Les premiers mots d’Adesina Akinwumi après sa réélection à l’unanimité

C’est un fait inédit dans les annales de la BAD créée il y a 56 ans. Le Nigérian a été réélu le 27 août dernier à la présidence du Groupe de la Banque africaine de développement. Occasion pour lui de remercier pour leur formidable soutien et pour leur marque de confiance tous les actionnaires mais aussi les gouverneurs.

« Je vous en suis extrêmement reconnaissant », a déclaré Adesina Akinwumi lors de son discours d’investiture le 1er septembre à Abidjan où est le siège de la Banque africaine  de développement (BAD) devant un parterre d’invités de marque, parmi lesquels d’anciens chefs d’État ou en fonction. Adesina Akinwumi s’est dit surtout reconnaissant pour la possibilité qui lui est offerte de servir l’Afrique avec passion, au mieux de ses capacités. Ce sont là ses premiers propos dans un discours très émouvant.

C’est grâce à « l’incroyable décision » de tous les gouverneurs, de tous les actionnaires de la BAD, représentant 81 pays à travers le monde qu’Adesina Akinwumi se sent porter par ce socle commun : « Vous m’avez réélu avec 100 % des suffrages des actionnaires régionaux et non régionaux de la Banque – sans la moindre abstention. C’est un fait inédit dans les 56 années d’histoire de la Banque… Quel honneur ! Quelle confiance ! Et surtout quelle affirmation solennelle ! » Il a rendu hommage aux actionnaires, qui ont « mis en évidence le niveau d’exigence exceptionnellement élevé de la Banque africaine de développement et son engagement en faveur de la transparence et de la bonne gouvernance institutionnelle ». 

Une nouvelle voie

Au cours des cinq dernières années, depuis qu’il a été élu pour la première fois à la présidence de la BAD, il a rappelé la nouvelle voie pour l’Afrique tracé ensemble avec les actionnaires. D’après lui, cette voie a fait naître un espoir plus fort pour le développement du continent. En effet, a-t-il indiqué, les Cinq grandes priorités ou High 5 de la BAD (à savoir éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie ; nourrir l’Afrique ; industrialiser l’Afrique ; intégrer l’Afrique ; et améliorer la qualité de vie des populations africaines) qui ont été définies pour accélérer le déploiement de la Stratégie décennale, ont été mises en œuvre avec détermination, diligence et rigueur. 

« Les High 5 sont déployés sur le continent et sont devenus incontournables pour accélérer le développement de l’Afrique. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a notamment indiqué que la concrétisation de ces Cinq grandes priorités permettrait de réaliser 90 % des ODD et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine », a-t-il déclaré dans un air de bilan. En effet, au cours des cinq dernières années, la BAD a obtenu des résultats exceptionnels au titre de ces High 5 : 18 millions de personnes ont été raccordées au réseau électrique ;  141 millions de personnes ont bénéficié de technologies agricoles améliorées pour la sécurité alimentaire ; 15 millions de personnes ont bénéficié d’un accès à des financements provenant d’investissements privés. Ce n’est pas tout : 101 millions de personnes ont bénéficié d’un accès à des infrastructures de transport améliorées ; 60 millions de personnes ont bénéficié d’un accès à l’eau et à l’assainissement. 

Bref, la BAD a obtenu des « résultats impressionnants ». Le programme des High 5 a eu un impact sur la vie de 335 millions de personnes, a fait remarquer son président. « C’est ce que s’efforce de faire la Banque africaine de développement, votre Banque : avoir un impact sur les populations ». Par ailleurs, les opérations non souveraines pour le secteur privé ont augmenté de 40 %, passant de 1,5 milliard de dollars en 2015 à 2,1 milliards de dollars en 2019, le plus haut niveau ayant été atteint en 2016 avec un montant de 2,5 milliards de dollars. 

Depuis la COP 21 à Paris, la BAD a pris en compte le climat dans ses opérations. Le financement de la BAD pour le climat est passé de 9 % (lorsqu’Adesina Akinwumi a été élu en 2015) à 36 % en 2019, soit une augmentation de 400 %. « Nous avons maintenant pour objectif d’atteindre 25 milliards de dollars de financement climatique d’ici 2021 », a indiqué le président réélu de la BAD.

Novatrice et révolutionnaire

Grâce à une initiative novatrice et révolutionnaire, le Forum pour l’investissement en Afrique, organisé en 2018 et 2019, la BAD a pu susciter « des intérêts d’investissement » d’une valeur combinée de 78,8 milliards de dollars en Afrique. « Dans chaque pays, les effets de la Banque se font sentir. Nous avons étendu notre présence à 44 pays, y compris dans les États fragiles. Le personnel de la Banque risque sa vie pour remplir notre mission. Et nous en faisons plus pour les femmes grâce à la mise en œuvre de l’action positive pour le financement en faveur des femmes (AFAWA), l’objectif étant de mobiliser 3 milliards de dollars pour les femmes et les entreprises féminines », a souligné Adesina Akinwumi.

