Lualaba : le gouverneur montre la voie

Nouvelle province issue du découpage, le Lualaba que dirige Richard Muyej, est l’une de celles qui ont des atouts et se montrent entreprenantes pour prendre l’envol du développement….

 

Lorsqu’il arrive à Kolwezi, le voyageur se voit expliquer que cette ville est le chef-lieu de la province du Lualaba, issue comme celles du Haut-Lomami, du Haut-Katanga et du Tanganyika, du démembrement de l’ancien Katanga. Avec une superficie de 121 309 km ², délimité par le Lomami et le Kasaï-Central (au Nord), par le Haut-Lomami et le Haut-Katanga (à l’Est), par l’Angola (à l’Ouest) et par l’Angola et la Zambie (au Sud), la province se décompose en cinq territoires : Lubudi, Kapanga, Dilolo, Mutshatsha et Sandoa. Environ 2,5 millions de personnes forment la population de cette province (21 hab/km²), traversée par la rivière Lualaba (ou fleuve Congo) dont la province tire d’ailleurs son nom et qui prend sa source dans le territoire de Kambove, la traverse par les territoires de Mutshatsha et Lubudi avant de continuer son parcours dans la province du Haut-Lomami.

Le voyageur se voit aussi expliquer que dans sa configuration actuelle, le province est la reproduction à l’identique de celle adoptée par la constitution de Luluabourg d’août 1964, laquelle subdivisait le pays en 21 provinces. Dominique Diur en fut le tout premier gouverneur, le stade de la ville tire son nom de cet homme en souvenir de son œuvre de bâtisseur de la cité. Il était en effet une époque où la ville de Kolwezi brillait de mille feux sur l’ensemble du Katanga. Son histoire commence en 1965, quand le président Joseph Désiré Mobutu décide de faire du Lualaba l’un des districts (plus tard sous-région) de l’ex-province ou région du Shaba.

Puis, dans les années 197-1980, la ville de Kolwezi et les territoires de Lubudi et Mutshatsha sont retirés du district de Lualaba, pour former le district urbano-rural de Kolwezi. Le nouveau district connaît des débuts difficiles, du fait de la guerre du Shaba imposée au régime de Mobutu par les ex-Gendarmes katangais, dont l’hostilité et la fougue seront arrêtées net par le débarquement des bérets rouges français, belges et marocains à Kolwezi. À la Conférence nationale souveraine (CNS), l’Acte constitutionnel de transition adopté en avril 1994, va conférer au Lualaba le statut de province dans sa configuration de 1964. Et la constitution de février 2006, va le consacrer. Et depuis juillet 2015, le Lualaba est devenu une province effective.

Réalités socio-économiques

Aujourd’hui, la province est habitée majoritairement par les peuples Lunda, Tshokwe, Ndembo, Minungu, Luvale, Sanga, Yeke, Kaonde et Luba Sanga. Au moins, 600 000 habitants vivent dans les deux principalement villes : Kolwezi et Kasaji (conformément au décret nº 13/020 du 13 juin 2013).

Le Lualaba est principalement une province minière. Elle regorge d’importants gisements des métaux non ferreux (cuivre, cobalt, manganèse, or, étain, etc.) et de matériaux industriels (calcaire, quartzite, dolomie, sable, granite, etc.). Kolwezi et sa région attirent plusieurs sociétés minières du fait de la présence des minerais. Les principales sociétés minières implantées dans la province sont la Gécamines (GCM), Tenke Fungurume Mining (TFM), Katanga Copper Company (KCC), COMIDE, Mutanda Mining (MUMI), Kamoa Ivanhoe, Boss Mining, SICOMINES, COMMUS… à côté de l’exploitation artisanale. Mais il y a aussi d’autres sociétés telles que la Société nationale des chemins de fer (SNCC), la Société nationale d’électricité (SNEL), la REGIDESO…

Cependant, l’immense potentiel minier contraste avec la pauvreté de la population qui ne tire pratiquement aucun profit de l’exploitation minière industrielle ou artisanale. Pour réduire la dépendance exclusive de la province aux mines et booster son économie, l’exécutif provincial a pris l’option de redynamiser et moderniser les secteurs agricole et touristique. 

