Les recommandations du forum

Au terme des échanges et débats, la finalité des discussions était d’arriver à formuler des orientations concrètes, sur base desquelles différents projets des textes législatifs et/ou réglementaires seront préparés pour être soumis au gouvernement en vue de leur approbation et au Parlement.

 

La session parlementaire de septembre est essentiellement budgétaire. Le moment s’y prête bien pour parler réforme fiscale. D’ailleurs, dans l’esprit du chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, la question devait être examinée et approuvée au Parlement pendant la session d’avril dernier. L’ambition et la volonté du gouvernement, a déclaré le ministre des Finances, Henri Yav Mulang, est de voir s’appliquer au cours de l’exercice 2018 un nouveau système fiscal qui « contribue à l’amélioration du climat des affaires, incite les investisseurs à s’engager nombreux dans notre pays et permette enfin l’exploitation du potentiel fiscal de notre économie ».

Le forum s’est éclaté en quatre ateliers : impôts ; douanes ; taxes, droits et redevances ; et organisations des administrations fiscales. Chaque atelier a examiné le sous-thème sur la base de différents exposés et s’est servi de la matrice intitulé « Synthèse de recommandations réélues pour analyser les critiques relevées et les compléter, le cas échéant ; examiner les recommandations formulées ; se prononcer sur les suggestions relevées au niveau de chaque recommandation. À la fin des travaux, les rapports des ateliers ont été présentés à la plénière. Ci-après, les recommandations de chacun des quatre ateliers.

Atelier n°1 : impôts

Les travaux dans l’atelier 1 ont porté sur les perspectives en matière de prélèvements des impôts. Les constats ont conduit aux recommandations suivantes : du point de vue des règles de fond, l’admission en déduction, sous certaines conditions, des provisions constituées par les entreprises en vue de faire face à des risques certains. Cette question devra être prise en charge dans le cadre de la prochaine loi portant instauration de l’impôt des sociétés ; maintenir l’imposition à l’impôt professionnel de 14 % à charge des prestataires de services non résidants même dans le cas des marchés publics à financement extérieur, car il s’agit d’un produit faisant partie du bénéfice de l’entreprise ; l’enrichissement des dispositions existantes en la matière de restructuration des entreprises qui sont jugées laconiques et ce, dans le cadre de la prochaine loi portant institution de l’impôt des sociétés ; l’examen de la possibilité d’instituer un taux, réduit en matière de TVA, pour les produits de grande consommation, sous réserve de la limitation de leur liste par voie législative et du renforcement, par voie de l’informatisation, de la capacité de l’administration à gérer une TVA à plus d’un taux ; l’examen de la possibilité d’admettre une déductibilité partielle de la TVA ayant grevé certains produits, jusque-là exclus du droit à déduction, en l’occurrence les produits pétroliers ; le maintien de l’imposition à l’impôt mobilier de la redevance payée pour l’utilisation du logiciel par les messageries financières ; le respect strict des délais en matière de remboursement des crédits TVA. Pour les crédits antérieurs, une solution devra être envisagée dans le cadre d’une concertation entre les entreprises concernées et l’État ; l’institution d’un impôt global sur les revenus des personnes physiques qui tiendra compte de tous les revenus réalisés par les personnes physiques qui échappent actuellement à l’impôt ;

le strict respect des dispositions légales en matière des exonérations ; l’intégration dans le code général des impôts de toutes les incitations fiscales et définir les critères clairs d’admissibilité ; la rationalisation des dépenses fiscales notamment en limitant leur champ au strict nécessaire et en anticipant sur leurs impacts réels sur l’économie nationale ; le renforcement du régime des sanctions à l’endroit des experts comptables en cas de certification des faux états financiers ; l’intégration dans la législation d’une obligation à charge du Conseil permanent de la comptabilité au Congo (CPCC) de communiquer aux administrations fiscales ses rapports d’analyse des états financiers lui fourni par les entreprises ; la formulation d’une politique de rémunération encourageante pour les agents ; l’alignement de la définition fiscale de la PME sur celle consacrée par le droit comptable OHADA ; la réduction du nombre de tranche du barème progressif d’imposition de 10 à 4 ; la requalification de l’impôt sur les bénéfices et profits sur les prestations de services réalisées par les non résidents en un impôt exceptionnel sur les prestations assurées par les non résidents et l’exonération à cet impôt de certaines prestations, notamment celles liées à la formation professionnelle ; la réduction du taux de l’impôt sur les bénéfices et profits de 35 à 30 % ; l’examen de la possibilité d’introduire dans la législation les exonérations en ce qui concerne le secteur agricole ; le maintien de l’impôt minimum de 1 % en cas de perte et de considérer le montant y relatif comme une perte reportable en cas de résultats déficitaires certifiés par l’administration ; la distinction entre le seuil d’assujettissement et le seuil de gestion des différents services opérationnels de manière à permettre la gestion de la TVA par les centres d’impôts synthétique ; l’institution de la procédure d’achat en franchise pour les acquisitions locales de certaines entreprises dans la phase d’implantation, en vue de diminuer le niveau des crédits de la TVA remboursable au profit des entreprises réalisant des investissement lourds ; envisager la possibilité de compenser les crédits de la TVA en faveur des assujettis et des autres créances fiscales à leur charge.