En plus, a-t-il rappelé, la BAD a lancé un Fonds fiduciaire pour l’égalité des sexes, « le premier jamais créé à la Banque », et a fait des progrès en ce qui concerne les marqueurs de genre pour tous ses projets. « Nous devons continuer à soutenir fermement les femmes. Lorsque les femmes gagnent, c’est l’Afrique qui gagne ! », a-t-il mentionné. « Gagner pour le développement de l’Afrique », telle est la mission que les actionnaires ont confiée au président de la BAD.

Les actionnaires ont soutenu l’augmentation générale « historique » du capital de la BAD, qui l’a porté de 93 milliards de dollars à 208 milliards de dollars. Il s’agit d’une augmentation de 115 milliards de dollars, la plus importante jamais enregistrée dans l’histoire de la Banque. Les actionnaires ont également soutenu fortement une augmentation de 32 % des ressources de la 15è reconstitution du Fonds africain de développement (FAD), en faveur des pays à faible revenu et les États fragiles. Aujourd’hui, les pays du FAD reçoivent des ressources 700 % plus importantes qu’en 2015. 

« Nous optimisons nos ressources pour répondre aux attentes de nos actionnaires. La Banque affiche le coût d’intervention le plus bas parmi toutes les banques multilatérales de développement. Le Fonds africain de développement a également été classé comme la 2è institution de financement concessionnel la mieux gérée dans le monde », a encore déclaré Adesina Akinwumi. Et de poursuivre : « Au cours des cinq dernières années, nous avons conservé notre notation AAA auprès des trois principales agences de notation – grâce à votre soutien extraordinaire et continu en tant qu’actionnaires. 

Le Réseau d’évaluation du rendement des organisations multilatérales, également connu sous le nom de MOPAN, a classé la Banque africaine de développement en première position au même titre que la Banque mondiale. Publish What You Fund a classé la Banque au 4è rang mondial sur le plan de la transparence. » 

Banque très réactive

Dès le début de la crise de Covid-19, le Conseil d’administration de la BAD a approuvé une facilité de réponse de 10 milliards de dollars pour faire face aux investissements immédiats et aux projets des pays, en particulier pour contenir les effondrements budgétaires. « Nous avons lancé un emprunt social de 3 milliards de dollars sur le marché mondial, soit le plus important emprunt social libellé en dollars américains jamais lancé dans le monde. 

Ces actions traduisent nos ambitions, notre engagement inébranlable et notre responsabilité indéfectible pour soutenir, stabiliser et renforcer les économies africaines », a déclaré le président de la BAD.

D’après lui, la pandémie de Covid-19 a tout changé dans le monde : « Elle a rongé la croissance de l’Afrique. Le continent a vu fondre les gains accumulés et la croissance économique qu’il avait pu créer au cours de la dernière décennie. La convalescence de l’Afrique sera donc longue et difficile. Aujourd’hui, nous devons l’aider à se reconstruire avec audace, mais aussi avec intelligence, en veillant attentivement à la qualité de cette croissance : notamment dans les domaines de la santé, du climat et de l’environnement. »

Et de poursuivre : « À l’avenir, la Banque, en collaboration avec son conseil d’administration, accordera une attention particulière au soutien de l’Afrique avec des infrastructures de soins de santé de qualité et s’efforcera de tirer parti de son avantage comparatif en matière d’infrastructure. Les travaux de la Banque en matière d’infrastructures se concentreront sur les infrastructures économiques, physiques et sanitaires de qualité. »

Adesina Akinwumi précise que la pandémie de coronavirus « offre de nouvelles opportunités » et a remis aux centres des discussions l’impérieuse nécessité de « renforcer les capacités de production, le développement industriel et les chaînes de valeur industrielles indispensables de l’Afrique. La BAD doit donc soutenir cet élan avec « des infrastructures et des politiques favorables ». Elle se penchera particulièrement sur les chaînes de valeur industrielles régionales et le renforcement des marchés financiers pour développer le commerce et la compétitivité entre les régions et stimuler la zone de libre-échange continentale africaine.

Les défis à venir 

Il ne fait aucun doute, a renchéri Adesina Akinwumi, que les défis à venir sont encore nombreux, notamment la pauvreté, les inégalités, la fragilité, le chômage élevé des jeunes, les importants déficits dans le financement des infrastructures et la gestion durable de la dette. Et il se veut rassurant : « Alors que nous nous tournons vers l’avenir, permettez-moi de vous assurer que la Banque jouera un plus grand rôle dans le dialogue sur les politiques avec les pays. Nous soutiendrons une gestion durable de la dette, stimulerons la croissance verte et accélérerons la promotion de l’emploi des jeunes sur le continent. » 

Vu sous cet angle, plus que jamais, la BAD entend élargir les partenariats dans plusieurs domaines : la finance, le savoir, l’investissement, et construire des partenariats inclusifs plus solides avec la société civile, les universités et les centres d’excellence du savoir. « Nous attirerons et orienterons davantage de capitaux mondiaux vers l’Afrique, en réunissant des investissements à travers le monde pour répondre aux besoins du continent. La Banque mettra à profit sa réputation, ses connaissances et ses ressources pour aider à faire plus et mieux pour l’Afrique. Nous renforcerons l’impact du Forum pour l’investissement en Afrique et en ferons un moteur essentiel du partenariat d’investissement audacieux qui vise à faire avancer le continent », a dévoilé le président de la BAD.