L’objectif est de faire très vite du Lualaba non seulement un grenier agricole au Sud de la République démocratique du Congo, mais également une destination touristique pour les nationaux et les étrangers. En effet, les potentialités touristiques sont énormes: cascades et chutes spectaculaires (Tshatuta et Mukwiza à Mutshatsha, Kading à Sandoa, Dipeta et Kayo à Lubudi), grottes (Kyantapo à Lubudi et Diyal dia Mpemb à Musumba), lacs naturels (Kafakumba) et artificiels (Wansela et Katebi).

En matière d’énergie, le fleuve Lualaba abrite deux principales centrales hydroélectriques: N’seke (248 MW) et N’zilo (108 MW), qui desservent aussi la province du Haut-Katanga. D’autres mini-centrales hydroélectriques comme Lubudi et Kapanga sont installées sur la rivière Rushish. Des projets de construction des centrales existent, notamment Busanga sur la rivière Lualaba (SICOMINES) d’une capacité de 260 MW.

Le territoire de Dilolo

On dénombre au moins 362 opérateurs économiques dans le territoire de Dilolo, avec une concentration dans la cité de Dilolo, Kasaji et Kisenge. Ces PME ont comme principales activités le commerce général (vente des produits alimentaires en provenance soit de l’Angola, soit de Kolwezi ou Lubumbashi, vente des produits pharmaceutiques, transfert de fonds, transport des biens et des personnes) ; l’exploitation artisanale de l’or ; la production et la vente des produits agricoles (manioc, arachide, maïs, riz paddy, haricot, 60 %) ; et la production et la vente des produits divers (40%).

Le manioc est produit dans tous les secteurs du territoire de Dilolo, soit 14 465,14 tonnes par an dont une grande partie est vendue en Angola et dans les territoires voisins. Le maïs est également produit en très grande quantité, soit 66 464 tonnes, dont une partie est transformée en alcool local ou vendue aux territoires voisins et au centre de consommation le plus proche comme Luau en Angola. Le riz et le haricot sont produits à  faible quantité et ils sont utilisés pour la consommation locale pour l’alimentation des enfants.

Les produits non agricoles les plus consommées dans le territoire de Dilolo sont les produits forestiers non ligneux (chenilles et champignons), cueillis dans les forêts situées non loin des habitations et sont consommées durant toute l’année. Ils sont trouvés dans les secteurs de Luena et Mutanda. Produite en faible quantité, l’huile de palme est utilisée pour la consommation locale et pour la fabrication des savons.

L’énergie électrique dessert les cités de Kasaji et Kisenge. Pour le reste du territoire, ce sont des lampes à pétrole, les panneaux solaires et le groupes électrogènes qui sont utilisés par les ménages, les unités de production, les services. Le bois, quant à lui, est utilisé pour la cuisine mais aussi pour d’autres usages (transformation de l’huile de palme en savon et fabrication des braises).

Territoire de Kapanga

Ce territoire compte une centaine d’opérateurs économiques dont la principale activité est la vente des produits manufacturés, pharmaceutiques et autres. Kapanga n’est pas desservi par une institution financière. 

Les événements du Kasaï (Kamwena Nsapu) ont porté un coup dur aux activités économiques de ce territoire, particulièrement à Kalamba, Kambamba et Tchibab. Sans oublier le saccage des magasins appartenant aux Kasaïens à Musumba (80 % de l’économie du territoire). 

À Kapanga, les PM/PMI sont plus dans la production artisanale de l’huile de palme, le jus de palme, le savon et l’élevage. 

Les routes de desserte agricole sont en mauvais état, exceptée celle qui relie Musumba à l’Angola, réhabilitée grâce au financement de la Banque africaine de développement (BAD) en partenariat avec le PADIR qui est un projet du ministère de l’Agriculture dans le cadre du développement des infrastructures rurales. L’axe Musumba-Kananga-Kalamba est quasiment impraticable. Sa réhabilitation nécessite le renforcement des digues, la construction des ponts sur certaines rivières comme Lulua pour accroître le flux économique entre les différentes zones.

