L’OICS interpelle les États africains

L’Afrique n’est plus seulement une zone de transit, mais un marché important pour la consommation de substances illicites. L’instance internationale de contrôle tire la sonnette d’alarme. 

Le trafic et la consommation de drogues prennent des proportions inquiétantes dans le monde. D’après l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), les États peinent toujours à trouver  des solutions durables à ce fléau. Dans son rapport annuel, l’OICS qui veille à l’application des conventions des Nations unies en matière de contrôle des drogues, fait un constat inquiétant. S’agissant de l’Afrique, les conflits favorisent le trafic et la consommation de drogues illicites pendant que la production et la consommation de stimulants de type amphétamine augmentent. C’est le cas en Afrique du Sud, au Nigeria et au Kenya. Mais d’après le Belge Raymond Yans, ancien président de l’organisme onusien et l’un des auteurs du rapport,  il y a très peu d’informations disponibles quant à la production, la fabrication ou la consommation de stupéfiants en Afrique. Toutefois, indique-t-il, le cannabis est de loin le produit le plus consommé. Outre le cannabis, présent principalement en Afrique du Nord, d’autres stupéfiants comme la cocaïne et l’héroïne sont aussi consommés. L’usage croissant de drogues de synthèse est également observé en Afrique du Sud et au Kenya. Les jeunes sont les plus gros consommateurs, fait remarquer Raymond Yans. En 2014, le Cameroun a indiqué qu’en moyenne 5 000 à 6 000 patients étaient traités dans la capitale, Yaoundé, chaque année, pour des maladies liées à l’abus de stupéfiants et de psychotropes, et que 75 à 80 % de ces hospitalisations concernaient des personnes âgées de 15 à 39 ans. L’expert estime que le même profil se dégage dans de nombreux pays. Au Bénin, un pays dont la moyenne d’âge est de 22 ans, 45 % des usagers de drogues sont des jeunes. Raymond Yans considère que ces chiffres sont en deçà de la réalité, dans la mesure où de nombreux pays, notamment le Congo, ne disposent pas de moyens logistiques suffisants ni de structures spécialisées dans le traitement et le suivi de la toxicomanie.

Un commerce prospère

Selon une étude de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la consommation de cocaïne, rien qu’au Kenya et en Tanzanie, aurait généré près de 160 millions de dollars en 2014. Cela montre que l’Afrique n’est plus seulement une zone de transit mais un marché important pour la consommation, analyse Raymond Yans. La cocaïne qui transite de l’Afrique vers l’Europe rapporte près de 1 milliard de dollars, toujours d’après l’ONUDC. Dans son rapport, l’OICS recense de nombreux facteurs qui concourent à l’usage et au trafic de drogues illicites : la pauvreté, l’insécurité alimentaire, les disparités économiques ou encore l’exclusion sociale. « Les États doivent prendre en compte tous ces éléments s’ils veulent réellement s’attaquer au phénomène », affirme Raymond Yans. L’OICS préconise de mettre en place des outils de prévention et de sensibilisation et de veiller à l’application de la loi. Au Congo, le trafic et la consommation de drogues sont prohibés. Ils ont même un lien avec le crime. La consommation de drogues entraîne de nombreux risques sanitaires et la prise en charge des toxicomanes est souvent difficile. Avec une moyenne d’âge de 20 ans, la majorité des consommateurs de drogues sont des jeunes. Des spécialistes pensent que la consommation est en hausse. L’inspecteur judiciaire Pierre-Didier Pini Moke, expert de l’ONUDC, explique que les lois actuelles sur le cannabis n’ont jamais été modifiées. Pourtant, le Congo est signataire de la Convention des Nations unies sur la drogue de 1988.

Corruption et manque de volonté politique

Le Congo est moins actif sur les stratégies régionales en matière de lutte contre le trafic et la consommation de drogues. Il fait généralement preuve de peu de volonté politique, laisse entendre Pierre-Didier Pini Moke. « La corruption et le manque de moyens financiers constituent une entrave à la mise en place d’agents de répression bien formés et bien payés, capables de mener des enquêtes efficaces », souligne-t-il. L’application des lois antidrogue n’est pas considérée comme une priorité, et l’on soupçonne le pays de fermer les yeux sur une grande partie de la production et du trafic en raison de la corruption au plus haut niveau.

En 2009, des hauts fonctionnaires congolais ont participé à la conférence des responsables africains chargés de la lutte contre le trafic illicite de drogues à Windhoek (Namibie). En 2011, le National Geographic rapportait que les forces rebelles avaient déboisé des zones protégées, un habitat vital pour des espèces de gorilles menacées, dans le Parc national des Virunga pour y planter du cannabis, et que plusieurs gardes forestiers avaient été abattus par des miliciens désireux de protéger leur investissement lucratif. Le cannabis est cultivé dans tout le pays, avec des productions concentrées dans les Kasaï, l’ex-Bandundu et dans le Kongo-Central. Il n’existe aucune statistique sur les surfaces cultivées ou les rendements du cannabis. Les seules informations disponibles sur les saisies proviennent souvent d’autres pays où des citoyens congolais sont régulièrement interpellés quand ils tentent de faire de la contrebande de cannabis et d’autres drogues.

Outre la culture, il y a un important trafic de cannabis et d’autres drogues vers les pays voisins, notamment le Rwanda, l’Ouganda, le Congo-Brazzaville et l’Angola. Parmi les plaques tournantes du trafic figurent le Beach Ngobila où se fait la traversée sur le fleuve entre Brazzaville et Kinshasa, l’aéroport international de Ndjili et le port de Matadi. Les trafiquants congolais se chargent également d’expédier les drogues vers leurs marchés cibles en Afrique et dans divers pays européens.

Les taux de consommation de cannabis au Congo sont relativement élevés. Les autorités pensent qu’ils ont progressé régulièrement au cours des dernières années. Les programmes destinés à lutter contre le cannabis ou d’autres drogues n’ont suffisamment de ressources. L’utilisation même du cannabis n’est pas largement considérée comme assez dangereuse pour nécessiter des efforts immédiats.