Les offres des pays voisins hypothèquent la relance de la sucrerie de Kiliba

Les Nord et Sud-Kivu, le Maniema et l’espace Kasaï constituent les principaux consommateurs de sucre rwandais dont les exportations, depuis 5 ans, titillent les 10 millions de dollars l’an en moyenne. 

LES EXPORTATIONS du sucre rwandais pourraient atteindre les 35 millions de dollars à fin 2018. Autre exportateur de sucre vers la République démocratique du Congo, la Société sucrière de Moso (SOSUMO) du Burundi ou encore les trafiquants « officieux » tanzaniens. 

Pourtant, les provinces et les régions précitées constituaient une zone exclusive de commercialisation de la Sucrerie de Kiliba. Situé à quelques encablures de la ville d’Uvira, au Sud-Kivu, la Sucrerie a longtemps tenu la position dominante sur le marché régional du sucre. Il y a un mois, de passage à Uvira, Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre a promis de relancer l’usine, question de redorer l’image de l’État après un chapelet des promesses non tenues, près de 10 ans après la décision de l’État de se désengager de la sucrerie.  

Le couac du COPIREP

Dans le cadre de la réforme des entreprises du portefeuille menée par le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP), la Sucrerie de Kiliba, dont les activités étaient tombées en marasme depuis 2008, a été liquidée en 2011 ainsi que celle de Lotokila, dans l’ex-Province Orientale. Pourtant en 2017, quelque 888 772 508 FC ont été prévus, dans la loi de finances publiques pour la réhabilitation de la sucrerie, mais aucun rond n’a été décaissé. Dans le cadre de l’exercice budgétaire 2018, le ministère du Portefeuille a quand même obtenu 11 000 000 000 FC sur les 27 249 312 501 FC sollicités pour faire à nouveau ronronner l’usine sucrière de Kiliba. Mais les états de suivi budgétaire rendus publics par le ministère du Budget, mi-août, ne reprennent nulle part un décaissement des fonds en faveur de la Sucrerie de Kiliba. Bien avant ces tentatives répétées et sans succès d’une relance sur ressources propres de l’État, des privés ont tenté de reprendre la Sucrerie mais se sont heurtés aux chinoiseries administratives des pouvoirs publics. 

Partenariat public-privé

En 2009, le gouvernement par le biais du ministère de l’Agriculture conclut un partenariat public-privé, avec Kotecha et Sucraf. Un projet de création d’une pépinière de 200 hectares de cannes à sucre en vue d’une mise en production endéans 24 mois, a-t-on appris. Mais suite à un malentendu non élucidé à ce jour, le gouvernement et ses associés se séparèrent. 

Officiellement, les actionnaires Kotecha et Sucraf n’ont pas pu disposer des fonds nécessaires pour la relance de la Sucrerie de Kiliba. L’État n’aura alors plus d’autres solutions que d’engager une procédure de dissolution et de liquidation de la société dénommée alors « Office national du sucre » dans l’espoir de trouver un repreneur à la sucrerie. 

Le tanzanien NansoroSuper Group of Companies, leader régional dans la production du sucre, reprend, à travers sa filiale Nansoro, la Sucrerie de Kiliba pour un montant qui n’a jamais été révélé par le gouvernement qui détient 80 % des parts de la Sucrerie. D’ailleurs, le partenariat avec le groupe sucrier tanzanien connaît ses premiers heurts, quelques mois après sa signature. 

Entre 2012 et 2013, l’on assiste à une guerre des nerfs entre le gouvernement de la RDC et Super Group, ce dernier accusant la RDC de ne pas apporter sa part de financement pour la relance de la Sucrerie de Kiliba, débaptisée depuis « Sucrerie du Kivu ». 

Diktat tanzanien

Toutefois, le groupe tanzanien a entrepris à ses frais la réhabilitation de la sucrerie avec les travaux de mise en place d’une nouvelle pépinière de 350 hectares de cannes à sucre importées de Kagera Sugar en Tanzanie. Et en revanche, elle reprend non seulement 51 % de la Sucrerie et rembauche moins de 10 % des effectifs de la Sucrerie de Kiliba, soit 250 sur les 3 000 agents répertoriés en 2008. Les Tanzaniens reprennent aussi le patrimoine immobilier de la Sucrerie de Kiliba, dont des villas desquelles sont déguerpis des anciens cadres. 

Il sied de rappeler que, à l’instar de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC), la sucrerie jouissait du monopole de la production et de la commercialisation du sucre dans le Kivu, le Katanga et les deux ex-Kasaï Oriental et Occidental. Mais la nouvelle acquéreuse de la sucrerie ne saura pas atteindre son objectif de produire le premier sachet de sucre en 2014, après 6 ans de fermeture. 

Il y a un peu plus d’un mois, le 19 août, en marge des jeux de la jeunesse des Grands lacs, le 1ER Ministre a fait le déplacement de l’ex-Sucrerie de Kiliba. L’État y est devenu actionnaire minoritaire avec 49 %, contre 80 %, il y a dix ans. La désormais Sucrerie du Kivu projette pour début 2020 sa première production estimée à des dizaines de milliers de tonnes depuis sa relance et espère pouvoir créer jusqu’à 7 200 emplois. 

Mais, pour ce faire, les employés congolais de la sucrerie tenue à 51 % par le tanzanien Sansoro, ont sollicité non seulement la sécurisation des installations de la sucrerie mais surtout la réadmission de leur société au budget d’intervention économique de l’État. Bruno Tshibala a promis de traiter avec diligence la demande de cette entreprise, jadis fleuron de l’économie du Grand Kivu dont la renaissance permettrait de lutter par les emplois contre les groupes armés qui écument la région. 

Créée en 1956 par le Baron belge Kronacker, la superficie du domaine de la Sucrerie du Kivu est de 7 618 hectares, dont la majeure partie est marécageuse. La production annuelle de la sucrerie se situait entre 15 000 et 19 000 tonnes. La production a nettement chuté au milieu des années 1990 du fait de l’insécurité liée à la guerre d’agression qui a abouti à la prise du pouvoir par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération (AFDL) en 1997. 

La production du sucre à Kiliba était alors de 900 t. La gestion à tâtons de nouveaux venus des entreprises du Portefeuille ne pouvait guère sauver la sucrerie, qui dix ans après, cesse toute activité. Attendons voir, d’ici 2020, si le Tanzanien Sansoro saura produire derechef du sucre dans l’ex-Kiliba.