Du point de vue des règles des procédures, l’opérationnalisation des télé-procédures ; l’intensification de l’exercice du contrôle sur pièces et des contrôles ponctuels pour déceler les risques réels que présentent les différentes déclarations souscrites par les contribuables; l’exercice du contrôle sur place sur base des analyses des risques réalisées préalablement ; la baisse du taux de pénalités de recouvrement de 4 à 2 % par mois de retard ; l’institution des sanctions positives et négatives pour les agents des régies financières ; la suppression de la condition de constitution de caution et maintien de 10 % du sursis payé à la phase administrative comme condition de recevabilité à la phase juridictionnelle ; le traitement du contentieux fiscal par un service autre que celui à la base du litige ; l’introduction de la pratique de cantonnement des fonds à la hauteur du montant réclamé en cas d’avis à tiers détenteurs ; la pratique de la saisie conservatoire conformément au droit OHADA ; l’examen de la possibilité technique d’intégrer un indice TVA dans structure du numéro impôt.

Du point de vue des structures administratives, l’adaptation des structures administratives de manière à rapprocher géographiquement chaque contribuable du service chargé de sa gestion ; la création de structures dédiées au traitement du contentieux fiscal indépendante des services opérationnels qui sont à la base des impositions contestées ; la mise en place des véritables structures de gestion du risque ; l’absence de structures de contrôle indépendantes des services opérationnels ; l’intégration du système d’immatriculation des contribuables et du système de gestion des dossiers fiscaux ; la mise en œuvre d’un mécanisme pour identifier les contribuables potentiels ; l’amélioration du système de recueil des informations à caractère fiscal en vue d’améliorer déclarations des contribuables.

Atelier n° 2 : douanes

Les travaux dans cet atelier ont porté sur les perspectives de prélèvements des droits de douanes et d’accises. Les constats ont conduits aux recommandations suivantes : moduler les taux en fonction de la nature des produits dans le cadre de la revisitation des dispositions sur la TVA ; réviser à la baisse les taux des droits d’accises dans le cadre des travaux de révision du code en cours en élargissant la commission au milieu d’affaires ; augmenter le taux sur les produits les plus nocifs; réduire la liste des produits soumis aux droits d’accises en élaguant de la liste les produits qui ne répondent pas à l’objectif de protection des consommateurs ; consolider toutes les exonérations dans le régime général en y prévoyant les mesures incitatives relatives aux régimes particuliers (pour la douane, les exonérations sans base légale n’existent pas) ; consolider toutes les exonérations dans le régime général et interdire toutes les exonérations sans base légale (secteur privé) ; application généralisée du droit commun sous réserve des renforcements des capacités de la douane pour la construction des plateformes logistiques au niveau de toutes les frontières ; supprimer immédiatement toutes les perceptions non justifiées aux frontières ; examiner l’opportunité du maintien de certaines perceptions connexes sans contrepartie (au regard de la réalité des services rendus) ; consolider toutes les autres perceptions à l’importation en un paiement unique ; maintenir la valeur CIF comme base de calcul des amendes transactionnelles pour les infractions douanières ; revoir les modalités de calcul des pénalités pour absence de contrôle avant embarquement des marchandises pour les limiter aux redevances des services utilisateurs (commerce extérieur) ; réduire le taux des droits d’accises dans le cadre de la commission de revisitation du code des accises en cours en associant le milieu d’affaires ; revenir à l’application des dispositions du code minier ; renforcer l’encadrement et la professionnalisation des services ; sécuriser et rationaliser le système informatique en mettant à contribution le secteur privé pour les informations visant à améliorer le système ; s’en tenir aux 4 services autorisés et assainir l’environnement de travail aux frontières ; engager une étude exhaustive et approfondie des redevances, impositions diverses et formalités non douanières appliquées à la frontière (suppression des perceptions sans contrepartie et sans fondement légal) ; améliorer la gestion des risques et de la lutte contre la fraude en mettant à contribution le secteur privé pour les informations visant à améliorer le système ; revoir à la baisse les coûts des prestations des services qui gèrent le bief maritime (gouvernement) en mettant à contribution le secteur privé pour les informations visant à améliorer le système ; appliquer les sanctions exemplaires à l’endroit des agents (toutes les administrations exerçant aux frontières), des opérateurs corrupteurs ainsi que leurs complices ; examiner la politique générale sur les conditions de travail et la protection des fonctionnaires ; mettre en œuvre les réformes en vue de réduire au maximum les délais de séjour des marchandises dans les ports gérés par la SCTP ; la volonté politique pour amorcer les réformes majeures dans la gestion des procédures des autres services ne relevant pas du ministère des Finances ; construire des plateformes logistiques permettant la canalisation et une meilleure prise en charge des marchandises et fournir les équipements aux services concernés ; construire des logements pour le personnel œuvrant aux postes frontaliers et fournir des moyens de locomotion pour la mobilité dans le cadre de la lutte contre la fraude ; finaliser les démarches pour l’application de la réforme relative au port et à la détention d’armes par les agents de douane autorisés.

