L’industrie automobile française espère tirer profit du Brexit

À l’occasion du FEAL 2018, la question du Brexit sur les activités industrielles a été posée. Pour plusieurs intervenants, ce renoncement du Royaume-Uni pourrait être source d’opportunités pour plusieurs pays à la culture industrielle automobile forte, dont la France.

Tommaso Pardi, le directeur du GERPISA (Groupe d’étude et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile) est on ne peut plus clair :

« Le Brexit est un sujet dont les impacts précis restent encore flous. Même les anti-Union européenne sont étonnés du résultat et en paient le prix. Ce qui est sûr, c’est que personne ne voit une opportunité quelconque dans ce Brexit qui aura des impacts dévastateurs pour l’industrie automobile britannique. » 

Pour le Royaume-Uni, le Brexit n’est pas porteur de bonnes nouvelles. Et encore moins dans le domaine de l’industrie automobile, pourtant jusqu’ici plutôt solide. « Après la crise de 2008, l’industrie automobile britannique a su, plus vite que les autres, se remettre du choc », explique Tommaso Pardi. Et ce, grâce notamment à la faiblesse de la livre et aux investissements massifs des marques à l’origine nationales, Jaguar Land Rover, dont la production de véhicules s’est accrue de 376 % depuis 2009. Le pays a ainsi vite pu retrouver des niveaux de production du début des années 2000.

La dépendance aux exportations

Pourtant, cette industrie jusqu’ici prospère admet une faiblesse qui pourrait se révéler fatale avec le Brexit : une très forte dépendance aux exportations. À l’heure actuelle, 80 % de la production britannique est exportée, soit entre 1,4 et 1,7 million de véhicules par an, dont 60 % en Europe. La raison : une vraie dichotomie entre la demande domestique et le marché international. Quelques chiffres pour illustrer ce fait : 86 % du marché britannique reste servi par les exportations, et 80 000 véhicules allemands sont importés sur le marché britannique.

« L’industrie automobile est en réalité extrêmement vulnérable car soumise à des facteurs qui échappent au contrôle du Gouvernement, dont le cours des devises et les barrières protectionnistes. » En clair : si aucun accord de libre-échange n’est conclu avec les marchés environnants, les véhicules Made in Britain seront frappés de taxes supplémentaires, comme le veulent les règles fixées par l’OMC. « Et même si le pays réussit à conserver ou négocier certains accords de libre-échange, il restera toujours les barrières liées aux normes de sécurité ou l’environnement, dictée par la règlementation européenne. Une entorse à ces règles, et le pays ne pourra plus exporter», détaille Tommaso Pardi. De quoi effrayer rapidement les constructeurs étrangers établis dans le pays, qui représentent une large majorité de la production.

« Dans les années 2000, Ford et Vauxhall se sont retirés quand les choses ont commencé à se gâter avec la très forte appréciation de la livre fin des années 1990, rappelle Tommaso Pardi. Beaucoup de constructeurs ont des plans B mis en place. » Des plans B qui pourraient bien faire des heureux, plus précisément les pays à la culture industrielle automobile forte, dont la France. Nissan, qui produit plus de 500 000 unités par an au Royaume-Uni, possède des plateformes communes avec Renault. Toyota, basé à Sunderland, prévoit également l’ouverture d’une deuxième ligne de production à Valenciennes, via un investissement de 300 millions d’euros. PSA pourrait également penser à rapatrier sa production d’Opel/Vauxhall dans ses usines nationales.

« Si les choses tournent mal, les industriels se déploieront en Europe. La France a évidemment ses chances de profiter de ce report d’activité, alors que le pays peut compter sur une base d’équipementiers très performante, établie, prête à récupérer le business », souligne Tommaso Pardi. Les autres industries européennes peuvent aussi faire valoir leur atout : les pays de l’Est, à la main d’œuvre encore moins chère, et même l’Allemagne, qui a réussi à coordonner toutes les parties prenantes de cette industrie pour en faire une filière solide avec une vision d’ensemble pérenne.

Une Région en France en particulier peut se targuer de représenter plus particulièrement l’industrie automobile française : celle des Hauts-de-France, stratégiquement située géographiquement. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si cette troisième édition du FEAL s’est tenue à Lille : avec sept sites de production majeurs et 400 fournisseurs majeurs pour 700 000 véhicules produits chaque année, soit presque 2/3 du volume total produit en en France. Plus de 400 millions d’euros sont investis environ chaque année dans des projets liés à cette industrie qui fournit plus de 50 000 emplois dans la région, dont 6 000 sont concentrés sur la recherche et le développement.

Pour préserver cette position dominante, la Région mise sur deux axes : la préservation du savoir-faire et de la compétitivité. Sur le volet des compétences, 3 414 parcours de formation sont aujourd’hui disponibles, consacrés à l’automobile, hors métallurgie. La région réfléchit également à décliner à son échelle le contrat de filière automobile. « Pour aller plus loin, nous réfléchissons à la création d’un campus automobile avec des formations initiales et continues, détaille Xavier Bertrand, président de la Région Haut-de-France.