Les principaux produits agricoles sont le manioc (70 %), le maïs (15 %), l’arachide (5 %), le haricot (5 %). Les produits non agricoles les plus consommées sont les produits forestiers non ligneux (chenilles, fumbwa et champignons). Ils sont prélevés dans les forêts. 

Ils sont destinés à la consommation locale. Le bois est la principale source d’énergie utilisée (70 %) par la population rurale. Par contre, il y a un engouement dans l’utilisation de l’énergie solaire (20 %) dans les ménages et même pour l’éclairage public à Musumba où plus de 103 poteaux ont été placés sur la voie publique. 

La population de Kapanga n’a pas accès à l’électricité (1 %), pourtant il existe un micro-barrage du projet RAZ qui alimente le couvant des prêtres à la paroisse de Ntita. 

Territoire de Lubudi

Ce territoire compte plus ou moins 400 opérateurs économiques dont les activités sont plus portées vers la vente des produits manufacturés (habits, appareils électroménagers, produits alimentaires, pharmaceutiques…) en provenance des autres territoires et même des pays limitrophes. La plupart sont basés à Fungurume et Kakanda du fait de la présence des compagnies minières (TFM, Boss Mining, Congo Cobalt Corporation) ou agricoles comme Grelka opérant dans l’élevage et la vente des grands bovins, Mbeko Shamba opérant dans l’agriculture et la vente des produits agricoles (maïs, haricot, manioc…) ou autres telle que la Cimenterie du Katanga (CIMENKAT) en faillite depuis plusieurs années. Avec l’installation d’un nouveau transformateur de 10 MW, des opérateurs économiques sont intéressés pour la remise en service de cette cimenterie.

Le maïs est la plus grande production agricole de Lubudi, soit 76 947 tonnes par an. Les grands producteurs vendent une partie de leur production aux brasseries. La production annuelle de manioc est estimée à 61 050 tonnes, destinée à la consommation des ménages et à la vente. La production annuelle des haricots est de 3 842 tonnes et celle des arachides de 788 tonnes. La production annuelle du riz est de 434 tonnes, destinée également à la consommation des ménages et à la vente. On y cultive aussi la pomme de terre mais à faible quantité. Par ailleurs, la viande et le poisson coûtent cher.

La majorité des ménages utilise le charbon de bois comme source importante d’énergie. Quelques cités ont accès à l’énergie électriques, d’où l’usage des générateurs et des panneaux solaires encore cher. En 2016, le gouvernement provincial a doté la cité de Lubudi d’un transformateur de 10 MW, réalimentant ainsi ladite cité au courant électrique. D’autres localités (Tenke, Tshilongo, Lukotola) sont connectées au réseau de la SNCC. La cité de Kansenia est alimentée par un micro-barrage appartenant à la mission catholique et Boss Mining apporte l’électricité à la cité de Kakanda.

Territoire de Mutshatsha

Dans ce territoire, on dénombre plus ou moins 200 opérateurs économiques. Le territoire fait appel aux investisseurs miniers et autres opérateurs économiques, notamment les banques et autres institutions financières. Pour cela, il faut réhabiliter la route et les rails.  Les opérateurs économiques passent souvent par Mutshatsha  pour s’installer ailleurs, notamment à Dilolo et Sandoa. Au lieu que Mutshatsha ravitaille la ville de Kolwezi en denrées alimentaires, c’est plutôt l’inverse.  

Les quelque 200 opérateurs économiques de Mutshatsha sont dans le commerce, l’exploitation du charbon de bois, l’exploitation minière artisanale dont la vente se fait à Musompo, Kawama, Kisamfu… Il existe des carrières minières à très fortes concentrations. L’absence de PME/PMI est compensée par la présence des grandes entreprises telles que Mutanda Mining (MUMI), Kamoa Copper, KMT, SICOMINES, Congo Loyal, Chemaf et Katanga Metals.

