L’État entretient un flou sur la liste des entreprises exonérées

Les régies financières sollicitent du gouvernement une liste exhaustive des entreprises minières qui ne doivent plus bénéficier des droits d’entrée au taux préférentiel. 

Après six ans d’exploitation, une entreprise minière jouissant d’un régime de privilège devrait formellement rentrer dans le régime de droit commun. Mais cette directive n’est guère d’application au point que les régies financières, particulièrement la Direction générale des douanes et accises (DGDA) attend des dispositions claires du gouvernement pour projeter ses réalisations pour la période 2019-2021 dans le Cadre budgétaire à moyen terme CBMT). 

Fiscalité à tâtons et à reculons

Il y a six ans, suite à une recommandation expresse du gouvernement, la DGDA avait été contrainte d’appliquer un « régime préférentiel » à la Société Anhui Congo d’Investissement Minier (SACIM). Il s’agit, en pratique, d’un chapelet des facilités au titre de partenariat stratégique sur les chaînes de valeur conformément au décret n°03/049 du 6 octobre 2013 dont l’exonération des droits de douane et la suspension de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’importation, la suspension de la TVA sur les produits intermédiaires ou finis ainsi que sur les prestations des services produits par l’entreprise. Autres facilités : l’allègement des coûts de la rémunération de certaines prestations dans le cadre institutionnel conformément au décret susmentionné. 

Depuis mi-2016, la production du diamant de la SACIM serait en moyenne de 300 000 carats le mois, contre 70 000 carats au début de la production. Il y a un peu plus d’une année, le coordonnateur de cette société sino-congolaise, Roger Kalembo, rassurait à un diplomate sud-africain que la production de la SACIM irait crescendo. Hélas, il nous revient que la douane ne trouve pas son compte dans cette embellie. Pareil pour la Sino-Congolaise des Mines (SICOMINES), une joint-venture née des contrats chinois. Et la liste n’est pas exhaustive.

Les effets de l’ancien code

Outre le régime préférentiel, il y a peu, à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de la loi sur le budget 2018, les députés de la majorité comme ceux de l’opposition ont déploré le fait que, porteur de la croissance, le secteur minier n’est pas, cependant, totalement fiscalisé. Que les mines représentent pourtant un peu plus d’un tiers de la croissance économique de la République démocratique du Congo. Que l’ancien code minier prévoit des dispositions avantageuses pour les minings, voilà qui a pour effet de plomber notamment l’impôt sur les bénéfices et profits durant les cinq premières années à travers différents mécanismes, notamment l’application du système d’amortissement exceptionnel. 

Dès la première année, le mining est, en effet, en droit de récupérer 60 % de ses amortissements. À la DGDA, l’on estime que les raisons qui ont conduit à la relecture du code minier ont eu un impact négatif sur la mobilisation des recettes issues de l‘exploration des produits miniers marchands. D’où, la nécessité d’appliquer le nouveau code minier tel que modifié à ce jour. « L’application de ce nouveau code minier mettra en œuvre des innovations retenues lesquelles auront un impact positif dur les recettes du Trésor », lit-on dans un rapport daté du 25 juin 2018 de la douane. Apparemment, il va falloir attendre encore pour vivre l’applicabilité de nouveaux code et règlement miniers. Même les experts sont dans des supputations. L’ancien code continuerait donc à produire ses effets.  

Libre choix

En RDC, le titulaire d’une autorisation d’exploitation minière peut vendre ses produits ou minerais aux clients de son choix à des prix librement négociés. L’État via le ministre des Mines n’intervient que pour autoriser ou non les exportations de minerais à l’état brut. En dehors des activités commerciales de la Gécamines SARL dont il est encore l’unique actionnaire, l’État ne se contente, en dehors des actions à titre purement social, philanthropique des sociétés privées, que de retombées financières, fiscales, parafiscales et douanières, qu’il récolte principalement par le biais de la Direction générale des impôts (DGI), de la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD), de la Société nationale d’assurances (SONAS), de la DGDA, du Cadastre minier (CAMI), le ministère des Mines et ses appendices. 

Les minings sont redevables de l’impôt sur le chiffre d’affaires à l’intérieur sur les ventes réalisées et les services rendus sur le territoire national. 

Les ventes des produits à une entité de transformation établie en RDC sont expressément exemptées. Les autres ventes des produits à l’intérieur de la RDC constituent l’assiette de cette « contribution » et le taux applicable est de 10 %. Les services rendus par le titulaire sont imposables au taux de droit commun. Le titulaire du droit ou titre minier ou de carrière supporte la contribution sur le chiffre d’affaires à un taux préférentiel de 5 % lorsqu’il est bénéficiaire des prestations des services liés à son objet social. Mais suite à l’instauration de la TVA – en remplacement de l’impôt sur le chiffre d’affaires (ICA) – dont l’application dans le secteur minier fait débat, tous ces taux passent quand même à 16 %. Il sied également de rappeler qu’avant l’instauration de la taxe sur la valeur ajoutée, l’acquisition par le titulaire des biens produits localement était imposable au taux de 3 % pour les biens liés à l’activité minière. 

Il sied de rappeler qu’avant de commencer ses travaux ou projet, le titulaire du droit ou titre minier et/ou de carrière dresse la liste comprenant le nombre et la valeur des biens mobiliers, des équipements, des véhicules, des substances minérales et d’autres intrants devant bénéficier d’un régime douanier particulier plutôt privilégié. Ces biens et produits sont soumis à un droit d’entrée de 2 %. Les biens et produits des sociétés affiliées et sous-traitants liés au projet jouissent également de ce taux préférentiel s’ils sont repris sur la liste que le titulaire transmet aux ministres des Mines et des Finances. 

Le taux du droit d’entrée (des biens repris sur la liste) passe de 2 à 5 % dès que l’exploitation minière devient effective. Cependant les carburants, les lubrifiants, les réactifs et autres consommables destinés aux activités minières sont soumis à un droit d’entrée de 3 % pendant toute la durée du projet minier. La nouvelle loi portant sur la taxe sur la valeur ajoutée supprime le droit d’entrée pour les lubrifiants et les réactifs au bénéfice des minings. 

L’application du taux de droit commun aux minings relève plutôt de la sanction, selon l’esprit du code minier. En fait ce n’est qu’en cas de fraude sur la déclaration lors des importations dans le cadre des travaux d’extension d’un projet minier, le titulaire d’un titre minier est passible des droits d’entrée et de la contribution sur le chiffre d’affaires à l’importation au taux de droit commun. S’il y a coulage, c’est aussi dans les aspects institutionnels et légaux ! Notons que le code des investissements prévoit des exonérations au titre des impôts sur les bénéfices et profits sur des périodes allant de 3 à 5 ans selon qu’on se trouve dans telle ou telle zone économique.