit environ 8 milliards de francs.

Autres actes générateurs de recettes, la taxe sur le numéro import/export (personne physique/personne morale). Les assignations pour l’exercice 2017 sont de l’ordre de 396 millions de francs. Au cours des deux précédents exercices, le commerce extérieur a tablé sur des prévisions de plus de 2 milliards de francs, mais les réalisations n’ont jamais dépassé les 10 % des assignations.  En 2015, les attentes ont été de plus de 2 milliards de francs pour des revenus de quelque 258 millions de francs et en 2016, les prévisions ont été d’environ 2 milliards de francs mais les réalisations ont été de quelque 217 millions de francs.

Par contre, les ventes résiduelles des établissements non marchands, dont la vente du Mercuriale des prix à l’exportation ou encore la vente de la revue de commerce ne sont plus d’aucun apport financier pour le commerce extérieur.

En tout cas, selon un rapport de la DGRAD, ces actes générateurs de recettes n’ont plus rien apporté depuis des années. Il sied de rappeler que la Chine est devenue, depuis une quinzaine d’années, le premier partenaire commercial de la RDC, surclassant la Belgique et la France. Mais les statistiques des volumes de change ne sont guère fiables, de l’avis des experts. Il convient de rappeler également que les principaux produits d’exportation de la RDC demeurent les mines, les hydrocarbures et les bois.

Le Fonds monétaire international (FMI) a fait part de bonnes perspectives dans le secteur des industries extractives pour 2017. Les recettes d’exportation des produits miniers, au deuxième trimestre 2017, se sont chiffrées à 161 millions de dollars. Les pétroliers producteurs ont versé à la DGI, la DGRAD et la DGDA, plus de 100 millions de dollars, durant le premier semestre 2017.

Les recettes des ressources forestières (grumes, bois sciés, etc.), deuxième trimestre 2017,  se chiffrent à plus de 500 mille dollars. Cependant, les experts du secteur redoutent que la décision prise par le gouvernement d’interdire l’importation du bois grume ne ralentisse encore la reprise dans ce secteur comme en 2016.

Côté import, la RDC importe tout, de la bière aux appareils électroménagers même des made in Luanda ou Nigeria, du ciment et des vêtements fabriqués en Chine, etc. Pour autant, ces cinq dernières années, le commerce extérieur n’a jamais rapporté, au terme d’un exercice budgétaire, 20 milliards de francs au Trésor public. Trop d’exonérations sous la couverture des politiques.