Atelier n°3 : taxes, droits et redevances

Les travaux dans cet atelier ont porté sur les perspectives en matière de prélèvements des droits, taxes et redevances par le pouvoir central, les provinces et les entités territoriales décentralisées (ETD). Les constats ont conduit aux recommandations ci-après : réduire les taux des différents impôts, droits, taxes et redevances ; appliquer les dispositions légales en la matière ; revisiter les nomenclatures des actes générateurs de recettes non fiscales du pouvoir central, des provinces et des ETD ; supprimer certaines amendes transactionnelles ; redéfinir le champ d’application de l’infraction du trop-perçu ainsi que du contrôle économique ; supprimer les perceptions illégales sans soubassement légal ; recentrer les prestations de l’Office national du café (ONC) uniquement sur le café ; intégrer les frais d’obtention de certificat de qualité et d’origine international dans le 0,25 % FOB ; modifier les dispositions de la loi n° 011/022 du 24 décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture ; diminuer de moitié les taux des redevances liées aux ressources en numérotation ;

supprimer la taxe sur la messagerie financière ; supprimer la taxe de transformation des immeubles ; limiter la perception de la taxe à la décoration ; supprimer les droits proportionnels à percevoir à l’initiative du ministère de la Justice sur la SARL ; supprimer les redevances sur les auto-producteurs des eaux naturelles, minérales et thermales ; limitation de la TI et de la TRA aux seuls exploitants des installations classées ; limiter la taxe aux entreprises qui stockent pour usage commercial ; réaffirmer le principe de l’intangibilité, de l’exhaustivité et de l’exclusivité du code minier ; clarifier la législation en matière des cotisations sociales ; affecter le bonus au bénéfice des employés cotisants affiliés à l’INSS ; mettre fin aux perceptions illégales et redondantes ;  supprimer le cumul de la TRA et la TI sur l’activité de transport et installations classées ; défiscaliser le carburant ; exonérer de  la TVA sur les transports fluvial et lacustre ; exclure les banques commerciales du champ d’application de ce prélèvement ; revisiter les différents régimes fiscaux dans le but de rétablir la cohérence dans la politique fiscale ; signature d’accords étatiques d’échange de renseignements fiscaux avec les pays où sont implantées « les sociétés mères » dont les filiales se retrouvent en RDC ; procéder à la signature et mettre en application les conventions avec des pays limitrophes ainsi que les protocoles entre administrations fiscales ; rationaliser les taux des impôts, droits, taxes et redevances ; informatiser le circuit de la perception des recettes ; interconnecter les services et autres intervenants ; mettre à jour les textes légaux et/ou réglementaires ; définir un barème des sanctions positives et/ou négatives ; fusionner toutes les administrations fiscales (au niveau central et provincial) ; accorder des exonérations en tenant compte des lois et des prévisions budgétaires ; mettre en cohérence le système fiscal avec les politiques économique, financière et budgétaire ; confier les quatre étapes d’exécution des recettes non fiscales à la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD) ; mettre fin à cette pratique par des dénonciations et intégrer dans l’ordonnance-loi n° 013/002 du 23 février 2013 les dispositions interdisant la perception des frais administratifs au profit de certaines administrations ; mettre en place une déclaration unique pour le paiement des recettes non fiscales, par secteur d’activité ; baisse du taux de pénalité de recouvrement, suppression de la prime d’aviseur et reversement de l’intégralité des pénalités au compte général du Trésor ; limiter cette obligation aux personnes exerçant le commerce import-export ; renforcer les capacités des régies financières et des dispositifs de contrôle ; renforcer l’impératif de l’observation du décret dans les villes ou localités pourvues du système bancaire et systématiser la sanction à l’endroit de contrevenants revisiter les conditions de l’article 2 en intégrant d’autres intervenants : Caritas, Sociétés de télécommunications et les microfinances (ESSOR) ; fixer et délimiter les compétences territoriales et/ou matérielles (taxes, droits et redevances).

