L’État, juge et partie dans les conflits de succession et mutation des immeubles

Le ministre va en guerre contre les mauvaises mœurs dans l’administration foncière. Objectif : promouvoir de nouveaux animateurs pour imprimer une nouvelle vision du service foncier et en faire un service d’assiette, gros contributeur au Trésor public.

Une petite révolution est en train de se faire dans l’administration des Affaires foncières. Conservateurs de titres immobiliers et géomètres accusés de détournement de deniers publics et d’être à la base de la foultitude de conflits fonciers devant les cours et tribunaux sont sur le départ. Selon une note du gouvernement datée de mai 2017, le ministère des Affaires foncières doit procéder à « un encadrement efficient des droits proportionnels d’enregistrement » en vue de gagner plus de 16 milliards de francs pour le compte du Trésor public.

Ces droits proportionnels d’enregistrement sont en pratique des droits de mutation, c’est-à-dire  la vente, la succession, la donation, l’apport, la fusion, le partage, le droit d’emphytéose portant sur un bien foncier. Ces droits  représentent donc plus de 60 % des revenus attendus des Affaires foncières et portent sur les droits de mutation de l’ordre de 13 552 319 542 francs. Il y a aussi l’inscription hypothécaire qui devrait rapporter 2 407 254 293 francs à l’État, la réinscription hypothécaire 43 859 179 francs ainsi que la radiation hypothécaire 16 241 661 francs. Les assignations de 2017 pour les Affaires foncières sont de l’ordre de 28,6 milliards de francs. En d’autres termes, le ministre Lumeya Dhu-Maleghi veut quasiment faire passer du simple au double les réalisations de l’exercice 2016, qui étaient de 15,7 milliards de francs.  Le ministère des Affaires foncières a, pour ce faire, programmé, à court terme,  la création et le découpage de nouvelles circonscriptions foncières sur toute l’étendue du pays. Question de rapprocher le service des usagers, en passant de 72 à 112 circonscriptions foncières.

Nouveau code foncier 

Le ministre des Affaires foncières s’est, en effet, engagé à réduire sensiblement le taux de conflits fonciers devant les cours et tribunaux. D’après les experts du ministère de la Justice, près de 70 % des procès en République démocratique du Congo portent sur des différends liés au domaine foncier : conflits de succession, duplicité de certificat d’enregistrement couvrant un même bien immobilier, bornage, etc. Dans un rapport portant sur l’exercice 2016, il a également été reproché à nombre d’agents des Affaires foncières dans les divisions provinciales d’avoir détourné et consommé à la source des recettes à compétence du pouvoir central.

Les incriminés ont fait fi des sanctions professionnelles et des poursuites judiciaires auxquels ils s’exposaient. Selon nos sources, cette pratique a fait de vieux os et a longtemps été couverte par des hauts placés dans l’administration foncière. Les Affaires foncières constituent l’un de rares ministères à ne pas disposer des ressources extérieures. Pour autant, le gouvernement a quand même prévu une enveloppe de 3,666 milliards de francs pour l’appui et la rémunération des agents de la Commission nationale de la réforme de la loi foncière (CONAREF). Le domaine foncier est, en effet, régi par une loi qui remonte à l’époque coloniale dont le dernier amendement de taille date de 1973. L’État compte également doter les administrations provinciales en équipements topographiques pour plus de 107 millions de francs. Plus de 387 millions de francs sont également prévus pour le fonctionnement de l’École nationale du cadastre.

Taxes et droits superflus 

Le gouvernement compte en outre dépoussiérer les actes générateurs de recettes dans les Affaires foncières. Plus de taxes et droits superflus, à l’image des frais dits de « Journée perte de temps », « Journée indivisible », « PV d’audition en cas de conflit » longtemps repris dans la nomenclature des frais d’enquête et de constat en matière foncière. Toutefois, le gouvernement compte procéder à la révision à la hausse de la tarification des actes fonciers conformément aux arrêtés interministériels n° 023/CAB/MIN/AFF.FONC/2016 et n° 026/CAB/MIN/AFF.FONC/2016 du 16 mars 2016. Il s’agit notamment de la taxe spéciale sur le transfert de contrats de location, l’opération de conversion des livrets de logeur ainsi que de tout autre titre, l’acquisition du nouveau certificat d’enregistrement qui devrait rapporter au moins 323 012 950 francs. Les droits sur le remplacement d’un ancien certificat sont de l’ordre de  326 769 841 francs ; sur la page supplémentaire, 794 101 francs, alors que les Affaires foncières attendent récolter plus de 28 millions de francs dans l’opération de  changement de dénomination sur les titres fonciers contre 27 536 934 francs  pour l’insertion d’une mention substantielle.

L’annulation de certificat d’enregistrement devrait rapporter un peu plus de 1.6 million de francs, selon les projections du ministère des Affaires foncières en intelligence avec la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD). Lors de l’évaluation des réalisations des Affaires foncières à fin décembre 2016, il a été noté l’absence des missions de contrôle mixte entre la DGRAD et les services des Affaires foncières ainsi que la non-mise à disposition des fonds pour les enquêtes des concessions non mise en valeur.

Par ailleurs, pour l’exercice 2018, l’État compte poursuivre l’assainissement des villes et de grands centres urbains. Pour ce faire, les actions du gouvernement viseront la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation de forêts. À ce titre, le gouvernement entend mener des actions de grande envergure sur les moteurs de déforestation, dont les infrastructures, l’aménagement du territoire et le foncier, lit-on dans une ébauche portant sur la loi de finances publiques 2018. Le ministère des Affaires foncières y dispose des crédits de l’ordre de 6,477 milliards de francs.