Les principaux produits agricoles sont le manioc, le maïs, le haricot, l’arachide et la patate douce. L’agriculture est encore celle de subsistance avec l’abondance des produits tels que l’ananas, la banane et autres en provenance de la Zambie. Les principaux produits non agricoles sont les champignons, la mangue, le miel sauvage… dont plus de 75 % pourrissent à terre constituant ainsi une nourriture pour les porcs et les chèvres.

En matière d’énergie, Mutshatsha est alimenté par le barrage de N’zilo et la ligne caténaire qui tracte les locomotives de la SNCC ou en panneaux solaires, photos voltaïques ou encore en groupes électrogènes ou encore en charbon de bois. Un transformateur monophasé de type extérieur de 225 KVA alimenté par la caténaire distribue le courant dans la cité. Le quartier résidentiel est alimenté par un petit transfo de 75KVA de type intérieur 320V/220V monophasés qui alimente aussi une partie du camp des travailleurs de la SNCC. 

Les villages riverains du chemin de fer entre Kolwezi-Tenke et Kolwezi-Mutshatsha, dans toutes les gares de la SNCC sont également alimentés par la ligne caténaire.

On ne compte plus un grand nombre de grandes entreprises à Sandoa, comme jadis, à l’époque de COTOLU dans la filière coton ou de DIMOND-Congo dans la filière tabac. Actuellement, il existe juste quelques activités à petite et moyenne échelles. Quelque 200 PME se concentrent essentiellement sur Lumanga, qui influence significativement la vie économique du territoire. Ces PME ont comme principales activités le commerce des produits manufacturés (habits, pagnes, matériaux en plastiques, matériaux de construction, marmites, appareils électroménagers, etc.), l’agriculture et l’élevage mais aussi le transport des biens en provenance des pays limitrophes et des grandes villes comme Lubumbashi, Kolwezi, Likasi… 

Le produits vivriers (manioc, maïs, arachides, haricot, ananas, riz, légumes, etc.) sont vendus souvent en l’état, faute d’énergie électrique pour les transformer et le manque d’infrastructures adéquats. Par ailleurs, les routes font défaut, c’est pourquoi les produits manufacturés sont cher. Avec le projet PRESSAR (apport en semences), la production agricole a augmenté. Sandoa est un territoire à vocation agropastorale grâce à son sol favorable. Par exemple, l’élevage du porc est pratiqué par plus ou moins 35 % de la population.

Les principaux produits non agricoles les plus consommées sont des produits forestiers non ligneux (champignons, chenilles, etc.). Ils sont prélevés dans les forêts. Le territoire de Sandoa connaît un sérieux problème d’énergie parce que jamais électrifié. Cependant, un projet d’électrification existe, avec une ligne qui va de la cité de Kasaji (Dilolo) à Sandoa. C’est le manque de poteaux et fils qui retarderait le transport de l’électricité. La plupart des PME et des ménages utilisent les panneaux solaires et les groupes électrogènes pour des besoins domestiques et les différentes PME pour faire tourner leurs appareils. Le bois est utilisé pour la cuisine dans les ménages mais aussi pour d’autres usages.

Regard vers le futur

Dans la province, le découpage territorial n’a pas sonné comme un arrêt de mort. Au contraire, la décentralisation a été accueillie comme une décision salutaire, afin de voir la province renaître petit à petit de ses cendres à partir de Kolwezi. Les signes sont visibles pour le voyageur. Pour comprendre le dynamisme de nouvelles autorités, un détour s’impose. 

L’exécutif provincial s’est donné comme devoir prioritaire de désenclaver la province en s’ouvrant au monde par la réhabilitation et la modernisation des routes Kolwezi-Solwezi (en Zambie) et Kolwezi-Dilolo vers l’Angola. La construction d’un aéroport moderne constitue également l’un des objectifs majeurs du gouvernement provincial. 

Puisque le Lualaba a l’ambition de devenir un grenier agricole et une destination touristique prisée, le Plan triennal stratégique (2016-2018) prévoit de réhabiliter 2 210 km de routes de desserte agricole. Ce programme vise à relier les centres de production agricole au chef-lieu ainsi qu’aux principaux centres de consommation dans la province ainsi que des provinces et pays voisins.