L’expérience des douanes ivoiriennes

Le modèle fiscal de la Côte d’Ivoire a ceci de particulier, les administrations financières autonomes des douanes et des impôts coexistent. Nda Tigori, membre du Comité de réformes des douanes ivoiriennes, a été l’invité du forum sur la réforme fiscale en RDC.

Nda Tigori est sous-directeur du personnel, de la programmation et du contrôle des effectifs de la Direction générale des douanes ivoiriennes. Il est aussi chargé du Groupe Projet « Modernisation des ressources humaines, de l’organisation et de la conduite des opérations » au sein du Comité de réformes des douanes ivoiriennes. D’emblée, il a expliqué que l’organisation des administrations fiscales se présente sous deux formes: le modèle jumelé ou autonome; et le modèle originel ou collaboratif.

La Côte d’Ivoire a un modèle des administrations financières autonomes où coexistent les douanes à côté des impôts. Au niveau du sommet de l’État, deux ministères se partagent les structures financières : MEF (DGTCP) et SEPBPE (DGD et DGI). Au niveau des réformes et de la modernisation  de l’administration financière, un comité national des finances publiques (CONAFIP) définit et planifie les programmes de développement économique et financier pour l’ensemble des administrations financières. Au niveau de l’organisation des administrations fiscales, chaque structure a à sa tête un directeur général, son organigramme et fonctionne de manière autonome. Dépendent du même ministère (le secrétariat d’État auprès du 1ER Ministre chargé du Budget et du Portefeuille de l’État).

La Direction générale des impôts comprend un service de police spéciale, une inspection générale des services fiscaux, 11 directions centrales, des services extérieurs (les DR, services décentralisés), 4 260 agents. Par contre, la Direction générale des douanes est une administration publique chargée de la mise en œuvre et du suivi de la réglementation applicable en matière d’importation, d’exportation, de détention et de circulation des marchandises. La Douane ivoirienne est un corps paramilitaire composé d’agents obéissant à la fois au statut général de la Fonction publique et au statut militaire.

La Direction générale des douanes comprend les services rattachés (le Comité de pilotage chargé des réformes et du cadre de la planification), le Groupe d’intervention et de recherche d’Abidjan, l’inspection générale, 12 Directions centrales, 1 Recette principale à Abidjan (processus de dématérialisation en cours), 6 Directions régionales.

Collaboration DGD/DGI 

L’organisation des administrations fiscales de la Côte d’Ivoire se présente sous le modèle autonome collaboratif. Il existe un Comité de suivi de la réforme des finances publiques (CONAFIP) qui regroupe les services. ici se définit le « Schéma directeur et la stratégie » de la réforme des finances publiques qui fait ressortir les projets dont la réalisation incombe aux deux structures (DGD et DGI) dans la mise en œuvre de plans d’actions stratégiques. Au niveau de certaines activités spécifiques, il y a la création d’un compte contribuable unique par la DGI (plateforme électronique d’échange de données DGD/DGI), les contrôles conjoints DGD/DGI en entreprise. Il s’agit de contrôles après le dédouanement.

Cette pratique permet d’optimiser les contrôles et surtout de mutualiser les expertises fiscales : complémentarité des compétences en matière de contrôle a posteriori. À l’issue de ses contrôles conjoints, la DGD et la DGI conviennent d’une liste « d’opérateurs à risques » devant faire l’objet de contrôle. Selon Nda Tigori, cela permet d’éviter les contrôles multiples par la même administration publique.

Quel est le niveau de collaboration entre les douanes ivoiriennes et les impôts ivoiriens ? Quels sont les domaines de cette collaboration ? La collaboration existe dans le cadre du « crédit de la TVA »: prélèvement de la TVA par la DGD pour le compte de la DGI. La DGD délivre les attestations de régularité douanière (ARD) pour la DGI dans le cadre du remboursement de la TVA. Gestion des régimes fiscaux d’OE (souvent le chiffre d’affaires déclaré est en deçà des transactions commerciales)

Rapport entre douanes et contribuables

Il existe un partenariat douane-secteur privé (un des piliers de l’OMD). C’est un partenariat gagnant-gagnant fondé sur un cadre d’échanges entre la DGD et ses contribuables. La création d’une direction en charge de la communication, de la qualité et du partenariat avec le secteur privé (DCQPSP) pour renforcer le partenariat avec le secteur privé. Il a été instauré « Jeudi des douanes », des rencontres d’échanges avec les contribuables sur les différentes préoccupations. Il existe des revues et publications sur les prestations de la DGD, tout comme une émission télévisée (Qu’avez-vous à déclarer ?) qui informe et forme le grand public sur les différentes activités et les procédures de dédouanement, des Comités ou plateformes de partenariat.