Atelier n°4 : organisation des administrations fiscales

Les travaux dans cet atelier ont porté sur les perspectives de la réforme administrative des régies financières. Les constats ont conduit aux recommandations suivantes : fusionner toutes les administrations fiscales (au niveau central et provincial) ; créer un guichet unique de perception ; supprimer  les régies financières provinciales et créer une division des recettes provinciales au sein de chaque direction provinciale de la Direction générale des impôts (DGI) et de la DGRAD ; mettre au point des accords et protocoles de répartition des assiettes fiscales partagées ; mettre en place un forum permanent  sur  base des mécanismes actuels ; identifier les taxes à déléguer temporairement au pouvoir central par les provinces ; identifier un portefeuille limitatif des taxes provinciales conformément à la Constitution ; mise en place d’un dispositif informatique et comptable permettant une répartition automatique des ressources par entité ; informatisation du système d’archivage ; unification des législations fiscales nationales et provinciales ; mise en place d’un code fiscal unique et le publier au Journal Officiel. Autres récommandations :

fusion des échéances des déclarations et des paiements au 15 du mois et mise en place du système de déclaration en ligne ; accélération de l’informatisation de l’administration fiscale ; mise en place d’une déclaration unique pour la perception des recettes non fiscales par secteur d’activité ; respect du décret interdisant le contrôle et le recouvrement des impôts, droits et taxes dus à l’État sans requête des régies financières ; limitation du contrôle fiscal sur place et la contre-vérification fiscale auprès d’un contribuable à une seule intervention par exercice fiscal ; interdiction de la pratique illégale des régularisations ponctuelles initiée par les gestionnaires à la suite du contrôle sur pièce ; limiter le contrôle de l’Inspection générale des finances (IGF) aux seuls services publics (ministères, entreprises publiques…) ; fixer et délimiter les compétences territoriales et matérielles (taxes, droits et redevances) ; intensifier la campagne de civisme fiscal ; informatiser les administrations, interconnecter les régies financières et identifier les assujettis par quartiers fiscaux ; refondre les structures organiques ; former les experts (renforcement des capacités du personnel) ; mener une étude pour déterminer le potentiel fiscal réel du pays dans les secteurs des mines, hydrocarbures, énergie, environnement,… (DGRAD) ; finalisation du processus de révision de la nomenclature fixant les impôts, droits, taxes et redevances du pouvoir central, des provinces et des ETD dont le projet discuté à Matadi sous la coordination du COREF, lequel détermine de manière claire et précise, les compétences des uns et des autres.

Sur le plan de la décentralisation fiscale, finalisation du processus de révision de la nomenclature fixant les impôts, droits, taxes et redevances du pouvoir central, des provinces et des ETD dont le projet discuté à Matadi, au Kongo Central sous la coordination du COREF lequel détermine de manière claire et précise, les compétences des uns et des autres ; adaptation des édits provinciaux en matières fiscale à la Constitution et à la loi fiscale nationale concernant l’établissement de l’impôt ; adoption, par le pouvoir central et les organes délibérants des provinces des lois et règlements, des édits et règlements provinciaux nécessaires pour la mise en œuvre de la décentralisation politique, administrative et fiscale ; organisation des sessions de formation et de renforcement des capacités des dirigeants des provinces et ETD ainsi que des cadres et agents œuvrant au sein des régies financières provinciales en matière fiscale élargie aux agents des services d’assiette ; application effective de la répartition du patrimoine humain, financier, matériel et technique entre le pouvoir central, provincial et local conformément à la loi-cadre sur la fonction publique nationale, provinciale et locale.

Problème à régler avec la revisitation de la nomenclature ; transfert effectif des compétences et des ressources du pouvoir central vers les provinces et des provinces vers les ETD notamment en ce qui concerne la santé, l’éducation, l’agriculture et le développement rural ; formalisation, par actes juridiques, des mécanismes de collaboration entre les régies financières nationales et provinciales en vue d’une bonne maitrise des informations à incidence fiscale ; prendre des dispositions en vue de l’équipement des administrations fiscales provinciales en matériels informatiques notamment pour une maitrise de l’assiette fiscale ; acquisition d’un logiciel informatique pouvant permettre l’uniformisation des procédures d’intervention et de prise en charge des contribuables et assujettis dans toutes les régies financières provinciales; sans oublier la mutualisation des expériences.