L’industrie du plomb bat de l’aile

La polémique est repartie de plus belle sur l’utilisation du plomb. En RDC, où il n’existe plus que deux comptoirs (achat et vente), SMAC à Kinshasa et Diarra Aboubacar à Lubumbashi, un médecin bat actuellement campagne contre la commercialisation du carburant au plomb. 

 

Les cours mondiaux du plomb se maintiennent au-delà de 1 900 dollars la tonne depuis le second trimestre de 2017. En mars, le prix du plomb s’est établi à 2 281 dollars la tonne. Il a connu une hausse de 26,6 % sur une année. Au 1er août 2017, la tonne du plomb se négociait autour 1 950 dollars. Après une chute à 1 890 dollars le 20 juillet, puis une remontée à 1 966 dollars la tonne le 27 juillet 2017. Il y a dix ans, le métal gris-bleu avait atteint son prix record, plus de 3 655 dollars, à la Bourse de métaux de Londres. C’est à cette époque que le Kongo-Central, alors Bas-Congo, s’est confirmé une vocation minière. Des carrières d’exploitation du plomb se développèrent çà et là dans la province. Le géant minier américain, BHP Billiton, avait même projeté de construire une usine dans la région.

Mais le projet ne franchit guère le seuil de la matérialisation à cause des chinoiseries administratives des autorités congolaise. Selon le professeur Bosibono, interface de BHP dans les négociations avec le gouvernement, au moins 10 ministres tenaient à avoir une commission (pot-de-vin) pour laisser le géant minier s’installer dans l’ex-Bas-Congo. BHP qui comptait construire, par ses fonds propres, la centrale d’Inga III, fit ses bagages. Depuis, l’exploitation du métal gris-bleu est restée au niveau artisanal.

Boulimie chinoise 

Dans l’ex-Katanga, par contre, le plomb, comme le zinc et le germanium,  se retrouve lié à d’autres minerais dont le cuivre durant leur extraction. En raison de sa toxicité, les interdictions d’usage du plomb se multiplient dans le monde. Loin de faire baisser son prix, les cours mondiaux du métal gris-bleu ont, paradoxalement, augmenté et ont su se maintenir face à la basse conjoncture de 2015-2016. Pour certains experts, la boulimie chinoise aura permis de maintenir la bonne santé du cours du plomb, pour d’autres, face à un marché contrôlé par quelques grands groupes, le plomb est considéré comme une ressource non renouvelable. Ce qui est rare est cher.

Pendant de nombreuses années, le plomb a été extrait majoritairement du minerai plombifère. Les plus grands gisements de ce minerai se trouvent en Chine, aux États-Unis, en Australie, en Russie et au Canada. Les pays européens ne possèdent que peu de ressources en plomb, à l’exception de la Suède et de la Pologne qui occupent les premiers rangs en Europe. Aujourd’hui, le plomb n’est pratiquement plus produit à partir du minerai plombifère, mais du recyclage des débris de plomb. Cela a notamment pour conséquence la rentabilité du métal gris-bleu en Afrique et en Chine où le parc automobile est en pleine expansion. Le recyclage permet, de nos jours, de couvrir près de la moitié de la demande mondiale, selon le Groupe international d’études sur le plomb et le zinc (ILZSG).

Après la faillite et/ou le rachat de quelques producteurs importants, le marché est concentré autour des besoins du bâtiment, des batteries, des munitions ainsi que de la radioprotection. En 2013, le groupe Eco-Bat Technologies qui recycle le plomb de batteries et fabrique divers produits en plomb ou à base du plomb, se présente comme leader en France, où il opère sous le nom de marque le Plomb français, en Europe et dans le monde.

Multi-usage

Les  batteries au plomb, destinées à l’automobile ou à l’industrie, représentent 72 % de la consommation du plomb (53 % automobile et 19 % industrie). Le plomb est, en effet, largement utilisé dans le cuvelage et la tuyauterie de l’acide sulfurique, auquel il résiste par formation d’une couche insoluble et protectrice de sulfate de plomb. Le métal gris-bleu est également de plus en plus utilisé  dans les accumulateurs électriques. Les pigments et autres composés chimiques représentent 12 % de la consommation. Les autres applications (alliages pour soudures, tuyaux et feuilles, munitions, etc.),16 %. Comme il est très résistant aux rayonnements X et radioactifs, le plomb est également très usité dans les techniques médicales (radiologie) et l’industrie atomique.

Le plomb (en plaques métalliques, dans du caoutchouc ou dans du verre) sert, en effet, de protection contre les radiations pour atténuer les rayons X et les rayons gamma grâce à sa densité et à ses propriétés absorbantes. Le plomb est également employé dans la fabrication des réservoirs de carburant et de pipelines. Dans le monde de l’électricité, le plomb a longtemps été employé pour la fabrication des fusibles en raison de sa résistivité électrique et de sa basse température de fusion. Le plomb peut, dans l’industrie nucléaire notamment (où il est très présent parce que comptant parmi les métaux les plus opaques aux rayonnements) contribuer à la dissolution, l’oxydation et la fragilisation d’aciers qui sont exposés à ses alliages.

Règlementation

Le plomb est utilisé comme réfrigérant à haute température, seul, ou fréquemment allié au bismuth qui permet d’abaisser sa température de fusion, En sidérurgie, depuis la fin des années 1940, les bains au plomb (patentage) ont permis de tréfiler les fils d’acier avec un diamètre supérieur à 8 mm sans les rompre, en diminuant suffisamment le coefficient de frottement dans la filière. Toutefois, il est important de savoir que chaque pays possède sa propre réglementation. Ainsi, au Royaume-Uni, les plaques de plomb sont encore utilisées en toiture alors qu’en France, elles sont interdites (hormis dans le cadre de certains monuments historiques, on utilise le zinc qui a la même apparence une fois oxydé et qui est beaucoup plus léger). Le plomb continue d’être utilisé également dans la plomberie d’art, à mi-chemin entre le cuvelage et la sculpture.

Depuis dix ans, une vive polémique est repartie de plus belle sur l’utilisation du plomb. Suite un certain lobbying, des rappels massifs de jouets ont été effectués à travers le monde. Sur 81 rappels des marques des jouets, la moitié soit plus de six millions de jouets, avait une peinture à base de plomb excédant les limites autorisées. Le problème vient notamment du fait que les grands groupes comme Mattel sous-traitent leur production dans des pays comme la Thaïlande ou la Chine, où la réglementation et le contrôle des produits finis sont moins courants. En RDC, un médecin bat actuellement campagne contre la commercialisation du carburant au plomb.