Qui s’engage à « veiller à ce que le potentiel de la jeunesse africaine soit pleinement libéré ». À cet égard, a-t-il, souligné, la BAD soutiendra la création de banques d’investissement pour les jeunes entrepreneurs. « Ces banques aideront à mobiliser et à déployer des capitaux pour stimuler l’esprit d’entreprise de la jeunesse africaine, de manière systémique, évolutive et durable. L’ombre menaçante du chômage des jeunes et de leur migration hors d’Afrique doit laisser place à un arc-en-ciel d’entreprises prospères dirigées par des jeunes à travers l’Afrique. La jeunesse africaine doit rester en Afrique. Elle doit développer l’Afrique et dessiner son avenir », a lancé Adesina Akinwumi.

Et d’ajouter : « Nous nous appuierons sur les grands succès que nous avons obtenus dans le domaine de l’agriculture, en diffusant des technologies qui permettront d’aider des dizaines de millions d’agriculteurs, et en contribuant à la construction de chaînes de valeur agricoles compétitives. Nous apporterons de la valeur ajoutée à ce que nous produisons en Afrique et offrirons des opportunités en matière de créativité et de technologie qui faciliteront l’engagement massif des jeunes dans l’agriculture et l’agro-industrie. »

Une Afrique prospère

L’avenir invite la BAD à être plus réactive et plus sélective, à s’appuyer sur ce qui fonctionne déjà et à renforcer ses propres capacités institutionnelles et humaines. « Notre Banque doit garantir sa propre viabilité financière à long terme pour stimuler davantage la croissance de l’Afrique, l’approfondir et l’accélérer dans les années à venir. Nous devons concrétiser notre rêve de voir une Afrique plus prospère. Une Afrique en meilleure santé. Une Afrique plus résiliente. Une Afrique plus développée. 

En 2015, élu pour la première fois, Adesina Akinwumi avait une vision. Cinq ans plus tard, il a encore la vision de capitaliser sur ses réalisations collectives au cours des cinq prochaines années. « Une vision pour bâtir un Groupe de la Banque africaine de développement beaucoup plus fort et plus résilient, avec le leadership et la capacité d’avoir un impact de qualité encore plus important sur les populations africaines, tout en restant financièrement solide et viable. 

La BAD se concentrera donc sur les éléments suivants : institution, gestion des personnes, résultats et viabilité. Chacun d’entre eux est résumé dans les cinq domaines qui épousent les contours des High 5 programmatiques pour transformer le paysage du développement en Afrique. Il s’agit de promouvoir une institution plus forte ; renforcer les capacités humaines ; renforcer l’efficacité ; approfondir la qualité et l’impact ; et maintenir la viabilité financière.

Comme une institution plus forte, Adesina Akinwumi s’engage à renforcer la capacité institutionnelle ; améliorer les ressources humaines ; mettre en place une infrastructure informatique de premier plan pour améliorer l’efficacité et la productivité à l’ère du numérique ; renforcer la responsabilité, la supervision et la conformité ; et promouvoir une plus grande culture de la performance.

En matière de renforcement des capacités humaines, être l’employeur de choix en Afrique ; recruter et fidéliser les meilleurs talents ; améliorer l’expérience du personnel et les propositions de valeur ; améliorer le développement de carrière et la mobilité. En ce qui concerne le renforcement de l’efficacité, améliorer la réactivité vis-à-vis des clients ; décentraliser la prise de décision ; mettre en place des systèmes et des processus plus efficaces ; et améliorer le rapport coût-efficacité et optimiser les ressources. 

À propos de l’accélération de la qualité et de l’impact, mener des opérations de qualité ; renforcer le dialogue sur les politiques, les connaissances et la gestion de la dette, renforcer les sauvegardes environnementales et sociales ; et accélérer l’impact sur le développement. Enfin, sur la viabilité financière, stabiliser les ratios prudentiels ; promouvoir une culture de l’efficacité concernant les coûts ; équilibrer les objectifs de développement et la viabilité financière ; optimiser le bilan de la Banque ; mobiliser des capitaux privés à l’échelle mondiale pour compléter les ressources de la Banque ; et veiller à ce que la Banque obtienne sa propre note intrinsèque « AAA » en vue de la viabilité à long terme.

« Avec le soutien inconditionnel des chefs d’État et de gouvernement africains, des gouverneurs de la Banque, des ministres des Finances, du conseil d’administration et du personnel, nous serons prêts à partir d’aujourd’hui, et à poursuivre notre travail collectif pour obtenir des résultats encore plus importants dans le sillage de nos High 5… Pour l’avenir, œuvrons pour une Afrique plus développée et à une Banque africaine de développement beaucoup plus forte et plus résiliente. En cette époque qui est la nôtre, l’Afrique doit briller comme la lumière du soleil. Ensemble… unis, nous y parviendrons. »