Il existe aussi des Comités permanents: l’Observatoire pour la célérité des opérations de dédouanement (OCOD), présidé par le secteur privé (pour une administration responsable au service de ses clients); le Comité d’arbitrage de la valeur (CAV), pour une administration qui respecte ses usagers et leurs droits ; le Comité d’annulation ; le Comité de lutte contre la fraude (pour une administration soucieuse de son éthique, sa déontologie et de ses performances). Et d’autres plateformes occasionnelles (thématique ou spécifique occasionnel) : Plateforme d’échange électronique des données (Conseil du café-cacao). Ou des mécanismes complémentaires comme mode de rapprochement avec les clients (numéro vert, site internet, espace sur les réseaux sociaux : twitter et Facebook). La Côte d’Ivoire a adopté et mis en œuvre une « démarche qualité ». Nda Tigori explique que « la satisfaction des clients (assujettis) est au cœur de la stratégie avec 4 bureaux des douanes certifiés ISO 9001 version 2008 ». Il y a un bureau de NOE (dédouanement des marchandises et des biens en frontière terrestre), une direction des enquêtes douanières (DED) chargée de contrôle documentaire après dédouanement, un bureau des douanes du PAA pour le dédouanement des marchandises et des biens en en zone portuaire et un bureau aéroport FHP pour le dédouanement des marchandises et des biens en en zone aéroportuaire.

D’abord, il s’agit des moyens traditionnels : humain (une gestion informatisée, Emeraude, 4 182 agents, effectif important mais il faut continuer son développement quantitatif et qualitatif). La réforme fiscale ne doit pas se faire au détriment du capital humain (renforcement des capacités, observance des règles d’éthique et de déontologie mais aussi de la bonne gouvernance). Les moyens matériels (roulants, locaux, équipements) sont importants mais à améliorer. Les moyens financiers (budget de financement et d’équipement) sont acceptables mais à accroître. Les moyens de détection (5  scanners mobiles et fixes).

Quant aux moyens structurels, un comité de réformes est en charge de la modernisation. Les douanes ivoiriennes se sont engagées depuis quelques années (1987 et surtout à partir de 2000) dans un processus de réformes et de modernisation de procédures. Quelques repères : traitement automatisé des marchandises (SYDAM WORD 2), informatisation du processus douanier, notamment avec sa prise en charge jusqu’au paiement des droits et taxes, adhésion au programme Colombus (renforcement et modernisation des administrations douanières), validation et adoption d’un plan stratégique de réformes et de modernisation (arrêt n° 723 et 724 du 30/09/2010).

Les objectifs de ce vaste programme de réformes sont articulés autours de 6 axes majeurs : sécurisation et simplification des procédures douanières, système automatisé de l’analyse des risques et de sélectivité, modernisation et sécurisation du régime du transit et des régimes spécialisés, renforcement des contrôles après dédouanement et de la lutte contre la fraude sur la base de l’analyse du risque. Les douanes ivoiriennes bénéficient de l’appui de certains bailleurs de fonds, notamment la mission assistance technique (FMI, AFRITAC, BM…), le financement des projets (BM, BAD, DGDI…). D’après Nda Tigori, l’utilisation de toutes ces ressources mises à la disposition de la douane lui ont permis d’être plus performantes de manière croissante et de mobiliser plus de recettes : En milliards de FCFA, 823,80 (2011), 974,01 (2012), 1 129,61 (2013), 1 260,02 (2014), 1 526,00 (2015). L’objectif en 2017 est de réaliser 1 674,42 milliards de FCFA. Contribution au budget et au PIB: 27.8 % et 6.7 % (2000), 43.5 % et 7.3 % (2001), 42.5 % et 8.1 % (2003), 30 % et 7.1 à 7.6 % (2011 à 2013), 27.8 % et 7.7 % (2016).

Un processus de transition fiscale est en cours d’élaboration dans le cadre de l’intégration fiscale régionale en Afrique de l’Ouest (UNEMOA-CEDEAO). La mise en œuvre des conclusions de ce projet aura une implication certaine sur le système fiscal de la Côte d’Ivoire, souligne Nda Tigori. Pour qui, la transition fiscale se définit « comme le transfert de l’essentiel de la pression fiscale de porte vers la fiscalité intérieure (impôt) ». Elle implique à la fois un démantèlement tarifaire au niveau des droits de porte et un renforcement de la capacité de mobilisation des ressources fiscales intérieures. Mais aussi un basculement de la pression fiscale de porte vers la fiscalité intérieure, un élargissement de l’assiette fiscale (DGI).

La réduction de l’impôt de porte se fera à travers les unions douanières (UEMOA- CEDEAO).