Les propriétaires litigieux rattrapent leur retard de remboursement

La recette est payante. Menacés de voir leurs minibus « Esprit de vie » repris et réattribués à d’autres, les acquéreurs s’empressent de payer les arriérés dans le remboursement du crédit. 

À cause de ces minibus, les taxi-bus « Esprit de mort » tendent à disparaître du trafic.
À cause de ces minibus, les taxi-bus « Esprit de mort » tendent à disparaître du trafic.

  La menace semble avoir été prise au sérieux. Les minibus de marque Hyundai County appelés communément « Esprit de vie », saisis et garés au poste de police de l’Échangeur de Limete, ne seront plus réattribués à d’autres membres de l’Association des propriétaires de véhicules affectés au transport en commun au Congo (APVECO). Les propriétaires ont rattrapé les retards de remboursement constatés au dernier trimestre de cette année. Et ils ont commencé à les reprendre. De la dizaine de bus immobilisés au poste de police, il n’en reste plus que cinq. S’ils n’avaient pas récupérés, ils auraient été cédés à d’autres membres de l’association, indique Moïse Kabeya, président de l’APVECO.  Jean-Pierre Felo, secrétaire général adjoint de l’APVECO, rappelle que, aussi longtemps que les acquéreurs des bus n’auront pas encore remboursé la somme due à l’État, ils n’en pas encore propriétaires.

Jusque-là une propriété de l’État

Le dossier des remboursements est géré par le cabinet comptable Price Waterhouse Coopers qui représente les intérêts du gouvernement. Dans les clauses du contrat, c’est ce fiduciaire qui met en demeure tout acquéreur de véhicule qui ne s’acquitte pas de ses obligations financières. Il est prévu que, dix jours après la mise en demeure, le véhicule soit retiré par le biais d’un huissier de justice, si l’acquéreur litigieux ne s’exécute pas.

Dans l’ensemble, rassure Jean-Pierre Felo, tous les acquéreurs honorent leurs engagements. Le remboursement mensuel (1 200 dollars) se poursuit jusqu’à l’apurement qui interviendra dans trois ans. Un acquéreur précise pour sa part que le remboursement est en réalité de 1 210 dollars par mois dans deux comptes différents. Dans le premier compte, celui du remboursement du crédit, le versement est de 1 021 dollars, tandis que dans le second compte, les transporteurs versent 189 dollars qui sont destiné au fonctionnement de leur association.

Voilà une année et deux mois que les bus « Esprit de vie » circulent à Kinshasa. Le gouvernement a dû débourser environ 14 millions de dollars pour en acheter 250. Après une évaluation en mars, Justin Kalumba, le ministre des Transports et Voies de communication, avait affirmé que le gouvernement a déjà recouvré 2,5 millions de dollars. Cet argent versé dans un compte public spécial permet de pérenniser le processus. L’exécutif a aussi de commander soixante nouveaux bus. Pour se procurer les bus, les acquéreurs ont dû verser 8 550 dollars, soit 15 % de 57 000 dollars. C’est d’ailleurs l’une des conditions reprises dans le contrat. Le gouvernement avait accepté de payer les sommes manquantes pour aider les acquéreurs. « Ce minibus a coûté au gouvernement 63 684 dollars et il a ainsi pris sur lui 6 000 dollars par véhicule comme subvention sans compter les exonérations à l’importation. Ce même minibus est vendu à Kinshasa, par le même concessionnaire, grâce au régime exceptionnel d’allègements fiscaux édictés par le gouvernement, à 78 800 dollars », avait indiqué Justin Kalumba, lors de la remise des bus aux opérateurs privés du secteur des transports, en septembre 2014.

Le versement des bus « Esprit de vie »

Contrairement à ce qui se raconte à Kinshasa, les minibus « Esprit de vie » n’ont pas un taux de recette prédéfini. Jean-Pierre Felo et trois autres opérateurs le confirment. Le versement idéal du chauffeur varie entre 100 000 et 120 000 francs. « On estime qu’un bus peut vendre entre 150 et 220 billets par jour. Cela dépend de la ligne et de l’heure à laquelle le bus commence à circuler. Toute la recette journalière appartient au propriétaire », indique Jean-Pierre Felo. Au quotidien, un bus effectue entre douze et quatorze rotations (aller et retour), sans compter les embouteillages. Par jour, tous les minibus ne mettent pas la même quantité de carburant. Le plein de réservoir varie, selon la ligne exploitée, autour de 70 000 et 90 000 francs. C’est l’association qui attribue les lignes. L’APVECO  a prévu pour l’équipage, le conducteur et le receveur, une collation de 5 000 francs par jour et par individu.

 La ruée vers l’« or »

Depuis l’octroi du premier lot de véhicules, le nombre d’adhérents et d’aspirants acquéreurs a plus que quadruplé. Actuellement, l’APVECO compte 964 membres, alors qu’avant l’acquisition des bus ils étaient moins d’une centaine. Cette affluence a poussé les responsables de l’association à renforcer les conditions d’adhésion. De 15 dollars, les frais sont passés à 50. En outre, le requérant doit faire une demande manuscrite expresse, en joignant une attestation de résidence, un extrait bancaire et une attestation de mariage.

Même si le gouvernement tient à trouver progressivement des solutions aux problèmes des transports en commun, le pari est encore difficile à tenir. Avec l’arrivée des bus de la Société de transport du Congo (Transco) et « Esprit de vie », il a néanmoins réussi à faire disparaître les bus Mercedes 207 de certains tronçons. Par exemple, les « Esprits de mort » se sont complétement retirés de l’axe UPN-Victoire. Ces derniers temps, on les trouve nombreux sur la ligne UPN-Rond-point Ngaba où ils se sont « retranchés », surtout parce que Transco a retiré ses bus de cette ligne. D’autres minibus 207 préfèrent la ligne Gambela-Pompage ou Kingasani-Marché central. Leur disparition, définitive apparemment, n’est pas pour demain. L’an passé, un délai avait été accordé à leurs propriétaires  pour qu’ils remplissent un certain nombre de conditions. Entre autres, ils devaient amener leurs véhicules au contrôle technique, les peindre aux couleurs recommandées par la ville et y placer des sièges à la place de bancs. Dès lors, personne n’a plus parlé de cela. Toutefois, le gouvernement est dans l’obligation de multiplier des stratégies afin de résoudre l’équation de la mobilité à Kinshasa. Même mis ensemble, les véhicules de Transco, « Esprit de vie » et de la Régie de transport de Kinshasa (RETRANSKIN), n’atteignent pas mille bus. Une étude récente menée par la Banque mondiale révèle qu’avec une population avoisinant 10 millions d’habitants, Kinshasa a besoin d’au moins 5 000 bus. En 2005, une autre étude avait été réalisée par l’Agence japonaise pour la coopération internationale (Jica). Selon elle, il faudrait pour la capitale 5 015 unités de transport pour un coût de 315 millions de dollars. La même étude ajoute que chaque jour environ 5 millions de déplacements se font à Kinshasa dont la moitié se fait en bus.